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Aménagement - Réforme de la fiscalité de l'urbanisme : une mise en oeuvre a priori sans heurts

Les collectivités peuvent mettre en oeuvre la taxe d'aménagement sans attendre les décrets annoncés pour le second semestre 2011. Au cours de cette phase, elles ne devraient pas rencontrer trop de problèmes. Et pourraient même être séduites par les atouts de la nouvelle fiscalité. Le versement pour sous-densité mérite quant à lui un temps assez long de réflexion, comme l'ont conseillé des spécialistes, lors d'une récente "rencontre technique" de l'Association des maires de France.

D'ici au 30 novembre prochain, les communes et les groupements concernés devront prendre une délibération pour instaurer la taxe d'aménagement (TA), qui remplacera la taxe locale d'équipement (TLE) à compter du 1er mars 2012. Dans ce contexte, les élus locaux sont assez sereins. En tout cas, on peut le penser au vu des rares réactions observées lors de la rencontre technique organisée le 7 juin à Paris par l'Association des maires de France (AMF). Alors que beaucoup étaient montés au créneau à l'occasion de la suppression de la taxe professionnelle, une réforme que certains continuent d'ailleurs de contester, aucun ne se plaint de la réforme touchant la fiscalité de l'urbanisme. Certes, les enjeux financiers sont sans commune mesure. Mais la TLE apporte quand même 1 milliard d'euros dans les caisses des collectivités et les diverses participations d'urbanisme autant, voire plus. La large approbation des élus locaux est le résultat d'une concertation très étroite menée tout au long de l'élaboration de l'avant-projet de texte, qui a été doublée d'une expérimentation dans quelques communes. Comme les élus locaux l'ont demandé, la taxe d'aménagement sera bien distinguée du versement pour sous-densité (VSD).
La première aura vocation à financer les équipements publics et son rendement sera au moins égal à celui de la TLE. Il y a même de fortes chances qu'il soit assez souvent supérieur. En effet, voulant s'assurer que la réforme ne ferait pas de perdants, le Sénat a relevé significativement les valeurs forfaitaires des surfaces de construction qui servent au calcul de la taxe (660 euros en province et 748 euros en Ile-de-France). Le moment de vérifier les comptes approche pour les 18.000 communes qui ont instauré la TLE. D'ici la fin du mois, elles trouveront, sur le site internet du ministère de l'Ecologie, un simulateur, qui leur permettra aussi de connaître à l'avance les recettes fiscales qu'elles pourront tirer de tel ou tel projet de construction ou d'aménagement dont les caractéristiques sont connues. Plus généralement, les collectivités auront "une meilleure visibilité" de leurs ressources. En effet, les services fiscaux leur fourniront avant le 1er mars de chaque année "tous les éléments concernant la liquidation de la taxe". Ceux-ci auront, en outre, le monopole du recouvrement de la taxe. Autrement dit, les quelque 700 collectivités qui aujourd'hui s'occupent de l'opération pour leur propre compte, parfois avec des moyens dépassés, vont abandonner ce travail aux services fiscaux. Il devrait en résulter une sécurisation de la ressource, d'autant que les collectivités concernées n'avaient pas la possibilité d'effectuer des contrôles auprès des contribuables.

VSD : attendre d'être "mûr"

Quant au VSD, nouveauté issue tout droit des débats du Grenelle de l'environnement, il visera à lutter contre "l'étalement urbain", en dehors de tout souci de rendement fiscal. Cet instrument qui taxera les titulaires des autorisations d'urbanisme dont les projets de construction sont trop modestes par rapport à la superficie du terrain, sera entièrement facultatif. Enfin, les recettes qu'il générera ne bénéficieront qu'aux communes et aux intercommunalités (alors que les départements devaient initialement percevoir un quart du produit du VSD). Tous ces principes vont dans le sens de ce que réclamaient les maires et les présidents d'EPCI.
Autre atout des nouvelles taxes : la grande souplesse avec laquelle elles pourront être mises en œuvre. C'est en tout cas ce que promet Patrice Lallement, chef du bureau de la fiscalité de l'aménagement durable au ministère de l'Ecologie et véritable maître d'œuvre de la réforme. Qui détaille plusieurs arguments. Comme avec la TLE, les conseils municipaux et communautaires voteront un taux de TA compris entre 1 et 5. Ce taux pourra être modulé en fonction des secteurs de la commune, alors que le taux de TLE était forcément uniforme sur l'ensemble de la commune. Et il pourra être porté jusqu'à 20% dans les secteurs où les besoins en équipements publics sont importants. Le taux médian de la TLE étant actuellement de 3%, la limite de 5% et, a fortiori celle de 20%, laissent des marges de manœuvre significatives aux élus locaux.
Dans la même logique de modulation, le VSD pourra être instauré dans certains secteurs présentant davantage d'enjeux, et pas dans d'autres. Ce nouvel outil pourra être mis en place "à tout moment", donc sans contrainte de temps. C'est pourquoi, Patrice Lallement conseille aux élus locaux de ne pas instaurer le VSD, si en novembre, ils ne sont pas "mûrs". Pour le faire, mieux vaut, selon lui, "profiter d'un moment clé", comme la révision des documents d'urbanisme. S'il est donc sage d'attendre l'opportunité lorsqu'elle se présente, il est en revanche tout aussi sage de ne pas la laisser passer, si celle-ci survient avant fin novembre.

Les centres commerciaux pour cible

Autre liberté donnée aux collectivités : une période de transition a été définie avant la fin des participations d'urbanisme, le 1er janvier 2015. Ce n'est qu'à cette date que la suppression des participations interviendra obligatoirement. Seules trois d'entre elles survivront : la participation pour réalisation de ZAC, celle qui finance les équipements publics exceptionnels et le projet urbain partenarial. La période de transition est faite aussi pour éventuellement aménager la législation s'il apparaît que l'effort de simplification est allé un peu trop loin. Ce qui n'est peut-être pas inutile. En effet, l'AMF réclame déjà que soit conservée la participation pour raccordement à l'égout (PRE). Le ministère de l'Ecologie n'y est pas opposé si effectivement cela s'avère nécessaire.
A la souplesse, les nouvelles taxes doivent allier la simplicité. L'assiette de la taxe d'aménagement qui sera détaillée par décret d'ici la fin de l'année doit ainsi être beaucoup plus claire que celle de la TLE, dont l'imprécision a donné lieu à de nombreux contentieux. De plus, avec les participations, ce sont leurs divers régimes d'exonérations qui vont disparaître. Il n'y aura désormais que les exonérations de la TA.
Quels objectifs fixer à la nouvelle fiscalité de l'urbanisme ? Les élus locaux devront se poser la question, surtout s'agissant du VSD. Patrice Lallement leur souffle à ce sujet une idée : "La cible n'est pas forcément le vilain propriétaire d'habitation individuelle, elle peut être l'urbanisme commercial" avec ses parkings qui consomment beaucoup de foncier. Concernant la TA, les enjeux, financiers principalement, seraient également du côté des centres commerciaux. Les contrôles des services fiscaux se concentreront sur ce type de constructions. "On ne va pas chercher à savoir si le propriétaire d'une maison individuelle a déclaré ou non un emplacement de parking", en a-t-il déduit. Par ailleurs, les élus locaux sont incités à mettre en place des exonérations de TA en faveur des petits commerces, comme le leur permet la loi.