Vichy se réapproprie ses thermes pour faire revivre la ville d’eau impériale (03)

Le phénomène du thermalisme européen atteint son apogée entre le XVIIIe siècle et les premières décennies du XXe siècle. La qualité des eaux de Vichy était connue depuis l’Antiquité, mais l’essor de la cité thermale date surtout de l’attention particulière de Napoléon III. Car l’Empereur ne vient pas seulement à Vichy pour se soigner, il vient aussi s’assurer que la station thermale bourbonnaise est susceptible de devenir une rivale sérieuse des grandes villes d’eaux allemandes sur la scène européenne, au moment où la bourgeoisie vient contribuer à l’essor du tourisme. Par ses décrets mais aussi par la publicité que procure sa présence, Napoléon III va favoriser la métamorphose de la cité. « Reine des villes d’eaux », Vichy développe dès lors une riche architecture de villégiature de luxe. Les sources, les établissements thermaux, les lieux de promenades, opéra, théâtres, pavillons de musique, gares, parcs, cafés, golf ou hippodrome… deviennent le lieu où il faut être pour toute la grande bourgeoisie.

Programme de rénovation

« En 2021 Vichy a connu deux événements clé qui ont considérablement modifié le paysage : en mars, la ville a racheté le domaine thermal à l’État, c’est-à-dire les sources, les établissements thermaux, et le parc, le tout pour un montant de 25 M€. Et en juillet, Vichy a été inscrite au patrimoine de l’Unesco, avec dix grandes villes d’eaux d’Europe », explique Yves-Jean Bignon, 2e adjoint au maire, délégué au thermalisme, au patrimoine, à l’Unesco et à la mémoire, et par ailleurs Président de ThermAuvergne. « Depuis, nous avons changé d’opérateur pour les thermes, qui étaient historiquement gérés par la Compagnie fermière pour le compte de l’État. La commune les a confiés à France Thermes, une société privée, liée par une convention qui court jusqu’en 2030. Aujourd’hui, nous sommes les donneurs d’ordre et nous avons mis en place tout un programme de rénovation, car les investissements faits par l’État étaient insuffisants », ajoute l’élu.

Un office de tourisme pour les 39 communes

Si, on s’en doute, ces deux événements ont nécessité une longue préparation préalable, ils ont aussi profondément modifié le tourisme local, soudain propulsé au niveau international, avec des conséquences touristiques pour l’ensemble du territoire. L’enjeu pour Vichy était de redynamiser son patrimoine et ses activités et de se réapproprier son image de ville d’eaux impériale. Aux manettes, Vichy Destination, l’office de tourisme qui travaille à l’échelle de 39 communes et développe des actions sur le Val d’Allier et l’arrière-pays ; et bien sûr la ville de Vichy, qui s’est engagée dans un programme ambitieux de rénovation et de réhabilitation de son patrimoine afin de correspondre aux attentes Unesco. Tout en articulant ses actions avec le programme Action cœur de ville.

« Ces deux événements ont beaucoup changé notre organisation et notre fonctionnement, poursuit l’élu. Auparavant, la Compagnie fermière de Vichy gérait la station pour le compte de l’État. Aujourd’hui, nous sommes les donneurs d’ordre et nous avons mis en place tout un programme de rénovation sur des biens plutôt délabrés. »

Des sources qui alimentent un territoire industriel

Neuf sources sont encore exploitées dans le bassin de Vichy. Cinq d’entre elles sont consommées par les curistes dans les buvettes thermales, d’autres sont mélangées pour les soins ou servent à la préparation des boues thermales. La source Lucas est utilisée dans la composition des cosmétiques de la marque Vichy, possédée par L’Oréal. Celle des Célestins est embouteillée. Et, comme rien ne se perd, les sels extraits de la source Chomel de Vichy servent à la fabrication des célèbres pastilles de Vichy.

Un schéma de développement touristique, intitulé Agir 2035, a été élaboré à partir de la stratégie de la ville et du territoire. Car si ce secteur est touristique, il ne faut pas oublier qu’il est aussi situé dans le deuxième bassin industriel de l’ex-région Auvergne…

Faire de Vichy une marque de territoire

En 2021, la ville a entièrement repensé le site Vichy Patrimoine mondial pour faire découvrir les multiples facettes de cette inscription. Et elle a confié à Vichy Destination la mission de développer la marque territoriale Vichy (au-delà de la marque de produits cosmétiques commercialisés par L’Oréal). En place depuis 2020, le jeune directeur adjoint de Vichy destination, Adrien Southon – qui travaillait auparavant pour L’Oréal – présente avec enthousiasme la nouvelle « stratégie de marque territoriale », mise au point pour développer le tourisme à Vichy, autour du thermalisme bien sûr, mais pas seulement. Car les axes de développement portent à la fois sur la diversification et la conquête de nouveaux publics, et sur le renforcement de l’existant (cures thermales médicalisées). Il s’agit désormais de développer une offre touristique large, autour du sport, « Vichy Sports », du paysage et de la nature, « Vichy Montagne Bourbonnaise », de l’événementiel, « Vichy MICE », et même de la formation aux métiers du tourisme, « Vichy Éducation ». Son rôle : « assurer la promotion et l’information touristique, l’exploitation du Palais des Congrès, des hôtels, des restaurants et de l’événementiel. Pour nous la clé du succès, c’est de fédérer tous les acteurs autour du projet. Le label Unesco est un label de qualité », insiste le directeur adjoint de Vichy destination. Qui travaille actuellement à la mobilisation des propriétaires de résidences secondaires afin qu’ils deviennent des « ambassadeurs de Vichy » auprès de leurs locataires…