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Environnement - Un rapport parlementaire propose de nouvelles solutions pour lutter contre les nuisances sonores

Dans un rapport présenté le 28 juin devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, la mission d'information sur la lutte contre les nuisances sonores formule 19 propositions visant notamment les infrastructures mais aussi une meilleure gestion du bruit dans les centres-ville.

Chaque année, 1,818 million d'années de vie sont perdues en Europe de l'Ouest du fait des atteintes physiologiques et psychiques dues à des expositions excessives au bruit. Ces chiffres, extraits d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), sont mis en avant par la mission d'information sur la lutte contre les nuisances sonores créée par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Après avoir auditionné plus d'une trentaine de personnalités et organismes depuis début 2011, cette mission, confiée aux députés Philippe Meunier (UMP, Rhône) et Christophe Bouillon (PS, Seine-Maritime), a présenté son rapport le 28 juin devant la commission, qui en a autorisé à l'unanimité la publication.
"De façon paradoxale, le bruit ne vient qu'en neuvième place sur l'échelle des préoccupations environnementales des Français alors qu'il occupe la première dans celle des gênes vécues", ont d'abord relevé les deux rapporteurs. Même si un chiffrage exact reste difficile à établir, le bruit a des effets réels sur la santé – et pas seulement auditifs – et constitue aussi une vraie nuisance sociale, génératrice d'inégalités, soulignent-ils. Ce sont les transports, et en particulier la circulation routière qui sont aujourd'hui les principales sources de nuisances sonores mais ce qui apparaît de plus en préoccupant est la multi-exposition au bruit que subissent certains habitants, notamment les personnes à revenus modestes vivant dans les grandes agglomérations. Au cours d'une même journée, une personne peut ainsi être exposée à de multiples bruits excessifs ou gênants dans les transports, sur son lieu de travail ou à son domicile, notamment si elle vit en appartement. Il existe pourtant une réglementation importante sur le bruit mais celle-ci souffre de difficultés d'application, constatent Philippe Meunier et Christophe Bouillon.
Si la lutte contre le bruit au travail est assez largement prise en compte par le Code du travail ainsi que par les normes d'isolation phonique des bâtiments et des engins utilisés, le traitement du bruit dans le contexte urbain apparaît nettement plus complexe. Pour les deux rapporteurs, "les bruits du centre-ville, ceux de certains véhicules se dérobant à la réglementation en vigueur, enfin le bruit entendu chez soi, appellent des réponses tout à la fois d'autorité, pour certaines d'entre elles, et de médiation, pour d'autres".

Nouvelles procédures de dédommagement pour les collectivités

Les 19 propositions qu'ils énoncent dans leur rapport sont de quatre types. Six d'entre elles concernent directement les infrastructures. Ils suggèrent d'abord d'"engager un traitement de la multi-exposition en prenant en compte la totalité des bruits auxquels est soumise la population concernée". Car actuellement, soulignent-ils, un ménage peut bénéficier d'aides à l'insonorisation s'il est exposé à un bruit aérien ou routier supérieur à 50 dB (A) mais si son exposition n'est que de 45 dB (A), l'addition des deux sources induit bien une exposition totale supérieure à 50 dB (A) mais le seuil déclencheur des aides n'est atteint pour aucun des organismes qui les octroie. Autre mesure phare : ils proposent d'organiser des procédures d'intéressement et de dédommagement des collectivités territoriales qui subissent les inconvénients des infrastructures de transport, sans contrepartie suffisante. C'est notamment le cas des petites communes. Pour les deux députés, il faut  inventer un "développement concerté", faute de quoi les contestations et recours d'associations de riverains, notamment, risquent d'être de plus en plus nombreux. Les deux députés appellent également à abonder les budgets nécessaires à la résorption des points noirs et au financement de la lutte contre le bruit : il s'agit là de mettre en œuvre la décision de la table ronde santé-environnement du Grenelle qui avait demandé de porter les moyens financiers destinés à la lutte contre le bruit de 150 millions à 450 millions d'euros par an. Ils suggèrent aussi d'instituer à l'échelon européen un "couvre-feu" de cœur de nuit pour le trafic aérien et de renforcer les mesures de protection des riverains des aérodromes en étendant le dispositif d'aides aux riverains des aéroports se situant en deçà du seuil de 20.000 mouvements par an - c'est le cas, par exemple, des riverains de l'aéroport de Montpellier ou de ceux du Bourget, qui subissent de surcroît le trafic de Roissy-Charles-de-Gaulle. Les deux députés souhaitent aussi que les coûts d'isolation phonique soient inclus dans le cahier des charges de tous les projets d'infrastructures nouvelles.

Des "zones de convivialité"

Une autre série de propositions concerne la lutte contre le bruit lié à l'urbanisation. Les deux députés veulent inciter les maires des communes de plus de 10.000 habitants à établir un plan de prévention du bruit de proximité. Ils veulent également donner autorité au maire pour créer des zones ("touristiques ou de convivialité") au sein desquelles les terrasses des bars et restaurants seraient autorisées à fonctionner jusqu'à une heure de fermeture déterminée par le préfet, dans les départements où il existe une police d'Etat, et par le maire dans les autres cas. "Cette mesure aurait pour corollaire d'établir une interdiction à partir d'une certaine heure pour les autres zones, dévolues au calme", ajoutent-ils.
Ils suggèrent aussi de réduire le bruit dans les établissements scolaires, de protéger l'audition du public des discothèques en abaissant à 90-95 dB (A) le niveau de crête qui est actuellement de 120 dB (A) et d'obtenir des exploitants de ces établissements ainsi que de ceux des bars et restaurants l'installation d'un sas entre la salle et la rue. Les deux rapporteurs proposent également de concevoir les actions de lutte contre les nuisances sonores de façon globale afin d'éviter les répétitions ou les incompatibilités, par exemple, en coordonnant les travaux de protection thermique et acoustique des bâtiments. Une telle approche permet de surcroît de réaliser des économies substantielles sur l'ensemble des travaux – de l'ordre de 40%, estiment les députés.

Des "référents bruit" dans les commissariats et gendarmeries

Sur le volet contrôle et répression, ils réclament l'application des dispositions de la circulaire du 16 octobre 2003 prise par le garde des Sceaux relative au volet pénal du programme national de lutte contre les bruits de voisinage. "Il s'agit de faire respecter la réglementation en prenant toutes les sanctions nécessaires et de procéder à un enregistrement statistique des procédures", font-ils valoir. Même si les articles L.571-18 et L.571-19 du Code de l'environnement ont permis d'augmenter le nombre d'agents publics susceptibles de procéder au contrôle et à la surveillance du bruit, ils regrettent que les collectivités territoriales manquent de moyens pour faire respecter la législation en vigueur et que les contrôles ne soient pas effectués assez fréquemment. Ils estiment également souhaitable de s'appuyer sur la police d'agglomération et la gendarmerie qui pourraient désigner un certain nombre d'équipages comme "référents bruit". Chaque commissariat et chaque gendarmerie pourrait ainsi être doté d'un référent bruit afin que les plaintes et demandes d'intervention ne restent pas lettre morte. A travers cette mesure, il s'agit autant de favoriser une meilleure application de la réglementation que de favoriser les actions de médiation, estiment les rapporteurs.

"Trop de bruit tue vos oreilles"

Enfin, une dernière série de propositions concernent la prévention et l'information. Philippe Meunier et Christophe Bouillon suggèrent de développer l'éducation des jeunes au son et au bruit dans le cadre scolaire et de mieux former les architectes aux questions d'acoustique, d'informer sur le niveau sonore des espaces publics et de lancer une grande campagne nationale d'information sur les dangers du bruit, à l'image de celles sur le tabac. Et de proposer comme slogan "Trop de bruit tue vos oreilles".

 

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