Stations de montagne et coût de l’énergie : "On va au carton !"

L’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) sonne l’alarme. Sans révision des contrats pour revenir à des prix de l’électricité "raisonnables", plusieurs stations risquent de ne pas passer l’hiver. L’ANMSM implore le gouvernement de faire pression sur les fournisseurs d’énergie et plaide par ailleurs pour lever les contraintes qui pèsent toujours sur l’installation de microcentrales hydroélectriques. Maire des Orres (Hautes-Alpes) et vice-président de l’ANMSM, au sein de laquelle il préside la commission Cimes durables, Pierre Vollaire est une nouvelle fois à la manœuvre.

Localtis : Les années se suivent et se ressemblent. L’an passé à la même période, vous appeliez le gouvernement à l’aide face à l’explosion des coûts de l’énergie (voir notre article du 21 septembre 2022). Vous remontez cette année encore au créneau, en dépeignant à nouveau "une situation intenable qui mettrait en péril la pérennité des stations de montagne". Les prix de l’électricité ont pourtant considérablement diminué depuis l’an dernier – autour de 100 euros le MWh actuellement, sans qu’ils aient dépassé les 200 euros depuis le début de l’année. Qu’en est-il ?

Pierre Vollaire : Nous n’avons effectivement pas atteint ces derniers mois les prix délirants que nous avions pu connaître l’an passé. Ces derniers n’en restent pas moins très élevés. Dans ma commune, nous payions naguère 58,50 euros le MWh. Même avec un tarif à 200 euros le MWh, la différence reste considérable ! Ensuite, rappelons que les aides gouvernementales sont appelées à disparaître à la fin de l’année. Nous payons aujourd’hui environ 230 euros le MWh avec les aides ; sans elles, ce serait le double ! Enfin, plusieurs stations restent à ce jour liées par des contrats de plusieurs années, conclus à des tarifs bien supérieurs aux 200 euros évoqués. Cette situation n’est pour elles plus tenable. Certaines sont déjà dans le rouge. Elles ne pourront accumuler les pertes indéfiniment. Rien que pour les stations des Hautes-Alpes, le surcoût – aides déduites – était l’an passé de 4,3 millions d’euros ! On va au carton ! Or, rien que dans les Hautes-Alpes toujours, ce sont 12.000 emplois à la clef.

Quelles solutions proposez-vous ?

L’urgence, c’est de sortir de ces contrats pluriannuels et de fixer un prix plafond de 150 euros le MWh – ce qui est déjà très lourd. Il faut absolument que le gouvernement fasse pression sur les fournisseurs d’énergie pour qu’ils revoient leurs positions. Je me réjouis qu’EDF retrouve des marges de manœuvre – près de 6 milliards d’euros de bénéfices au 1er trimestre –, qui sont indispensables aux investissements. Mais cela doit se faire de manière équilibrée, et sans que cela soit la loterie pour les clients, en entraînant de très fortes distorsions concurrentielles. En parallèle, il faut également lever les contraintes qui continuent de peser sur l’installation de microcentrales hydroélectriques en montagne, afin de faciliter l’auto-consommation collective et les circuits courts. Même si le modèle économique n’est pas toujours facile à trouver – tout dépend du coût de rachat –, il faut garder en tête que c’est une source d’énergie renouvelable, et donc vertueuse. Il est en outre indispensable que l’on réforme sans tarder le fonctionnement du marché européen de l’électricité. Rien ne justifie que les Français ne puissent profiter de l’investissement dans l’énergie nucléaire auquel ils ont participé des décennies durant. Encore moins à l’heure de la décarbonation de l’énergie !

Pour faciliter l’installation de microcentrales, un nouveau texte est-il nécessaire, alors que l’encre de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (voir notre article du 13 mars) est tout juste sèche ?

Je ne suis pas certain que la solution réside dans les textes. La principale difficulté tient dans les lenteurs administratives, d’un bout à l’autre de la procédure, en incluant les recours désormais systématiques avec lesquels on doit composer. Le processus est très lourd, notamment pour la gestion de la ressource en eau, qu’il faut dédramatiser. Dans le cadre de Cimes durables, nous avons d’ailleurs publié un livre bleu sur les retenues collinaires, aujourd’hui diabolisées, avec des positions souvent très dogmatiques, alors que ces retenues présentent de multiples avantages, singulièrement en montagne. Outre la production d’énergie hydroélectrique, et donc décarbonée, elles permettent le développement d’activités ludiques en toutes saisons, la protection de la population, comme réserve à incendie notamment, celle de l’écosystème et de l’agriculture, etc. Las, aujourd’hui, des projets de microcentrales mettent 10 à 15 ans pour voir le jour. Pouvons-nous vraiment nous permettre de perdre autant de temps dans la lutte contre les gaz à effet de serre ?

Les stations de montagne se retrouvent précisément de plus en plus sur le banc des accusés pour leur impact carbone. Un mauvais procès ?

Comme toute activité, les stations de montagne ont un impact, qu’il convient pour autant de ne pas exagérer. Nous sommes évidemment conscients du défi que représente la transition énergétique, et plus largement le changement climatique. Nous sommes en première ligne ! Dans nos stations, nous conduisons, parfois de longue date, d’importantes actions de sobriété et d’efficacité énergétiques, que ce soit pour le chauffage des bâtiments, les remontées mécaniques ou la production de neige de culture – qui représentent chacun un tiers de la consommation aux Orres. L’électricité consommée va devenir essentiellement d’origine renouvelable. Si je prends le cas des Orres, la SEM que je préside consomme environ 4,5 GWh par an. Or, c’est ce que produira à compter de 2025 notre nouvelle centrale hydroélectrique. Aussi je suis personnellement convaincu que la montagne peut être un moteur sociétal sur l’environnement. En facilitant la découverte et la prise de conscience de la nature, en favorisant les échanges... Aux Orres, c’est ce que nous nous employons à faire, notamment dans le cadre du festival Game of trees.