Taxe foncière : méthode et calendrier modifiés pour l'actualisation des bases
Le gouvernement suspend le projet d'actualisation des valeurs locatives de plus de 7 millions de logements, afin de se donner le temps de mettre en place "une nouvelle méthode", plus locale, a annoncé ce 26 novembre le Premier ministre. Une décision qui répond aux attentes des élus locaux de vouloir se pencher sur le sujet après les élections municipales.
© Capture vidéo Séna/ Sébastien Lecornu et Françoise Gatel
L'annonce la semaine dernière, en plein congrès de l'Association des maires de France, d'une mise à jour des bases des impôts locaux pour 7,7 millions de logements - par la prise en compte d'éléments dits de confort (eau courante, chauffage, baignoire…) - avait suscité des réactions de tous bords. Alors que les recettes fiscales en question concernent le bloc communal, le gouvernement décide de ne pas passer en force.
Lors de la séance des questions au gouvernement, dans l'hémicycle du Sénat, le Premier ministre a annoncé "un calendrier nouveau" sur ce dossier "épouvantablement technique et politique". "J'ai demandé aux ministres concernés de dilater ce calendrier pour nous emmener jusqu'au mois de mai ou juin", a indiqué celui qui a été ministre chargé des Collectivités territoriales au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Ce nouvel agenda est associé à la mise en place d'une nouvelle méthode, plus locale. "Certains départements ne sont pratiquement pas concernés", a observé Sébastien Lecornu. D'autres seraient à l'inverse touchés de manière importante par une actualisation des valeurs locatives, tels que les départements de Corse et du Nord. Le gouvernement en conclut que "toute approche nationale est mort-née". Et qu'"il va falloir revenir à une approche départementale, voire infra-départementale, voire même commune par commune". Cela laisse penser qu'il veut laisser la main aux commissions des impôts directs, lesquelles se réunissent à trois niveaux (communal, intercommunal et départemental).
"Système caduc"
"Notre système de revalorisation des bases locatives, tel qu'il existe depuis 1959", est devenu "caduc", a estimé le chef du gouvernement. "Lorsque vous rajoutez des règles qui peuvent apparaître complètement déconnectées de toute forme de sens commun, par définition, elles deviennent incompréhensibles. Et ça pose une question plus grave qui est la question du consentement à l'impôt", a-t-il fait valoir.
L'idée est "d'amorcer quelque chose dans la durée, avec le sens de l'intérêt général, de la protection des élus locaux et de la protection de leur pouvoir de taux à la hausse comme à la baisse", a-t-il ajouté, en réaction notamment au "procès" lancé ces derniers jours par "certains extrêmes ou démagogues" contre les élus locaux.
La prise de parole de Sébastien Lecornu intervenait quelques heures après une rencontre à l'Hôtel de Roquelaure, entre des représentants des associations d'élus locaux et les ministres de l'Aménagement du territoire (Françoise Gatel) et des Comptes publics (Amélie de Montchalin) sur ce sujet des "évolutions des bases taxables". Un rendez-vous auquel ont pris part des parlementaires, notamment les présidents des deux délégations aux collectivités territoriales (Stéphane Delautrette et Bernard Delcros).
Laisser passer les municipales
Ce fut une "bonne réunion" a estimé l'hôte de Matignon, que les élus locaux ne réfuteront probablement pas. Ce temps de concertation "a permis de rassurer", déclare ainsi l'Association des petites villes de France (APVF). L'association qui était représentée par Antoine Homé, maire de Wittenheim, salue aussi "l'écoute" reçue de la part des deux ministres.
Sur le fond, l'APVF a fait passer un message : "Il ne faudrait pas faire croire que la réforme est faite pour que les collectivités territoriales reçoivent plus d'argent. Mais elle est faite pour plus d'équité fiscale". Mais, surtout, l'actualisation des bases annoncée par Bercy la semaine dernière est "particulièrement malvenue" en pleine discussion du projet de loi de finances pour 2026 et à quelques mois des élections municipales. "En cette période, les questions d'impôts sont extrêmement sensibles et les contribuables peuvent avoir l'impression d'un coup de bambou fiscal", a déploré l'association. Une position partagée par les autres élus locaux présents. Et à laquelle les parlementaires ont souscrit, le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Philippe Juvin critiquant par exemple un "calendrier malencontreux". "On peut reprendre le dossier après les élections municipales, prenons notre temps", estime l'APVF, en constatant que "tout le monde est convenu que les bases sont à réviser, car elles sont obsolètes".
"Toute modernisation des impôts locaux doit se faire tranquillement, en concertation avec les élus locaux. On ne peut pas balancer comme ça, à la sauvette, des choses qui angoissent nos concitoyens", a de même réagi Antoine Homé, qui représentait l'Association des maires de France (AMF). "Nous voulons du temps pour comprendre les impacts concrets dans chaque département", a indiqué de son côté Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et représentant Villes de France. "Les bases de notre taxe foncière sont totalement archaïques et très largement injustes par rapport à la valeur des biens, mais il est sage de renoncer à une réforme forcément très partielle alors qu'on doit préparer une réforme de fond", a estimé Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières.
En revoyant le calendrier et la méthode - tout en maintenant l'objectif d'une révision des valeurs locatives - le Premier ministre semble donc avoir répondu expressément aux demandes des élus locaux.