Responsabilité financière des gestionnaires publics : les cadres territoriaux montent au créneau

Les règles de la responsabilité financière des gestionnaires publics ont évolué à partir de 2023. Non sans conséquences pour les agents publics, puisque les condamnations ont, depuis, un caractère trop "automatique", regrettent plusieurs organisations de cadres publics, dont le syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT). Elles ont saisi le Premier ministre.

Avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2023, du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP), Bercy promouvait un dispositif "moins sévère" et aux "sanctions graduées". Mais après deux années d'application de la réforme et à la lumière des premières décisions rendues par la chambre du contentieux de la Cour des comptes, le syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) déclare observer "une forme 'd’automatisation de la sanction'" à l'égard des agents publics. "La simple méconnaissance de la règle de droit suffit à établir l'infraction, sans considération pour la bonne foi des agents ou les contraintes opérationnelles", déplore le syndicat, lequel constate également que "60% des vérifications" ont visé les collectivités territoriales. 

"S’il est normal de sanctionner la faute intentionnelle et les actes de malveillance, il est néanmoins indispensable que [le] régime de responsabilité soit juste, équilibré et adapté aux réalités du quotidien", plaide le syndicat. Pour se faire entendre, sa présidente, Hélène Guillet, a signé avec les responsables de neuf autres organisations de cadres du secteur public* des courriers destinés notamment au Premier ministre et à l'Association des maires de France (AMF).

Protection fonctionnelle

Les dix organisations professionnelles du secteur public appellent à "une action rapide" de la part des pouvoirs publics, leur soumettant plusieurs propositions. Elles demandent en particulier que les agents dont la responsabilité financière est mise en cause puissent bénéficier de la protection fonctionnelle, c'est-à-dire une prise en charge par la collectivité notamment des frais d'un avocat. Car au début de l'année, le Conseil d'État a confirmé que la protection fonctionnelle ne peut pas être obtenue dans ce cas précis (voir notre article du 22 avril). Les représentants des cadres publics appellent aussi à la définition des "conditions d'exonération et de modulation de la sanction" et à l'instauration d'un "régime de présomption d'innocence renforcé".

En complément, le SNDGCT a pris l'initiative de publier "un manifeste pour une responsabilité publique juste, assumée et respectée". Elle y exprime notamment le vœu d'une "reconnaissance pleine et entière des missions et responsabilités" des directeurs généraux des collectivités, à la fois "dans les textes" et "dans la pratique". Une très chère et vieille revendication du syndicat, qui n'a jamais abouti. 1.785 personnes ont signé ce manifeste à ce jour.

"Le risque de l'inaction"

Outre le caractère injuste et inadapté des décisions de justice prises dans le cadre du nouveau régime, les organisations professionnelles pointent le risque que "la peur" gagne les rangs de ceux et celles qu'elles représentent, ceux-ci n'osant plus prendre alors aucun risque. Et cette menace semble belle et bien réelle, si l'on en croit les résultats d'une enquête de l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) menée en avril. 81% des quelque 200 directeurs en poste dans des intercommunalités ayant répondu ont déclaré "se sentir" menacés par le nouveau régime de responsabilité et ont pointé "la tendance à l'inaction que pourrait engendrer la peur de la condamnation". 

Ces cadres ont peut-être eu vent des condamnations émises par la nouvelle chambre du contentieux de la Cour des comptes à l'égard de certains de leurs collègues territoriaux. En mai 2024, le directeur adjoint à la direction des finances du département de l'Eure a été jugé coupable pour des manquements à son devoir de contrôle et de vigilance dans une escroquerie dont la collectivité a été victime. Le jugement était assorti d'une amende de 2.500 euros. L'ancienne directrice générale des services de la commune de Sainte-Eulalie-en-Born (Landes) a quant à elle été condamnée, en octobre 2024, à 1.000 euros d'amende pour ne pas avoir transmis dans les délais plusieurs déclarations de sinistre à l’assureur de la commune, entraînant la non-prise en charge des sinistres par ce dernier.

L'agent public reconnu coupable d’avoir commis des faits constitutifs d’une infraction financière est condamné à une amende dont le montant peut atteindre jusqu'à six mois de sa rémunération annuelle.

* L’AATF, l’ADGCF, l’ADRHGCT, l’ADT-Inet, l’AITF, l’ANDCDG, l’ANDRHDT, l’ANDSIS et IngéChef.

 

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