Vers un "New Deal" de l'externalisation des services publics ?

Un rapport remis à Bercy, mercredi - jour de la présentation en conseil des ministres du projet de loi sur la fonction publique - préconise de recourir massivement à l’externalisation des services publics, en dehors du cœur de mission de l’État. Les économies escomptées se chiffreraient à 25 milliards d’euros.

La polémique sur la privatisation d’ADP n’est pas retombée qu’un rapport sur les services publics remis au ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, mercredi 27 mars, risque de faire du bruit. Réalisé par la société Webhelp (spécialisée dans la relation usager) en collaboration avec Altermind, ce rapport propose de recourir massivement à l’externalisation des services publics pour faire la "chasse aux inefficiences". Un "New Deal" des services publics qui représenterait un potentiel d’économies de 25 milliards d’euros "à qualité de service au moins égale", assure ce rapport de plus de 80 pages, présenté comme une "contribution au Grand Débat national". Avant d’atteindre ce rythme de croisière, Webhelp estime qu’un niveau de 6 milliards d’euros d’économies pourraient être réalisé d’ici dix ans, en compensant par l’externalisation le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite.
Alors que la qualité de service public arrive en bonne place dans les revendications des Français à l’occasion du Grand Débat, le rapport propose ainsi de confier au privé les services qui ne font pas partie du "cœur de mission de l’État", à savoir le "front office" (accueil des clients, prise de rendez-vous, réponse aux questions des usagers…), le "back office" (reporting, gestion des effectifs, archivage…) et autres fonctions supports (restauration, nettoyage, ressources humaines, informatique, finances…). 
"Les enjeux de l’externalisation sont souvent mal posés en France : elle est identifiée à tort comme un abandon du service public et soulève à ce titre les réticences des syndicats de fonctionnaires et de certains usagers", estime Webhelp, pour qui elle constitue au contraire "une opportunité pour les services publics de se repositionner sur le coeur de leur mission".

New Public Management

La France qui se trouve "dans une impasse financière" accuserait un retard important par rapport aux pays les plus avancés dans ce domaine, comme les pays scandinaves ou les pays du Nord, adeptes du New Public Management. L’externalisation (consommations intermédiaires) ne représente que 28% des dépenses de fonctionnement en France contre plus de 48 % au Royaume-Uni, 44% en Finlande et près de 40% aux Pays-Bas, en Suède ou aux États-Unis. Mais en juillet 2018, un rapport retentissant de la Chambre des communes avait conclu à de graves défaillances dans l’outsourcing à l’anglaise, avec la faillite du groupe Carillion…
Le gisement d’économies serait tout particulièrement important dans la restauration : les repas sont externalisés à 90% dans les entreprises, contre à peine 40% dans les administrations. Les collectivités publiques pourraient ainsi réaliser 900 millions d’euros d’économie, assure le rapport qui prend aussi pour exemple l’externalisation du nettoyage ou du gardiennage par le ministère de la Défense. Le rapport puise aussi dans moult exemples locaux. La commune de Marcilly dans l’Indre-et-Loire aurait réalisé, grâce à la délégation de la restauration scolaire, au moins 40% d’économies sur les coûts de revient des repas et entre 17% et 24% sur les charges de personnel par rapport à ses voisines. Autre exemple, celui l’Opac de Saône-et-Loire qui a confié sa relation usager à… Webhelp. Selon les auteurs, les études montrent que "dans les cas où une externalisation est bien conduite les gains budgétaires atteignent 20 à 40% à qualité de service au moins égale".

"Réduire les effectifs d’agents publics"

Le rapport relève que les coûts des services publics en France représentent près de 400 milliards d'euros, soit 18% du PIB, "mais leurs résultats sont insuffisants". "Les usagers et les agents publics perçoivent une dégradation de leur action", assène-t-il, alors le poids des dépenses publiques est de 56% du PIB. Au moment même où le gouvernement présente son projet de loi sur la fonction publique, le rapport n’y va pas par quatre chemins : "Pour avoir un impact budgétaire fort, l’externalisation doit permettre de réduire les effectifs d’agents publics", souligne-t-il, suggérant d'intégrer l'externalisation dans la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences. Pour le gouvernement, ce rapport arrive à point nommé avec la perspective de repasser la barre des 3% du PIB l’an prochain. D’ailleurs, rappelle Webhelp, les 25 milliards d’économies de l’externalisation représentent "dix fois l’augmentation de la prime d’activité décidée en décembre 2018".

 

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