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Emploi - Projet de loi Travail : le point sur les dispositions formation, apprentissage et information

Actuellement entre les mains du Conseil d'Etat, le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri sera présenté en conseil des ministres le 9 mars. Les députés commenceront son examen le 4 avril. Centré sur la réforme du code du travail, le projet de loi prévoit dans son volet sécurisation des salariés différents dispositifs comme le CPA, l'aménagement du CPF, l'assouplissement de la VAE, des précisions sur l'apprentissage. Les régions ne sont pas en reste : elles devront notamment contribuer à améliorer l'information sur les formations de qualité.

CPA et ajustement du CPF

CPA. Le projet de loi procède à la mise en place du compte personnel d'activité à compter du 1er janvier 2017, sur la base de la position paritaire commune conclue le 8 février 2016. "Il s'agit d'une première étape, cette réforme étant appelée à se poursuivre sur plusieurs années", précise l'exposé des motifs à propos de "la grande réforme du quinquennat" de François Hollande. Il "préfigure la protection sociale de demain", précise le ministère du Travail dans un document diffusé le 20 février 2016, intitulé : "Le vrai/faux du gouvernement sur la loi Travail". Le CPA concerne tous les actifs d'au moins 16 ans (jusqu'à la retraite), quel que soit leur statut (salariés du privé, agents publics, indépendants, demandeurs d'emploi). Les droits qui y sont inscrits demeurent acquis quels que soient les changements d'emploi ou de statut. "Dans cette première étape", le CPA est constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Il ne contient pas, par exemple, le compte épargne temps (CET) comme l'avaient réclamé certains syndicats lors de la négociation sur la position commune (CFDT, CFTC et CFE-CGC notamment, signataires du texte avec FO ; le patronat réservant pour le moment sa décision). L'inscription du CET dans le CPA "aurait permis d'enclencher une dynamique de fongibilité (conversion des droits)", déplorait ainsi la CFTC à l'issue de la réunion paritaire.

CPA/Accompagnement global. Le titulaire du CPA aura droit à un accompagnement global couvrant l'ensemble des problématiques de sécurisation des parcours professionnels (logement, mobilité, garde d'enfants…). Il pourra être fourni notamment dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP). Pour les signataires de la position commune, cet accompagnement devra relever de "la triple responsabilité de l'Etat, des collectivités territoriales et des partenaires sociaux".

CPA/Information en ligne. Chaque titulaire d'un compte aura connaissance des droits inscrits dessus et pourra les utiliser en accédant à un service en ligne gratuit géré par la Caisse des Dépôts, sans préjudice des dispositions de l'article L.4162-11 du code du travail confiant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés la gestion de leur C3P. Chaque titulaire aura également accès à "une offre de service en ligne ayant trait à l'information sur les droits sociaux et à la sécurisation des parcours professionnels".

Activation du CPF dans le cadre du CPA. Les conditions d'utilisation du CPF seront désormais alignées sur celles du CPA. Le CPF sera toujours ouvert à toute personne d'au moins 16 ans. Les travailleurs indépendants, les membres d'une profession libérale ou non salariée, les conjoints collaborateurs et les artistes auteurs sont ajoutés à la liste des bénéficiaires. Les autres catégories de personnes pouvant prétendre à l'ouverture de leur CPF à partir de leurs 16 ans restent les mêmes : personnes en emploi, celles "à la recherche d'un emploi ou accompagnée dans un projet d'orientation et d'insertion professionnelles" ou "personnes accueillies dans un établissement et service d'aide par le travail". Par ailleurs, pour les apprentis, le CPF pourra être ouvert "dès l'âge de 15 ans".

CPF et indépendants. Le CPF sera étendu aux travailleurs indépendants à compter du 1er janvier 2018. Comme les salariés, ils bénéficieront d'un droit quantifié à un nombre d'heures de formation, dans la limite de 150 heures. Les formations seront prises en charge par les fonds d'assurance-formation (FAF) de non-salariés, qui perçoivent les contributions "formation professionnelle" des indépendants. Ce sont ces FAF qui définiront la liste des formations éligibles au CPF.

CPF : nouvelles modalités d'abondement. Le projet de loi fixe de nouvelles modalités d'abondement du CPF pour financer des formations dont la durée excède le nombre d'heures inscrites dans le compte. Ces heures complémentaires pourront être financées par l'employeur, le titulaire lui-même, un Opca/Opacif, un fonds d'assurance formation de non salariés, la Cnav gestionnaire du C3P, l'Etat au terme des périodes de service civique notamment (une telle mission donnera droit à vingt heures supplémentaire au titre du CPF), Pôle emploi, l'Agefiph et les régions. Ces dernières pourront abonder le CPF de personnes sorties du système éducatif sans diplôme au titre du droit d'accès à un premier niveau de qualification, lorsque cette formation sera dispensée sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Le cas échéant, cet abondement viendra "en complément des droits déjà inscrits sur le CPF pour atteindre le nombre d'heures nécessaires à la réalisation de la formation qualifiante". Cette alimentation n'entrera pas en compte dans les modes de calcul des heures qui sont créditées sur le compte chaque année et du plafond de 150 heures du CPF. Par dérogation, les formations éligibles à ce titre seront celles inscrites au programme régional de formation professionnelle.

CPF et CPA : nouvelles actions éligibles. Le projet de loi élargit la liste des actions éligibles au CPF aux "actions préalables d'évaluation directement afférentes" au socle de connaissances et de compétences professionnelles (CléA). Seront également éligibles au CPF via le CPA, l'accompagnement à la VAE, les formations permettant de bénéficier de bilans de compétences pour les personnes n'ayant pas droit au congé de bilan de compétences, et les formations dispensées aux créateurs/repreneurs d'entreprise.

CPF : Information sur les listes. Dans un souci de transparence vis-à-vis des organismes de formation et afin d'offrir une plus grande sécurité aux salariés et aux demandeurs d'emploi, "les instances décisionnaires en matière de listes de formations éligibles au CPF" (Copanef, Coparef, CPNE de branches) devront désormais déterminer et publier les critères prévalant à l'inscription des formations sur ces listes.

CPA et agents publics. Le gouvernement créera par ordonnance le CPA des agents publics. Chacun sera doté d'un tel compte qui garantira la portabilité des droits entre employeurs publics et en cas de changements entre secteur public et secteur privé. L'ordonnance devra être prise dans les neuf mois suivant la publication de la loi El Khomri. Elle sera précédée d'une négociation avec les organisations syndicales de fonctionnaires.

CPA et bulletin de paie. Le projet de loi vise à étendre la dématérialisation du bulletin de paie des salariés. L'employeur pourra remettre le bulletin sous forme électronique (le salarié qui le souhaite pouvant toutefois conserver le format papier du document). Cette transmission pourra prendre, à la demande du salarié, "la forme d'hébergement du bulletin de paie dans le cadre des services en ligne associés au CPA, dans des conditions garantissant l'intégrité des données".

Apprentissage

Apprentissage/CFA. Les centres de formation d'apprentis (CFA) devront délivrer une "attestation de compétences" en cas de rupture du contrat, ce qui permettra à l'apprenti de valoriser son parcours de formation lorsque celui-ci n'aura pu être mené à son terme.

Apprentissage/Collecte. Le projet de loi supprime la convention triennale entre l'organisme collecteur, l'Etat et la région. La loi du 5 mars 2014 a en effet instauré un dialogue entre l'Octa et la région. Il étend également la liste des établissements habilités à recevoir des dépenses libératoires au titre de la fraction "hors quota" de la taxe d'apprentissage à des établissements privés gérés par des organismes à but non lucratif, n'ayant pas de contrat d'association avec l'Etat mais disposant d'une reconnaissance de l'Etat.

Temps de travail des apprentis. Dans son document, "Le vrai/faux du gouvernement sur la loi Travail", le ministère du Travail précise que le projet de loi "ne modifie pas les durées maximales quotidienne (8 heures) et hebdomadaire (35 heures) applicables aux apprentis de moins de 18 ans". Ce qui change avec la loi, c'est que, dans certains secteurs qui seront listés par décret (comme le bâtiment), "l'employeur n'aura pas à demander à l'inspecteur du travail une autorisation pour faire travailler l'apprenti cinq heures de plus par semaine" comme actuellement.

Information sur la formation

Obligations des régions. Les régions devront désormais fournir des informations sur les conditions et les délais d'accès aux formations, leurs modalités de déroulement, les résultats obtenus à leur issue ainsi que sur leur qualité. Cette information devra s'effectuer en ligne "dans un standard ouvert aisément, réutilisable et mis à jour de façon régulière".

Taux d'insertion. Les enquêtes mesurant le taux d'insertion à la sortie des lycées et des CFA devront être rendues publiques dans le cadre du portail gouvernemental d'alternance (www.alternance.emploi.gouv.fr). Le but est de faciliter le choix des jeunes et des parents et de pousser chaque établissement à améliorer ses performances.

Plateforme des entrées/sorties en formation. Afin de moderniser le système d'information sur la formation professionnelle, une plateforme de recensement en temps réel des entrées et des sorties en formation sera mise en place. Les organismes de formation seront tenus de transmettre les informations nécessaires aux financeurs sur les entrées, les interruptions, les sorties des stagiaires. Les informations ainsi recueillies seront partagée sous forme dématérialisée par les financeurs et l'organisme gestionnaire du SI-CPF (système d'information du CPF).

VAE et contrat de professionnalisation

Validation des acquis de l'expérience (VAE). Afin de relancer le développement de la VAE (30.000 bénéficiaires chaque année), plusieurs dispositions sont prises : la durée d'expérience va être ramenée de trois à un an et les périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel pourront désormais être prises en compte ; un dossier unique de candidature sera mis en place pour l'ensemble des ministères certificateurs ; la VAE va devenir modulaire, ce qui signifie que les parties de certification constituant un bloc de compétences seront en principe acquises définitivement et permettront d'obtenir des dispenses d'épreuve dans un parcours d'accès à la certification par la formation ou par la VAE. D'autre part, l'information sur la VAE devra être développée dans le cadre de l'entretien professionnel que tout employeur doit réaliser tous les deux ans. Enfin, les conditions d'ancienneté pour accéder au congé de VAE seont supprimées pour les personnes en CDD, afin de leur donner les mêmes droits que les personnes en CDI.

Contrat de professionnalisation. A titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2017, le projet de loi propose d'élargir les conditions d'éligibilité au contrat de professionnalisation pour les demandeurs d'emploi les moins qualifiés et les plus éloignés du marché du travail, afin de permettre l'acquisition des compétences professionnelles identifiées par le salarié et l'employeur. Dans ce cas, le contrat de professionnalisation pourra ne pas être sanctionné par une qualification.

Autres dispositions

CNFPT. Par ailleurs, le projet de loi élargit l'accès aux formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de certains bénéficiaires de contrats aidés.

Greta. Le projet de loi autorise aussi le recrutement à temps complet des agents contractuels de catégorie B et C dans les groupements d'établissements scolaires publics et les établissements d'enseignement supérieur (Greta), chargés d'une mission de formation continue et d'insertion professionnelle.