Sylvain Laval - Financement des mobilités : "On attend autre chose de l'État !"
Alors que s'ouvre le Congrès des maires, Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (Isère) et coprésident de la commission Transport, mobilité et voirie de l’Association des maires de France (AMF), déplore le peu de cas fait aux voiries communales et intercommunales lors de la conférence Ambition France Transports et appelle l'État à doter les mobilités locales d'un véritable modèle de financement.
© Franck Ardito, pour le SMMAG/ Sylvain Laval
Localtis - Quel bilan tirez-vous de la conférence Ambition France Transports ?
Sylvain Laval - Elle a été positive, en permettant de partager un certain nombre de diagnostics et à chacun d'avancer ses propositions. Dont l'AMF, même si elle a dû, comme trop souvent, rentrer par la fenêtre de ces concertations. Pour la première fois, on a vraiment pu traiter de la question de la mobilité dans son ensemble. On doit toutefois déplorer que les organisateurs n'aient pas souhaité traiter de la problématique majeure des voiries communales et intercommunales, pour lesquelles nous n'avons aucun modèle de financement. Le problème maintenant, c'est le débouché. On est dans l'expectative. Reste que dans la période très compliquée que nous traversons, la priorité, c'est déjà de trouver un budget pour la France. La situation ne nous laisse donc pas espérer grand-chose pour le moment.
Pour renforcer le modèle économique des autorités organisatrices de la mobilité locale (AOM), il est notamment proposé de déplafonner le versement mobilité (VM). Une piste réaliste, alors que l'enquête de l'AMF publiée cet été (lire notre article) montre que plus de la moitié des AOM répondantes ne le lèvent déjà pas faute d'un tissu économique idoine ?
Nous ne sommes pas totalement fermés à cette solution, même si elle nous paraît ne pouvoir être envisagée que pour des secteurs souffrant d'un déficit d'offre de mobilités et pour lesquels un tel déplafonnement permettrait d'augmenter cette dernière de manière concertée. En aucun cas elle ne pourra répondre à toutes les problématiques. D'autant que pas grand monde n'y est favorable, à commencer par les AOM en capacité de le faire, mais aussi Bercy ou le monde économique. On sait pertinemment que ce n'est pas possible à court terme. On attend autre chose de l'État ! Qu'il joue pleinement son rôle, en répartissant équitablement les moyens, en affectant des recettes sur ce qui relève des compétences directes du bloc local. Singulièrement l'entretien des voiries qui, je le rappelle, permettent d'accéder aux trains, de faire passer des bus, le covoiturage ou la construction de pistes cyclables... Malheureusement, la conférence a fait le choix de se focaliser sur les trains et les routes nationales. Que l'État ne s'intéresse qu'à ses propres routes, alors que leur proportion est infinitésimale, c'est quand même un peu regrettable.
Que préconisez-vous ?
Nous faisons des propositions extrêmement concrètes et simples à mettre en œuvre. Nous souhaitons que les amendes de police du stationnement nous reviennent, puisque c'est nous qui les émettons et qui aménageons l'espace public. Nous proposons qu'une partie des recettes des concessions autoroutières nous reviennent également – chacun a le droit d'en percevoir une part ! Nous préconisons encore que les concessionnaires réseaux, qui éventrent nos routes et referment simplement le trou qu'ils ont créé, participent davantage à la rénovation de la voirie, laquelle incombe aujourd'hui aux seules communes. Ces quelques pistes permettent de construire un modèle de financement qui ne demande pas à l'État de verser des milliards.
Vous plaidez pour la réouverture de la prise de compétence Mobilité par les EPCI. Que devient le rapport gouvernemental sur le sujet, qui devait être remis le 30 juin 2024 ?
Il a bien été rédigé, mais a été très peu diffusé. Il ne nous apprend toutefois rien que nous ne sachions déjà, à savoir que le bilan de ce transfert est en demi-teinte. Des territoires se sont saisis de la compétence parce qu'il y avait une volonté des régions et des intercommunalités de travailler ensemble. Dans d'autres, il ne s'est absolument rien passé parce que des régions ont tout fait pour que les intercommunalités ne s'en dotent pas. Rappelons en outre que la question a été posée à un moment où l'immense majorité des territoires n'était pas en mesure d'y répondre. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux, notamment en zones peu denses, regrettent leur décision. Ils se rendent compte que les régions ne sont pas forcément en capacité de leur apporter des réponses et qu'eux, contrairement à ce qu'ils redoutaient, auraient les moyens de développer quelques politiques de proximité. Il ne s'agit pas de rouvrir complément le sujet. Là où cela fonctionne, pas besoin d'y revenir. Mais là où il y a des besoins, il faut permettre à ceux qui le souhaitent de pouvoir prendre cette compétence, ne serait-ce que pour organiser un schéma local cyclable ou de covoiturage. Ne soyons pas rigides ! C'est le mal français, toujours tout ou rien.
Dominique Bussereau déplore qu'on ne propose "à la ruralité" que ce choix binaire. Soit les régions, qui ont selon lui "autre chose à faire", soit les petites intercos qui, elles, "n'ont pas les équipes et les moyens de faire" (lire notre article). Faut-il introduire un nouvel acteur, comme le département ?
D'abord, je ne crois pas qu'il faille raisonner en termes d'opposition entre régions et intercommunalités. C'est un binôme qui doit fonctionner en bonne articulation et complémentarité, et en fonction des réalités territoriales. Au-delà de décharger les régions, qui ne peuvent effectivement pas tout faire, je crois que l'enjeu tient aussi au fait que ces dernières ne constituent pas toujours le bon échelon sur ces sujets. Côté intercommunalités, la crainte, c'est effectivement de se dire que l'on est trop petit – c'est d'ailleurs comme ça qu'on a fait peur à beaucoup d'entre elles. Mais il faut souligner que celles qui prennent la compétence peuvent se regrouper, créer un petit syndicat mixte local de mobilité permettant de mutualiser les moyens. Et un département peut tout à fait adhérer à un tel syndicat ou subventionner le développement de politiques cyclables ou de covoiturage d'une interco, ce que plusieurs font déjà.