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Intercommunalité - Schémas départementaux de coopération intercommunale : la diversité est de mise

L'Assemblée des communautés de France dispose maintenant de données sur les trois quarts des projets de schémas départementaux de coopération intercommunale. Des projets très hétérogènes, tant sur la forme que sur le fond.

Les remontées dont on dispose au sujet des projets de schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), qui devaient en principe être présentés devant les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) avant le 30 avril, s'affinent au fil des jours. Localtis vous avait ainsi proposé un premier petit tour d'horizon le 26 avril. L'Assemblée des communautés de France (ADCF), forcément très attentive à ces données, dispose maintenant de données sur un peu plus des trois quarts de ces schémas, soit ceux d'environ 75 départements. Des données dont son président, Daniel Delaveau, a présenté les grandes lignes à la presse le 12 mai. Avec un maître mot qui rend certes l'exercice moins aisé : diversité. Autrement dit, il n'y a guère deux projets qui se ressemblent, tant sur la forme que sur le fond. Ainsi, sur la forme, tandis que certains préfets se sont limités à quelques pages, comme en Mayenne, d'autres ont produit des documents très complets d'une bonne centaine de pages (Var, Isère, Dordogne, Sarthe…) incluant des diagnostics territoriaux détaillés, une analyse des compétences, des données financières…
Sur le fond, si l'on perçoit globalement un certain volontarisme dans l'application de la loi et de ses ambitions (achever la carte intercommunale, apporter davantage de cohérence…), là encore, on aboutit à "des situations très diverses". Il y a les projets les plus prudents ne modifiant l'existant qu'à la marge, pour rattacher les dernières communes isolées et faire passer le seuil de 5.000 habitants aux plus petites communautés de communes. Ainsi, la Vendée ou l'Eure n'affichent que très peu de changements, sans doute parce que l'intercommunalité affichait déjà un visage abouti dans ces départements. "Là où l'intercommunalité est ancienne et vivante, il peut être difficile pour le préfet de passer à une autre étape", commente Daniel Delaveau. Ou bien encore, dans un territoire tel que la Lozère, on pourrait même voir subsister quelques communautés de moins de 5.000 habitants et/ou regroupant pas plus de 8 communes, précise Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF.
Et puis il y a les projets qui, au contraire, modifient radicalement la carte. Avec alors, le plus souvent, une réduction drastique du nombre de communautés. Les Hautes-Alpes par exemple pourraient passer de 20 à 7 communautés, la Dordogne de 53 à 24, la Gironde de 45 à 21... L'ADCF relève néanmoins qu'alors même que certains craignaient une "course au gigantisme" de la part des préfets, en réalité, les projets de SDCI "ne proposent que dans de très rares cas des options de communautés dites XXL constituées de 60 communes ou plus".

Vers des formules de gestion infra-communautaires

Au niveau des agglomérations aussi, la diversité est de mise. Avec, toutefois, une quasi-constance : on constate un peu partout que les desseins d'extension des périmètres des actuelles communautés d'agglomération ou communautés urbaines suscitent des "résistances fortes"… Il est vrai, estime Daniel Delaveau, que les périmètres proposés par les préfets sont "parfois un peu abracadabrantesques". Ceci étant dit, l'ADCF relève que dans l'Aveyron par exemple, les élus locaux ont au contraire regretté que le projet de schéma ne propose pas d'élargir Parmi les agglomérations qui devraient voir leur taille augmenter sensiblement, on citera par exemple Toulon, Grenoble, Limoges, Le Havre, Metz, Agen ou Blois… ou encore Bordeaux, où le passage au statut de métropole est déjà anticipé (Localtis y reviendra dans une prochaine édition).
"Face aux extensions de périmètres, les enjeux qui se posent aux communautés de communes d'une part, et aux agglomérations d'autre part, ne sont pas les mêmes", rappelle Daniel Delaveau, qui explique : "La préoccupation des petites communautés de communes, c'est celle de savoir dans quelle mesure elles vont pouvoir garder leur capacité actuelle de gestion des services de proximité. Car contrairement aux agglomérations, elles interviennent très peu sur des compétences stratégiques telles que l'emploi, l'habitat ou les transports". D'où, déjà, des réflexions sur les modes de gestion à l'échelle infra-communautaire qui pourront être mis en place. Il y a déjà la possibilité de créer des syndicats représentant un secteur seulement de la communauté, comme cela se fait déjà parfois, comme à Rennes par exemple, le territoire de Daniel Delaveau, pour la compétence sociale de la communauté. "Mais on réfléchit aussi, avec la DGCL, à d'autres formules qu'on pourrait qualifier d''ententes' ou de 'pôles de proximité'. Ainsi qu'à des formules plus souples encore autour de l'idée de services rendus par la communauté aux petites communes qui le souhaitent", poursuit-il. Michel Piron, président délégué de l'ADCF, abonde dans ce sens : "Il faut établir une distinction entre gouverner et administrer. La gouvernance peut se concevoir sur un périmètre plus large. En revanche, dans la mesure où la réforme fait le choix d'avoir moins de 2.000 communautés en France, il faudra parfois raisonner à une plus petite échelle pour la gestion".
Globalement, au-delà des frictions et résistances, Daniel Delaveau considère que la phase de concertation qui s'est ouverte avec la préparation des projets de SDCI a au moins un mérite : "On se parle ! Les débats renvoient à des enjeux majeurs : L'intercommunalité, pour quoi faire ? Quel projet pour notre territoire ? C'est une opportunité qu'il faut saisir." Quant aux reports de calendrier souhaités par certains, l'élu de Rennes se veut prudent : "Il ne faut pas que cela soit un prétexte pour ne pas avancer. Car en réalité, on discute déjà depuis longtemps, depuis 2005..." Avec, toutefois, un petit bémol : le fait que la réflexion doive pour le moment faire en partie l'impasse sur l'aspect financier, dans la mesure où les élus ne disposent pas encore de vision précise de la situation consécutive à la suppression de la taxe professionnelle. Et ce, alors même que cette réforme fiscale induit "un vrai changement de nature des ressources financières des communautés, dont les élus n'ont pas toujours bien mesuré les conséquences". Autre difficulté relevée par l'ADCF : le fait que l'Insee soit en train de revoir son découpage en "bassins de vie". "Il est vrai que tout arrive en même temps... mais on y verra plus clair en fin d'année", prévoit Daniel Delaveau.