Etablissements sociaux - Réforme de la tarification : le projet de décret fait toujours débat entre l'Etat et les départements

La commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) - instance présidée par Alain Lambert chargée notamment d'émettre un avis sur l'impact financier des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales et leurs établissements - avait inscrit à l'ordre du jour de sa séance du 1er avril l'examen du projet de décret relatif à la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (Ehpad) et à la réglementation financière et budgétaire des établissements et services sociaux et médico-sociaux. La commission n'a finalement pas rendu d'avis sur ce projet de texte, le président de séance (en l'occurrence Philippe Laurent, vice-président de la CCEN, ayant "demandé le report de l'examen de ce texte à la séance du 6 mai". Ceci du fait de l'absence des quatre présidents de conseils généraux représentant les départements alors que ces derniers sont évidemment en première ligne face à la réforme de la tarification des Ehpad. Une absence uniquement due à des contraintes d'agenda plus que chargé à l'heure où ces élus sont sollicités par de multiples groupes de travail (sur les finances locales notamment) et où les départements doivent voter leurs budgets, assure-t-on à l'Assemblée des départements de France (ADF) : "Cette absence n'était en aucun cas motivée par la présentation de ce texte, il n'y a pas là-dessus de politique de la chaise vide". On explique également que même si l'examen avait eu lieu, celui-ci aurait certainement débouché, sinon sur un avis défavorable, du moins sur une recommandation ou une demande de complément d'expertise, sachant que l'ADF avait préparé une note technique synthétisant ses critiques et observations sur le texte.
Ce contretemps a en tout cas contrarié la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Dans un communiqué de presse en date du 6 avril, celle-ci affirme que "le décret ménage [...] strictement les équilibres actuels de prise en charge entre l'assurance maladie, les conseils généraux et les résidents". Elle rappelle que le texte jette "les bases d'une expérimentation dérogatoire au principe de répartition de la charge des aides-soignants et aides médico-psychologiques à 70% entre l'assurance maladie et 30% les conseils généraux pour les recrutements supplémentaires qui surviendraient durant la durée de l'expérimentation". Tout en reconnaissant "que l'ADF avait fait connaître un peu plus tôt son opposition à certaines dispositions du texte, et notamment celles maintenant en l'état le périmètre des financements actuels", le communiqué de la DGCS rappelle que la parution du décret "reste pour autant indispensable au lancement de la campagne budgétaire 2010 et au financement des mesures nouvelles attendues par les établissements comme leurs résidents".
L'ADF apprécie peu de se voir imputer le retard pris dans la parution du décret. Dans un communiqué du 12 avril, elle souligne que ce retard est dû avant tout à l'Etat – et non pas à ce petit report d'un mois de l'examen par la CCEN - et rappelle qu'elle n'a pas été saisie depuis la première présentation du décret en octobre 2009.
Mais le litige entre l'Etat et les départements porte surtout sur le fond. L'ADF dit avoir découvert, dans la version du texte soumise au Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (Cnoss) le 17 mars, le fait "que la mesure-phare du projet initial, à savoir le financement à 100% par l'assurance maladie des nouvelles aides-soignantes, était remise en cause" (voir notre article ci-contre du 23 mars 2010). Certes, la mesure était déjà connue depuis plusieurs semaines (voir notre article ci-contre du 24 février 2010). A la place du financement à 100% sur la section soins - et donc par l'assurance maladie - du coût des nouvelles aides-soignantes, espéré par les départements, le projet de décret prévoit la mise en place, à titre expérimental et pour trois ans, d'une répartition 70/30 entre l'assurance-maladie et les départements (au titre du tarif dépendance). Pour l'ADF, cette disposition "est loin d'être neutre financièrement pour les départements et surtout pour l'ensemble des résidents de ces établissements".
Les établissements craignent pour leur part que cette disposition favorise un désengagement des départements confrontés par ailleurs à de sérieuses difficultés budgétaires. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime ainsi que cette mesure, qui devra se mettre en oeuvre à enveloppe constante, "inscrit le désengagement financier probable des conseils généraux sans augmentation de la part couverte par l'assurance maladie".
 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de décret relatif à la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et à la réglementation financière et budgétaire des établissements et services sociaux et médicosociaux (ce projet de décret peut être téléchargé dans sa version de mars en marge de notre article ci-contre du 23 mars).

 

Améliorer le fonctionnement de la CCEN ?

La représentation des collectivités, et en l'occurrence des départements, au sein de la CCEN pourrait être améliorée, reconnaît-on à l'ADF. Quatre présidents de conseil général en sont actuellement membres titulaires (il s'agit de Philippe Adnot, Augustin Bonrepaux, Thierry Carcenac et Alain Lambert), secondés par quatre suppléants (Philippe Leroy, Yves Krattinger, Bernard Derosier, Maurice Leroy). Le président de l'ADF, Claudy Lebreton, a d'ailleurs écrit à Alain Lambert pour que celui-ci propose une évolution dans le fonctionnement de la commission afin, notamment, de résoudre les problèmes de disponibilité qui se posent parfois : que la CCEN ne soit pas obligatoirement composée d'élus membres du comité des finances locales. Par ailleurs, l'ADF rappelle que si la CCEN est obligatoirement consultée sur les projets de textes réglementaires impactant les collectivités, elle peut aussi l'être par le gouvernement sur tout projet de loi… ce qui n'a jamais été le cas. Or, souligne-t-on à l'ADF, c'est bien "au moment de la préparation des lois" et non des décrets que se joue souvent l'essentiel de l'impact des réformes.
C.M.
 

 

 

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