Simplification du droit de l’urbanisme : la PPL Huwart passée à la moulinette du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a pour l’essentiel validé ce 20 novembre la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement mais traqué une douzaine de cavaliers législatifs.

La proposition de loi (PPL) de simplification du droit de l’urbanisme et du logement portée par le député d'Eure-et-Loir du groupe indépendant Liot, Harold Huwart, et soutenue par le gouvernement, qui totalisait 31 articles après son adoption définitive par le Parlement le 15 octobre - contre seulement quatre dans le texte initial - vient de se voir amputé d’une douzaine de dispositions (soit un peu plus d’un tiers du texte) après son passage par les fourches caudines du Conseil constitutionnel, qui a rendu ce 20 novembre une décision de non-conformité partielle (n°2025-896 DC).

Saisis de quatre dispositions - qui avaient en commun d’encadrer l’exercice des recours en matière d’urbanisme - par des députés des groupes Écologiste et social et LFI, les Sages n’en ont censuré qu’une seule (le 4° du paragraphe I et le paragraphe II de l’article 26) et n’ont par ailleurs soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution. Douze articles du texte "sans lien même indirect avec la proposition de loi initiale" ont cependant fait les frais de la jurisprudence des "cavaliers législatifs". 

Le Conseil a ainsi jugé que l’une des dispositions - art. 26, 4° du paragraphe I modifiant l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, et paragraphe II, qui en est "inséparable" -qui subordonnait (sauf pour l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements) la possibilité de saisir le juge administratif d’un recours contre un document d’urbanisme à la condition d’avoir préalablement participé à la procédure de participation du public, "méconnaît le droit à un recours effectif" protégé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Il a relevé, en particulier, "qu’une telle limitation portée au droit d’agir en justice contre ces actes règlementaires [les décisions d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution] prive les justiciables qui n’ont pas pris part à la procédure de participation de la possibilité de soumettre au juge une illégalité y compris lorsque celle-ci est apparue postérieurement à cette procédure de participation". 

Le juge constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les autres dispositions contestées

- l’article 23, qui introduit un principe de cristallisation, à la date de délivrance du permis de construire initial, des règles d’urbanisme applicables à l’examen d’une demande de permis modificatif, sous la seule réserve des règles qui ont pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques ; 

- le 3° du I de l’article 26, qui supprime la possibilité d’invoquer l’illégalité de certains documents d’urbanisme pour vice de forme ou de procédure par voie d’exception, c’est-à-dire non pas à l’occasion d’un recours direct formé dans le délai de recours, mais à l’occasion d’un recours ultérieur contre une décision d’application de ce document;

- le 7° du I de l’article 26, qui réduit le délai de recours administratif contre une autorisation d’urbanisme (ou un retrait ou refus d’autorisation) et prévoit qu’il ne prolonge plus le délai de recours contentieux. 

Sont considérées comme des cavaliers législatifs - et donc censurées - plusieurs autres dispositions de la loi déférée : 

  • l'article 5 qui crée un identifiant unique attribué à chaque bâtiment, enregistré dans un référentiel national des bâtiments

  • l’article 6 qui prévoit la transmission par l’administration fiscale, à certains services de l’État et organismes, aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, d’une liste de locaux recensés à des fins de gestion de la taxe d’habitation et des taxes sur les logements vacants 

  • l’article 10 qui instaure une dérogation à l’interdiction de construction en dehors des espaces proches du rivage, dans certaines communes, pour les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ; 

  • l'article 11 qui supprime l’obligation de réaliser une étude d’optimisation de la densité des constructions pour tout projet d’aménagement soumis à évaluation environnementale ; 

  • l’article 12 visant à soumettre les changements de sous-destinations réglementées par le plan local d’urbanisme à déclaration préalable 

  • l’article 13 modifiant le contenu des conventions d’utilité sociale et leurs modalités de conclusion entre le préfet, les organismes HLM et les collectivités territoriales auxquelles ils se rattachent ; 

  • l’article 14 permettant aux offices publics de l’habitat d’inclure des locaux commerciaux dans leurs projets immobiliers 

  • l’article 16 supprimant une possibilité de déroger à certaines règles de construction en matière de surélévation de bâtiments pour la réalisation de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique

  • l'article 27 visant à autoriser certains échanges d’informations entre l’administration fiscale et les bailleurs sociaux sur la situation de leurs locataires et prévoit les modalités de mise à disposition de données publiques à des fins de recherche scientifique ou historique ; 

  • l’article 28 supprimant l’autorisation du préfet pour la vente à une personne privée, par un organisme HLM ou une SEM (société d’économie mixte), de logements faisant partie d’un programme de construction composé majoritairement de logements sociaux 

  • l'article 30 qui réduit de trente à quinze ans le délai au terme duquel les immeubles faisant partie d’une succession peuvent être considérés comme des biens sans maître dont la propriété est susceptible d’être transférée de plein droit à une commune et précise à cet égard l’application des règles de droit civil relatives à la prescription ; 

  • et enfin, l'article 31 autorisant la transmission d’informations détenues par l’administration fiscale au maire ou au président d’EPCI pour la mise en œuvre de la procédure d’acquisition d’immeubles considérés comme des biens sans maître.

Le texte qui devrait être promulgué dans les prochains jours a été salué ce 20 novembre, en clôture du Congrès des maires, par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, qui compte aussi s'atteler à "dénouer la question du logement" via le projet de loi de décentralisation et de clarification, dont l’inscription en Conseil des ministres pourrait intervenir "avant Noël". 

 

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