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Une enquête éclaire sur les facteurs de réussite de l'EPS à l'école

Deux syndicats d'enseignants mettent en lumière dans une enquête les facteurs permettant aux écoles primaires d'assurer effectivement les heures réglementaires d'enseignement de l'éducation physique et sportive prévues au programme. La proximité des équipements sportifs est la première clé de réussite. Les collectivités ont également un rôle à jouer.

Alors que ce vendredi 11 mars 2022 Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, et Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux Sports, étaient en Haute-Garonne pour observer le déploiement des opérations et dispositifs concernant le sport à l’école, deux syndicats d'enseignants, le Snuipp-FSU et le Snep-FSU (Syndicat national de l'éducation physique), publient leur rapport d'enquête consacré aux "Écoles vitaminées à l’EPS".

Cette publication intervient dans un contexte particulier. L'EPS (éducation physique et sportive,  soit une discipline scolaire d'enseignement obligatoire) apparaît depuis plusieurs années comme un parent pauvre des programmes. Dans son rapport de 2019 intitulé "L’école et le sport : une ambition à concrétiser", la Cour des comptes estimait que "dans le primaire, l'EPS est une variable d'ajustement des emplois du temps. Son enseignement n'est pas assuré conformément au programme".

Peur de la substitution

De son côté, le sport scolaire – sport compétitif pratiqué avec l'école en dehors des horaires de classes au sein d'une association affiliée à un réseau national et animée souvent par des enseignants – est mis en concurrence par la récente loi visant à démocratiser le sport qui encourage la création d'associations sportives au sein des établissements. Ce qui fait craindre la disparition de l'Usep (Union sportive de l'enseignement primaire). Quant au sport à l'école – activité physique et sportive à l'école avec ou sans lien avec les enseignants en dehors des heures d'EPS –, il a le vent en poupe depuis la fusion des ministères de l'Éducation nationale et des Sports, à l'été 2020, qui a acté le rapprochement entre écoles élémentaires et mouvement sportif. Rapprochement qui, nous allons le voir, fait craindre une substitution des professeurs des écoles, qui assurent aujourd'hui l'EPS à l'école, par des éducateurs sportifs issus du mouvement sportif.

Recentrage sur les savoirs fondamentaux

Dans leur enquête, le Snuipp-FSU et le Snep-FSU constatent d'abord un contexte de "recentrage fort sur les savoirs dits fondamentaux, français et mathématiques" pour expliquer la non-application du programme d'EPS, mais aussi "l’enchaînement d’annonces ministérielles parfois contradictoires aux effets démobilisateurs", dont l'expérimentation des 30 minutes d'activités physiques quotidiennes, une des déclinaisons les plus notables du "sport à l'école".

Pour aller au-delà de cette posture défensive, le travail du Snuipp-FSU et du Snep-FSU met en avant les dynamiques à l’œuvre pour un enseignement effectif de l’EPS. "Un certain nombre d’écoles réussissent tout de même à proposer une EPS à la hauteur des attendus des programmes", écrivent-elles.

Équipements de très grande proximité

Leur enquête pointe quatre facteurs majeurs de réussite. Le premier relève du rapport entre équipements et horaires : "Ce qui est frappant dans nos écoles vitaminées, rapportent les auteurs, ce ne sont pas les équipements exceptionnels, mais leur très grande proximité de l’école. C’est cette proximité qui rend possible l’EPS deux à trois fois par semaine en élémentaire, et tous les jours en maternelle. En effet, le temps scolaire est tellement contraint, que la moindre perte de temps est défavorable à l’EPS. Tout déplacement contrecarre l’existence même des séances d’EPS, y compris lorsque les équipements existent et que les transports sont prévus." Et de citer le témoignage d'une école dont le gymnase le plus proche se situe à quinze minutes et qui, pour cette raison, ne le fréquente pas, préférant s'en tenir à la cour de l'établissement. "Avoir des équipements très proches de l’école, avec au moins un espace couvert, est donc déterminant", pointe l'enquête.

Le deuxième facteur de réussite tient à l'organisation de rencontres ou événements sportifs sur le temps scolaire, lesquels existent d'autant plus qu'il y a une association Usep au sein de l'école. En effet, ces rencontres, qui sont préparées en EPS, "donnent du sens aux apprentissages et génèrent des séquences d’apprentissage longues".

Le rôle des enseignants

On trouve en troisième lieu l'importance des enjeux attribués à l'EPS par les enseignants, résumée par cette formule : "Faire entrer l’EPS dans les fondamentaux, c’est la seule solution." Dans les "écoles vitaminées" de l'enquête, les enseignants estiment en effet que cette discipline répond aux besoins d’activité physique de l’enfant et participe ainsi à l’équilibre des rythmes scolaires. Mais aussi que, "grâce aux relations qu’elle permet, aux règles qu’elle sollicite, [l'EPS] participe à la construction du 'vivre ensemble'" et "permet aux enseignants de connaître leurs élèves dans leur globalité". Et ceci alors même que la mise en œuvre du programme dans les "écoles vitaminées" repose, selon l'enquête, sur l'énergie des enseignants "face à l’institution qui n’assure pas les missions qu’elle se fixe elle-même et les fait reposer sur les acteurs et actrices".

Le quatrième et dernier facteur majeur de réussite est le travail en équipe. Selon l'enquête, il est rendu possible par la stabilité des équipes enseignantes où, souvent, des "anciens" assurent la transmission de la culture professionnelle, et aboutit, dans l'immense majorité des cas à une conception collective du programme d'EPS de l'école. Collaboration qui porte notamment sur l'utilisation des équipements et la répartition des créneaux horaires. Le travail en équipe se traduit également par la co-intervention, soit le regroupement de classes et de leurs enseignants respectifs pour les séances d'EPS.

Des collectivités sensibles à l’EPS

Parmi les autres facteurs de réussite cités dans l'enquête, on retiendra le rôle des collectivités territoriales. "Toutes les écoles vitaminées sont implantées dans des collectivités territoriales sensibles à l’EPS, et se sentent soutenues en termes d’équipements, de transports, voire de financement de classes découvertes", note le rapport.

Il est à noter que rares sont les "écoles vitaminées" qui font appel à un éducateur territorial des activités physiques et sportives (Etaps) de manière régulière tout au long de l'année. Ce qui fait dire aux rapporteurs : "Le fait que nos écoles vitaminées fassent peu appel à des intervenants [extérieurs] devrait interpeller fortement les collectivités territoriales." Autrement dit, les auteurs demandent aux collectivités de se concentrer prioritairement sur l'investissement dans les installations couvertes proches de l’école et l’aide matérielle plutôt que chercher à mettre en place "des partenariats tels qu’ils sont conçus très souvent aujourd’hui". Pour eux, l’intervention extérieure doit non seulement constituer une plus-value à l’instant T, mais aussi un investissement sur l’avenir afin que les enseignants deviennent capables d’enseigner seuls certaines activités qu'ils ne maîtrisent pas. Les professeurs des écoles cherchent ainsi à éviter ce qu'ils appellent des "dérives", à commencer leur substitution par un intervenant extérieur.