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Finances locales - Réduction des dotations : comment le gouvernement compte s'y prendre

Les élus locaux qui ont rencontré le gouvernement ce 24 juin sur la question de la baisse des dotations ont vivement protesté contre l'ampleur des économies attendues. Les ministres ont pour leur part précisé leurs intentions. Le Comité des finances locales devra faire des propositions avant une rencontre avec le Premier ministre prévue durant la semaine du 21 juillet.

Depuis les annonces du Premier ministre du 16 avril, on sait que les collectivités verront leurs dotations se réduire, entre 2015 et 2017, de 11 milliards d'euros - au lieu des 10 milliards d'euros évoqués initialement.
Au cours d'une réunion ce 24 juin en présence de trois ministres (Marylise Lebranchu, André Vallini et Christian Eckert), les présidents des associations nationale d'élus locaux ont dénoncé les montants d'économies fixés unilatéralement par le gouvernement. "Entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, le cumul des réductions de dotations va représenter 28 milliards d'euros", a souligné André Laignel, président du Comité des finances locales, qui participait à la réunion. "C'est une somme exorbitante par rapport aux moyens des collectivités", a-t-il déclaré à Localtis à l'issue de la réunion. Les élus de toutes les catégories de collectivités ont mis en évidence le risque d'une chute brutale de l'investissement public local pouvant entraîner la perte de plusieurs milliers d'emplois dans le secteur privé et freiner la modernisation des infrastructures du pays.
Dans un communiqué, les associations d'élus des communes et intercommunalités ont en outre critiqué "la différence de traitement dont sont victimes les collectivités locales". Celles-ci devront supporter 22% de l'effort, alors que leurs dépenses atteignent seulement 20% de la dépense publique totale. Les élus locaux ne le digèrent pas. Mais du côté du gouvernement, on ne compte pas revenir sur cet arbitrage. Les choses sont déjà arrêtées.
En 2015, le nouveau coup de rabot sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne devrait plus être de 1,5 milliard comme initialement prévu, mais de 3,67 milliards d'euros au total. En 2016 et 2017, deux baisses consécutives du même montant sont programmées pour parvenir à la réduction des dotations de 11 milliards d'euros.

FCTVA : les élus locaux vigilants

Pour l'heure, il n'est pas envisagé de modifier les modalités d'imputation de la diminution des dotations sur les budgets principaux mises en place dans la loi de finances pour 2014 : la dotation forfaitaire serait amputée, puis si nécessaire les variables d'ajustement et, enfin, les douzièmes de fiscalité locale. Ainsi, certaines collectivités devront renoncer à une partie de leurs recettes de fiscalité. "On va demander aux contribuables locaux de payer une partie de leur taxe d'habitation au profit du budget de l'Etat", décrypte Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales à l'Association des maires de grandes villes de France.
L'inquiétude des élus locaux est d'autant plus grande que des menaces pèsent aussi d'après eux sur l'évolution du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA). "Dans l'intervention du ministre en charge du Budget, on pouvait l'entendre comme cela. C'était très dilué", indique André Laignel. Qui rappelle que "Bercy essaie chaque année de remettre le sujet sur la table". Le FCTVA, qui atteint 5,7 milliards d'euros en 2014, permet aux collectivités d'obtenir de manière différée le remboursement de la TVA sur les investissements qu'elles ont réalisés. Aujourd'hui, il ne fait pas partie de l'enveloppe des dotations qui sont en baisse. Lorsque l'investissement s'accroît, comme ce fut le cas en 2013, son montant est donc en progression.
De leur côté, les élus des collectivités les plus riches craignent que leurs collectivités soient davantage mises à contribution. Marylise Lebranchu souhaite que l'effort d'économies des collectivités soit "soutenable", "lisible" et "juste". Pour atteindre cet objectif, la baisse des dotations pourrait être "neutralisée de manière globale" pour les communes les plus pauvres (les 250 communes urbaines éligibles à la dotation de solidarité urbaine dite "cible" et les 10.000 communes rurales touchant la dotation de solidarité rurale elle aussi appelée "cible").

Signature d'un nouveau pacte dans la semaine du 21 juillet

Cette perspective suppose une ponction de 310 millions d'euros sur les dotations des communes les mieux loties (via un écrêtement de la dotation de garantie et de la dotation de compensation de la part salaires). Pour rappel, la progression des dotations de péréquation communales en 2014 a nécessité une réduction des dotations des communes les plus riches de 109 millions d'euros. On sait, par ailleurs, que la loi prévoit la poursuite de la montée en puissance du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), qui passera de 570 millions d'euros cette année à 780 millions d'euros l'année prochaine.
Répartition de la pénurie entre les différents niveaux de collectivités, modalités de la baisse au sein de chaque catégorie, évolution de la péréquation… Tous ces sujets seront abordés lors des semaines à venir par le Comité des finances locales (CFL). Ce dernier aura aussi à examiner la question de la DGF territoriale (c'est-à-dire une DGF attribuée à l'intercommunalité, celle-ci ayant la charge de la répartir ensuite entre ses communes) et celle du coefficient de mutualisation mis en place par la loi du 27 janvier 2014.
Après une séance d'installation des nouveaux membres du CFL, qui aura lieu le 1er juillet, un groupe de travail de l'instance se réunira les 2, 8 et 9 juillet prochains. Le CFL se réunira à nouveau en séance plénière le 16 juillet pour se prononcer sur les recommandations qu'il remettra au Premier ministre. Ce dernier rencontrera les élus locaux au cours de la semaine du 21 juillet. L'année dernière, à la même époque, les protagonistes avaient signé un "pacte de confiance et de responsabilité". Le gouvernement reconduira-t-il cette année cet intitulé ? "Il n'osera peut-être pas, d'autant que le pacte n'a pas été respecté dans sa mise en oeuvre", pronostique un expert.