Suite au rapport Guilluy sur France Travail, régions et départements réclament des clarifications

Si les régions, par la voix de Régions de France, reconnaissent des avancées suite à la présentation du rapport de Thibaut Guilluy sur France Travail, elles demandent néanmoins des clarifications au gouvernement sur l’enjeu de la "régionalisation des politiques de l’emploi". Les départements expriment de leur côté de "points de vigilance", en particulier sur les financements. 

Régions de France, qui milite de longue date pour une "régionalisation des politiques de l’emploi", aura été parmi les premiers à réagir à la présentation mercredi 19 avril du rapport de Thibaut Guilluy sur la mise en place de France Travail. L’association présidée par Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, estime d’emblée qu’une "vraie clarification des compétences" est nécessaire. Après sept mois de concertation, le compte n’y est pas, estime Régions de France : les collectivités régionales qui sont "pleinement engagées dans leurs compétences de formation (...) doivent être reconnues demain comme Autorités organisatrices de plein exercice pour la formation des demandeurs d’emploi", explique François Bonneau, président de la commission éducation-orientation-formation-emploi de Régions de France. Une condition nécessaire, insiste-t-il, pour qu’elles puissent "s’investir dans l’écosystème France Travail et participer aux préfigurations envisagées".

Risque de confusion entre "l’opérateur" et "le réseau" France Travail

Selon Carole Delga, "la région est le bon échelon pour assurer le continuum développement économique-emploi-formation-orientation et le continuum des parcours tout au long de la vie, quelle que soit la situation des personnes". Elle réclame donc toujours et encore une "décentralisation de la compétence emploi" au profit des régions, modèle qui a déjà fait ses preuves chez nos principaux voisin européens, explique-t-elle. Même si cette proposition a été écartée d’emblée lors des discussions sur France Travail. Une position qui ne permet pas de lever, regrette Régions de France, la confusion entre "l’opérateur France Travail" et "le réseau France Travail". En résumé, les comités France Travail présidés par des élus "doivent être les seuls responsables des décisions stratégiques qui s’imposeront à l’opérateur".

Quant au rôle présumé "d’animateur d’écosystème" dévolu à France Travail, il pose selon les régions la question du rôle des Missions locales et de Cap emploi, "relégués au rang d’opérateurs spécialisés sur les jeunes et les personnes en situation de handicap".

Des compétences régionales confortées

Au-delà de ces positions de principe, les régions reconnaissent néanmoins des avancées, matérialisées par la prise en compte de propositions qu’elles avaient portées lors de la phase de concertation, se félicite Régions de France. Notamment sur le fait que soient confortées les compétences régionales en matière de formation, d’orientation et de développement économique, ou encore que l’Etat maintienne ses investissements pour faire face aux tensions de recrutement et reconduire un plan "massif" Etat-régions pour la formation des demandeurs d’emploi à partir de 2024. Avec l’ambition de prolonger "le mécanisme de contractualisation qui fait le succès depuis 2019 des Pactes régionaux d’investissement dans les compétences".

Après avoir exprimé des doutes sur le projet (voir notre article du 29 mars), les départements, responsables de l'insertion et des allocataires du RSA, semblent rassérénés par la place qu'il leur est accordée dans la future architecture. Départements de France a pris connaissance "avec intérêt" du rapport même s'il "reste encore un certain nombre de questions et de points d’attention", en particulier sur les financements et les sanctions prévues pour les bénéficiaires du RSA, indique l'association, dans un communiqué du 20 avril. "Nous demandons ainsi que les enveloppes attribuées et les montants prévus par l’État pour l’extension du dispositif soient pérennes pour permettre d’activer, durablement, de nouvelles politiques d’insertion par les départements", a déclaré le président de Départements de France, François Sauvadet, cité dans le communiqué. Selon lui, l'expérimentation en cours dans 18 territoires devra se poursuivre "probablement jusqu'à la fin de 2024" et la "déclinaison pratique" devra tenir compte des retours d'expériences et des "spécificités locales". A cet égard, les inquiétudes "sont en passe d’être levées" puisque Thibaut Guilluy, aurait indiqué "que la loi à venir n’aurait vocation qu’à formaliser un cadre à la mise en place de France Travail et non à déterminer les modalités de sa mise en œuvre". L'association plaide par ailleurs "pour des régimes de sanction rénovés, plus simples et progressifs, pour être plus applicables avec souplesse par les conseils départementaux". Elle reste enfin vigilante sur l'idée de "communs numériques" visant à favoriser les échanges de données entre tous les acteurs. "Il faudra, dans tous les cas, garantir l’interopérabilité avec les outils existants et la possibilité pour les départements d’une maîtrise des données les concernant", fait valoir François Sauvadet.

Inquiétudes chez les acteurs associatifs

L’Uniopss, qui réunit les associations des solidarités et de la santé exprime ses "plus vives inquiétudes si les moyens humains dédiés ne sont pas à la hauteur des besoins d’accompagnement mentionnés dans le rapport France Travail". L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux alerte notamment sur le fait que si le rapport affiche une volonté de favoriser la réinsertion économique des publics durablement éloignés de l’emploi, "il ne semble pas réunir les conditions permettant aux personnes concernées, notamment aux allocataires du RSA, de bénéficier d’une réinsertion durable". L’Uniopss s’inquiète également de la portée du futur contrat d’engagement qui sera exigé des allocataires du RSA, et notamment des sanctions qui en découlent en cas de non-respect. Elle s’interroge enfin sur le manque de marges de manœuvre des acteurs associatifs qui seront sollicités dans le cadre de la mise en place de France Travail.