Règlement emballages : les 27 accordent leurs violons

Les 27 ont adopté leur position de négociation sur le projet de règlement sur les emballages et les déchets d’emballages, en revoyant à leur tour à la baisse les objectifs initialement fixés par la Commission européenne. Parmi les amendements adoptés, l’introduction d’une possibilité de dérogation à l’instauration obligatoire d’une consigne pour les bouteilles en plastique et les canettes si le taux de collecte séparée atteint les 78% d’ici 2026. Un objectif qui suppose la mobilisation de tous pour être atteint.

Après le Parlement (voir notre article du 28 novembre), les ministres de l’Environnement des 27 ont adopté ce 18 décembre leur position de négociation sur le projet de règlement de la Commission européenne révisant la législation relative aux emballages et déchets d’emballages (voir notre article du 2 décembre 2022).

Objectifs à la baisse

Comme le Parlement, le Conseil a revu un certain nombre d’objectifs de la Commission à la baisse, singulièrement sur la prévention et le réemploi, sous l’impulsion d’une dizaine d’États membres, singulièrement l’Italie et la Finlande. "Les tendances vont dans le mauvais sens", a concédé en conférence de presse d’après Conseil le commissaire à l’environnement Virginijus Sinkevičius. Et de citer l’exemple de l’interdiction des emballages plastiques à usage unique (pour les fruits et légumes, le secteur de l’hôtellerie/restauration…), l’accord obtenu permettant aux États membres d’y déroger dans certains cas. Il ne contraindrait toutefois pas les États plus ambitieux à rentrer dans le rang (voir encadré). Une "ligne rouge" qu’avait érigée la France, qui ne veut pas de retour en arrière par rapport à la loi Agec "dont la Commission s’était inspirée pour bâtir son texte", relève l’entourage de Christophe Béchu. En conférence de presse, la ministre espagnole de la transition écologique et du défi démographique, Teresa Ribera, qui assurait la présidence du Conseil, évoque encore "les flexibilités supplémentaires accordées aux îles de moins de 2.000 habitants" ou les concessions faites "à la délégation italienne d’accorder une année de transition supplémentaire".

Une dérogation pour la consigne

Parmi les autres amendements adoptés, relevons singulièrement celui relatif à l’instauration d’une consigne obligatoire sur les bouteilles en plastique et les canettes dans le cas où les États membres n’atteindraient pas un taux de collecte séparée de 90% d’ici 2029. Sous l’impulsion de la France cette fois, le Conseil plaide en effet pour l’instauration d’une dérogation possible pour les États membres dont le taux de collecte séparée atteindrait 78% en 2026. "Cela nous va très bien", déclare à Localtis Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage. "C’est un objectif qu’il faut et qu’on peut atteindre, notamment si Citéo nous appuie et ne freine pas le dispositif pour favoriser la consigne. Mais c’est un procès d’intention que je ne veux pas instruire. Quand on voit le nombre d’établissements recevant du public qui n’ont toujours pas mis en œuvre le tri sélectif, à commencer par les cinémas – un véritable scandale –, on se dit que les gisements sont importants. Si on s’y met tous, on sera tout proche des 78%. Et on collectera en plus des cartons, des sachets de bonbon... Car ma crainte est que l’on atteigne l’objectif uniquement sur les bouteilles en plastique, et pas sur les autres plastiques ou autres emballages. Avec la consigne, on ne règlera que le problème des bouteilles, et rien d’autre". 

Également interrogé par Localtis, Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, se fait moins enthousiaste : "Le texte adopté par le Parlement n’est pas bon et celui qui vient de l’être par le Conseil ne l’est pas non plus, que ce soit pour la consigne ou dans son ensemble. Il est incompréhensible que l’on se focalise ainsi sur les bouteilles en plastique, avec un niveau de pression inimaginable de la Commission sur l’atteinte de ce seul objectif, alors que l’on cède par ailleurs sur d’autres éléments bien plus cruciaux, en étant qui plus est très peu regardant sur les résultats obtenus". Sur la collecte des bouteilles, il craint qu’à défaut de véritables incitations/sanctions dans le cahier des charges de l’éco-organisme, l’objectif risque fort de ne pas être atteint : "Le lobbying proconsigne semble très bien implanté". "On attend avec impatience l’étude que l’Ademe devait remettre en octobre sur l’impact de la consigne. Si elle ne sort pas, c’est qu’elle doit gêner", juge d’ailleurs Bertrand Bohain.

Une troisième voie ?

Ces différentes concessions ont été faites "avec l’objectif de rassembler la plus grande majorité possible", explique la ministre espagnole. Un objectif atteint puisque seule l’Italie n’a finalement pas donné son imprimatur au texte. Elles n’ont toutefois pas fait que des heureux. Les Allemands, dont la position n’est pas facile à cerner, déploreraient ainsi le trop grand nombre de dérogations prévues qui pourraient nuire au marché intérieur de l’UE, en le fragmentant. Teresa Ribera l’admet, même si elle préfère voir le verre à moitié plein : "Avec la directive, chaque État membre a développé une série d’instruments différents qui ne forment pas un tout cohérent. C’est la raison pour laquelle le consensus a été difficile, car chacun est arrivé avec une toile de fond différente. Il était grand temps d’avoir des instruments communs". "On passe d’une directive à un règlement pour imposer des obligations aux producteurs d’emballage", avait expliqué Mattia Pellegrini, chef d’unité à la DG Environnement de la Commission, lors du congrès 2022 d’Amorce (voir notre article du 20 octobre). In fine, c’est donc plutôt, au mieux, un entre-deux qui semble se dessiner.

Les institutions doivent désormais accorder leur position en trilogue. Un accord définitif est espéré sous la prochaine présidence belge, avant les élections européennes.

 

Le décret interdisant les emballages plastiques des fruits et légumes dans le collimateur

Un coup de canif dans la loi Agec. La Commission européenne a "invité" la France, le 6 décembre dernier, soit à abroger totalement, soit à notifier un nouveau projet destiné à remplacer, le décret n° 2023-478 du 20 juin dernier précisant les conditions d’application des dispositions de l’article 77 de la loi Agec imposant à "tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés" de le faire "sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique". Concrètement, établir la liste des fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac et pouvant en conséquence déroger à cette interdiction. 

Le droit de l’Union interdit en effet à un État membre d’adopter une règle technique portant sur un domaine couvert par une proposition présentée au Conseil (pendant 12 mois en l’espèce). Or le projet de décret avait été notifié à la Commission après que cette dernière a présenté son projet de règlement Emballages. Le texte n’aurait donc pas dû être adopté. 

Dans l’entourage de Christophe Béchu, on déplore que "la Commission revienne sur sa décision", en soulignant qu’elle avait validé le précédent décret "qui n’a été annulé par le Conseil d’État que pour des raisons de procédure. Une situation étrange, d’autant plus que la Commission est très heureuse de ce texte au moment où elle défend sa position sur les emballages". La situation n’a toutefois rien d’étrange. Si la Commission avait bien validé le décret n° 2021-1318, c’est qu’à l’époque aucun projet de texte européen n’avait été déposé. Malheureusement pour le gouvernement, le Conseil d’État a annulé entretemps ledit décret, au motif que le pouvoir réglementaire avait méconnu le texte de la loi en retenant un champ d’exemption trop large d’une part, et en lui conférent un caractère temporaire d’autre part. Le gouvernement avait donc été contraint de remettre l’ouvrage sur le métier, à un moment où il ne le pouvait plus. Notons par ailleurs que le décret de 2023 est lui aussi attaqué devant le Conseil d’État.