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Retour de la consigne : le rapport Vernier ne calme pas les craintes

En prélude à l'examen du projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire" au Sénat, Jacques Vernier a remis ce 12 septembre le  pré-rapport que la secrétaire d'Etat Brune Poirson lui avait commandé sur le retour de la consigne. Selon l'expert, cette solution permettrait de collecter et de recycler les déchets plus efficacement, mais à plusieurs conditions. Ses conclusions n'ont pourtant pas apaisé les craintes des professionnels du tri et des représentants des collectivités locales.

Avant que le projet de loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire" soit soumis à l'examen des sénateurs à partir du 24 septembre et qu'un nouveau comité de pilotage sur la consigne se réunisse ce 16 septembre, Jacques Vernier a remis le 12 septembre à Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès la ministre de la Transition écologique, le pré-rapport qu'elle lui avait commandé sur ce sujet très controversé. Ce bilan, réalisé après avoir entendu une trentaine d'acteurs, vise à "aider à éclairer le débat à partir de données objectives", a affirmé Jacques Vernier, spécialiste du secteur du recyclage.
Selon lui, le retour de la consigne – l'une des mesures phares contenues dans le projet de loi mais dont les modalités restent à définir - permettrait à la France de collecter et recycler les déchets plus efficacement. Mais il doit répondre à plusieurs conditions. Parmi celles-ci, le montant de la consigne devra être assez élevé (au moins 10 centimes), les points de collecte suffisamment nombreux, et les producteurs de déchets sanctionnables financièrement si l'objectif de collecte n'est pas atteint.
La consigne a l'avantage de concentrer la responsabilité sur les producteurs et l'éco-organisme gestionnaire, avec cependant nécessité de sanction en cas de non-respect des objectifs, affirme-t-il. A l'inverse, d'autres solutions proposées - tarifications incitatives, engagements de la restauration rapide et enseignes diverses... - dilueraient cette responsabilité entre une multitude d'acteurs plus ou moins engagés, note l'auteur. Le rapport écarte aussi une consigne pour les seules bouteilles hors foyer (vente à emporter, etc.), qui est le principal vivier à améliorer mais représente une trop faible part du total et ne permettrait un déploiement suffisant des points de collecte.

Polémique sur le manque à gagner pour les collectivités

Le texte veut aussi lever les craintes des collectivités, quant à la perte de revenus notamment liée à une moindre vente de matières. "Je suis sidéré que les chiffres les plus fous aient circulé sur la perte financière des collectivités locales", a dit Jacques Vernier à l'AFP. "Du fait de la loi Grenelle I, elles ne perdront rien : Citeo (l'éco-organisme chargé des déchets d'emballages) doit toujours aux collectivités 80% du coût de traitement + 20% des recettes de vente de la matière. On perdrait 60 millions d'euros de vente de matière (si bouteilles plastique et canettes sont concernées par la consigne), soit 12 millions pour les collectivités  : c'est dans l'épaisseur du trait ! Et d'ailleurs l'Etat pourrait décider de les compenser".
Mais pour Amorce, la loi est trop floue pour garantir ce financement. "Comme d'habitude on se fera avoir !", prévient Nicolas Garnier, délégué général de l'association de collectivités, citant des précédents. Les villes ont aussi commencé à agrandir et moderniser les centres de tri pour répondre à la décision de 2015 d'ouvrir la poubelle jaune à tous les emballages plastique, pour améliorer la collecte. Selon Amorce, les propositions Vernier, proches de celles des professionnels de la boisson, se concentrent sur les emballages les plus valorisables, mais quid des pots de yaourt et autres barquettes qui ne sont recyclés qu'à 4% ? "Et quel est l'avenir du service public si le marché reprend tout ce qui vaut un peu quelque chose ?", ajoute Nicolas Garnier. Dans l'immédiat, "on additionne deux services de collecte, celui du service public et celui des supermarchés et de Coca. A un moment, il y aura bien un surcoût, qui sera pris sur le consommateur".
Pour Jean-Philippe Carpentier, président de  Federec (industriels du recyclage), la consigne "est une bêtise environnementale, économique et sociale", alors que "rien n'est fait" selon lui sur les déchets de la consommation hors du domicile, jetés par exemple dans les poubelles des gares ou des aéroports. Le patron de Paprec, Jean-Luc Petithuguenin, évoque des centaines de millions d'euros perdus par les Français qui ne viendront pas récupérer leurs consignes. L'ONG Zero Waste, elle, ne montre pas d'opposition de principe à une consigne du plastique pour recyclage, mais insiste sur le réemploi, du verre notamment. "Il ne faut pas que la consigne devienne le nouveau geste écologique ultime. Le geste écologique, c'est limiter les emballages", insiste l'une de ses responsables, Laura Châtel.
La secrétaire d'Etat Brune Poirson a été confrontée ce 10 septembre à une avalanche de questions de sénateurs sur le sujet lors d'une audition (lire notre article). Elle espère que la consigne pour les emballages de boissons pourra se faire d'ici à 2022 et répète que le choix des modalités n'est pas tranché.