Ryanair supprime trois dessertes régionales en France, invoquant une taxe aérienne "astronomique"
En riposte à la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, la compagnie aérienne irlandaise Ryanair réduit la voilure en France, désertant Strasbourg et deux autres aéroports régionaux et menace de continuer de rediriger ses flux vers les destinations plus "compétitives" comme la Suède, la Hongrie ou l'Italie. L'Union des aéroports français (UAF), qui déplore cette décision, alerte sur les conséquences de la hausse de la fiscalité aérienne pour l'attractivité des territoires et la fréquentation touristique.

© Wouter Engler CC BY-SA 4.0
Ryanair a annoncé ce 30 juillet "l'arrêt de ses activités" sur les aéroports de Strasbourg, de Bergerac et de Brive, d'où elle desservait notamment Londres, Edimbourg, Bristol, Charleroi (Belgique), Porto (Portugal) ou Agadir (Maroc). La première compagnie à bas prix européenne avait déjà quitté Vatry (Marne) au printemps. Le président socialiste du conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro, prend cette décision "au sérieux puisque Ryanair assure les deux tiers des vols sur la plateforme de Bergerac" qui a vu transiter en 2024 240.000 passagers. A Strasbourg, le président du directoire de l'aéroport, Gilles Tellier relativise, lui, l'annonce de Ryanair, qui ne concerne que deux destinations (Agadir et Porto) desservies deux fois par semaine par la compagnie, sur les 36 destinations atteignables depuis la capitale alsacienne. "J'espère que d'autres compagnies vont regarder la possibilité de reprendre ces deux destinations", a-t-il déclaré à l'AFP.
Pour l'hiver 2025, Ryanair prévoit une réduction de 13% de sa capacité en France, soit 750.000 sièges en moins, l'annulation de 25 lignes et l'interruption de la desserte de ces trois aéroports. "Cette décision fait suite à l'échec du gouvernement français à annuler l'augmentation excessive de la taxe aérienne, qui a été augmentée de 180% en mars 2025", a expliqué dans un communiqué la compagnie aérienne irlandaise. La taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) est passée à 7,4 euros contre 2,63 euros auparavant pour les vols intérieurs ou vers l'Europe. "Cette taxe astronomique rend la France moins compétitive par rapport à d'autres pays de l'UE comme l'Irlande, l'Espagne ou la Pologne, qui n'imposent aucune taxe aérienne", a poursuivi Ryanair.
La compagnie avait menacé de réduire ses activités en France depuis le triplement de la TSBA inscrite dans la loi de finances 2025 (art.30). Le patron de la compagnie Michael O'Leary avait cependant assuré fin mars qu'il ne supprimerait pas de desserte régionale. "Il est inacceptable qu'un pays européen majeur comme la France accuse un tel retard par rapport au reste de l'UE, avec un trafic toujours inférieur aux niveaux d'avant-Covid, à cause de taxes et de frais de sûreté excessifs imposés par le gouvernement", a dénoncé Jason McGuinness, directeur commercial de Ryanair cité dans le communiqué. Selon lui, cette politique rend "de nombreuses lignes régionales non rentables, notamment en hiver". Le responsable prédit "un impact sévère sur la connectivité régionale, le tourisme et l'emploi local", tout en assurant que cette perte aurait été "complètement évitable".
Poids des compagnies low-cost dans le trafic passagers
L'Union des aéroports français (UAF) qui avait mis en garde contre le risque de voir les compagnies aériennes à bas coûts, qui pèsent plus de 99% de l'activité de Beauvais, Carcassonne, Béziers et Nîmes se détourner de la France en raison de l'augmentation de la TSBA, a déploré la décision de Ryanair "malheureusement prévisible" qui entraîne "une perte immédiate des revenus" pour les aéroports et "un isolement renforcé, une diminution de l'attractivité et une baisse significative de la fréquentation touristique" pour les territoires concernés. "Il est important de rappeler que la demande de transport aérien reste forte, souligne l’UAF dans un communiqué. Aujourd’hui, les compagnies low-cost représentent plus de 50% du trafic passagers dans les aéroports français, jouant ainsi un rôle clé dans la desserte des régions. C’est bien l’offre qui se réduit, étranglée par une fiscalité devenue dissuasive pour ces opérateurs qui assurent pourtant l’essentiel des liaisons vers et depuis de nombreux territoires".
"A l'encontre des ambitions portées par le Plan Bayrou pour le tourisme"
Pour l’UAF "cette politique fiscale apparaît d’autant plus paradoxale et contre-productive qu’elle va frontalement à l’encontre des ambitions portées par le Plan Bayrou pour le tourisme [qui] entend attirer davantage de visiteurs étrangers et accroître les retombées économiques, notamment en diversifiant l’offre touristique et en renforçant la qualité des services". "Or, poursuit l’UAF, près de 40% des revenus du tourisme international en France proviennent de voyageurs arrivant par avion. Comment prétendre développer le tourisme tout en faisant fuir les compagnies aériennes qui permettent à ces touristes de venir ? Comment promouvoir un tourisme équilibré, responsable et durable, tout en pénalisant les acteurs essentiels à son dynamisme ? C’est l’ensemble du tissu territorial qui se voit fragilisé, au risque de voir s’éloigner investissements, créations d’emplois et bénéfices économiques, au profit de destinations concurrentes."
Interrogé par l'AFP, le ministre des Transports Philippe Tabarot a estimé que la France avait "atteint un plafond" avec cette taxe appliquée depuis mars 2025 dans le secteur aérien "essentiel à la connectivité du pays". "Je remarque que d'autres pays européens font marche arrière sur ce sujet comme la Suède et l'Allemagne. Je me battrai pour que le prochain projet de loi de finances, qui sera débattu à l'automne, ne comporte pas de nouvelle hausse pour donner de la visibilité au secteur", a-t-il déclaré.
Menaces pour l'été 2026
Ryanair s'est pour sa part fait menaçant pour l'été 2026 en appelant de nouveau le gouvernement à supprimer cette taxe aérienne qu'il juge "néfaste". "A moins que le gouvernement français change de cap, les investissements de Ryanair en France seront inévitablement redirigés vers des marchés européens plus compétitifs comme la Suède, la Hongrie ou certaines régions d'Italie, où les gouvernements suppriment activement les taxes aériennes", a déclaré Jason McGuinness.
Au contraire, si le gouvernement décidait de supprimer complètement cette taxe, Ryanair explique pouvoir "envisager une croissance ambitieuse en France dans les années à venir, incluant un investissement de 2,5 milliards de dollars (25 nouveaux avions) et un doublement du trafic à plus de 30 millions de passagers par an". Avec à la clef "la création de 750 emplois supplémentaires dans les régions françaises", selon Jason McGuinness.