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Vingt départements en sursis

Jean Castex a annoncé l'ouverture de "concertations" dans les jours à venir entre préfets et élus dans les vingt départements les plus fortement touchés par l'épidémie de covid-19 avec, en perspective, des mesures comparables à celles prises à Nice et à Dunkerque. A savoir, possiblement, un confinement durant au moins deux weekends. Certains élus locaux pensent que ce ne sera pas suffisant. En tout cas, le Premier ministre mise bien de nouveau sur des "stratégies territorialisées".

"Nous plaçons vingt départements en surveillance renforcée. J’ai demandé aux préfets des départements concernés d’engager des concertations avec les élus en vue d’inviter sans attendre tous les habitants à la plus grande vigilance et d’envisager, dans tout ou partie de ces territoires, des mesures de freinage proches de celles mises en place à Nice et Dunkerque. Nous ferons un point la semaine prochaine et nous déciderons alors : si, et seulement si, la situation continue de se dégrader, nous prendrons des mesures renforcées qui entreront en vigueur à compter du week-end du 6 mars".

Voilà pour l'élément nouveau annoncé ce jeudi 25 février en fin de journée par Jean Castex lors de sa conférence de presse marquant peu ou prou un an de circulation du covid-19 en France. Les départements concernés : toute l’Ile-de-France (soit huit départements), le Nord et le Pas-de-Calais, l'Oise et la Somme, les Alpes-Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, le Rhône et la Drôme, ainsi que l’Eure-et-Loir. Autant de départements qui "cumulent des indicateurs défavorables" (niveau d’incidence, part de variant supérieure à 50%, pression hospitalière, accélération de la circulation virale).

S'agira-t-il nécessairement des mêmes mesures que celles décidées pour le littoral des Alpes-Maritimes puis pour Dunkerque, à savoir un confinement le weekend se cumulant avec le couvre-feu à 18 heures durant la semaine ? "Si la situation se dégrade encore", oui, elles seront "de même nature", a simplement répondu le Premier ministre sans citer d'autres options. Il est donc trop tôt également pour préjuger des règles qui prévaudront dans le cas d'un tel confinement. Ou du nombre de weekends concernés. Ou encore des possibles déplacements entre départements relevant de régimes différents. On ne sait pas non plus si les annonces seront centralisées ou faites au fil de la semaine par les préfets concernés.

Pour les Alpes-Maritimes, l'ensemble des règles du jeu avaient été précisées dès lundi par le préfet, notamment s'agissant des motifs et conditions de sortie avec attestation (voir notre article du 22 février). Pour Dunkerque, l'annonce faite mercredi par Olivier Véran n'avait ce jeudi soir pas encore donné lieu à précisions officielles. Selon le site service-public.fr, les raisons de sortie jugées valables seront les mêmes à Dunkerque que dans les Alpes-Maritimes : activité professionnelle, achat de produits de première nécessité (donc fermeture des commerces non-alimentaires), motif médical, motif familial impérieux, activité physique individuelle "pour une durée maximale d'une heure et dans un rayon de 5 km". Pour ces deux territoires, la décision porte sur deux weekends, ceux des 27-28 février et des 6-7 mars. Reste dans les deux cas à attendre la publication des arrêtés préfectoraux et la mise à disposition des modèles d'attestation… avant ce vendredi 18 heures.

"Le confinement le week-end est une mesure lourde" mais reste "une mesure intermédiaire, dont nous espérons qu’elle permettra d’infléchir la tendance observée", "une mesure ciblée sur certains territoires (...), pour pouvoir agir vite et fort, là où c’est nécessaire, sans impacter des territoires où l’épidémie recule ou circule moins fortement", a commenté le chef du gouvernement.

En dehors des vingt départements – ou d'une partie d'entre eux – risquant de basculer vers de nouvelles restrictions, pas de perspective de changement. Ni dans un sens ni dans l'autre. Et pour l'ensemble du territoire, Jean Castex n'a pas dit un mot du devenir du couvre-feu à 18 heures initialement décidé pour quinze jours… il y a six semaines. Ni de possibles échéances pour la réouverture des ERP fermés. Le champ de l'enseignement n'a pas non plus été mentionné, que ce soit au sujet de possibles nouvelles adaptations des règles dans les écoles, collèges et lycées à l'issue des vacances d'hiver ou au sujet des universités toujours quasiment fermées.

Certains élus pour "un confinement tout court"

Le Premier ministre avait commencé son allocution en décrivant le contexte : une situation qui "s’est dégradée au cours des derniers jours", avec "hier plus de 30.000 cas positifs, un chiffre que nous n’avions plus atteint depuis novembre dernier". "Après plusieurs mois marqués par un plateau se situant entre 15.000 et 20.000 cas par jour, le virus gagne de nouveau du terrain depuis une semaine", avait-il insisté. Les nouveaux variants représentant désormais la moitié des cas en France.

Il a aussi indirectement répondu à ceux qui "appellent à un confinement dur et immédiat dans l’espoir de nous débarrasser une bonne fois pour toutes du virus". La solution est "loin d’être aussi simple" tranche-t-il. La logique actuelle est de "gagner du temps", a souligné Olivier Véran, présent aux côtés de Jean Castex. Du temps pour laisser la vaccination se déployer (voir encadré ci-dessous), pour renforcer encore le dépistage et pour pouvoir miser sur de nouveaux traitements (avec deux "pistes thérapeutiques intéressantes" en cours d'études cliniques).

Quelques élus n'ont pas tardé à réagir. Dont le maire de Metz, François Grosdidier, qui s'était prononcé à de nombreuses reprises en faveur d'un reconfinement en Moselle : "On est un certain nombre à demander des reconfinements locaux et forts pour appuyer sur le frein parce que toutes les mesures qui ont été prises de couvre-feu, même de couvre-feu avancé, n'ont jamais inversé la tendance". Et l'élu de poursuivre : "Maintenant, on nous déclare simplement que nous sommes dans les vingt départements placés en surveillance. Comme si nous ne l'étions pas précédemment. A Nice, ils ont inventé le confinement de deux jours. Et ça ne sert à rien et ça ne tiendra pas".

La mairie de Paris a quant à elle fait savoir jeudi soir qu'elle compte proposer au gouvernement un confinement de trois semaines dans la capitale. Plutôt qu'un confinement le weekend, une mesure "très contraignante sur le plan de l'impact sociétal et assez peu efficace sur le plan sanitaire", le premier adjoint Emmanuel Grégoire dit en effet préférer "un confinement tout court" de façon à "vraiment redonner de l'oxygène et avoir la perspective dans trois semaines de tout rouvrir", y compris les lieux culturels, tout en conservant des mesures de protection sanitaire. "On ne peut pas s'imposer de vivre dans une semi-prison pendant des mois. Il faut maintenant prendre des décisions courageuses", a déclaré l'adjoint d'Anne Hidalgo sur France-Info. Si la méthode du gouvernement d'engager le dialogue entre préfets et élus locaux "est la bonne", Emmanuel Grégoire estime que "la situation actuelle, qui nous semble un tout petit peu attentiste, est la pire parce que ce sont des demi-mesures". La mairie, également favorable à "un retour au télétravail de façon obligatoire" et à des mesures "ciblées, avec discernement et à durée limitée" vis-à-vis des commerçants, entend faire remonter ses propositions au gouvernement en début de semaine prochaine, après dialogue avec l'Agence régionale de santé (ARS) et la préfecture de police au cours du weekend. Reste à savoir si le confinement proposé par la ville ressemblerait à celui du printemps dernier (donc avec écoles fermées) ou à celui de fin 2020. Et, dans ce deuxième cas, à savoir en quoi il se distinguerait finalement de la formule "confinement le weekend + couvre-feu en semaine" (tout aussi restrictive par exemple pour les personnes travaillant en journée toute la semaine).

Désaccords en vue ?

On comprend donc que de vraies discussions vont avoir lieu localement. Entre l'Etat et les élus... mais aussi très probablement entre les élus eux-mêmes. Cela devrait au moins être le cas pour l'agglomération parisienne. "Prétendre confiner Paris sans tenir compte de ses voisins est un non-sens absolu : le virus ne s'arrête pas aux portes du périphérique !", ont ainsi fustigé les élus parisiens de droite et du centre, qui reprochent à Anne Hidalgo d'avoir fait part de sa proposition "sans aucune concertation, ni avec les maires d'arrondissement, ni avec les élus des communes limitrophes". Et la présidente de région Valérie Pécresse a de son côté qualifié "d'illusions" d'éventuelles décisions sanitaires prises "au niveau départemental en Ile-de-France" : "Comment fait-on dans une région où des millions de personnes prennent les transports en commun tous les jours pour aller travailler et se déplacent quotidiennement d'un département à l'autre ?". Et les échanges se sont poursuivis jusque tard dans la soirée... "Cela n’aurait de sens qu’à l’échelle de l’Ile-de-France (...) ou zone urbaine dense, mais plus difficile à définir, donc implique un dialogue large dans les jours à venir", a ainsi rebondi Emmanuel Grégoire sur twitter. Des discussions entre les élus donc... et entre les préfets de département ?

Jean Castex a pour sa part vanté les mérites de ce choix des "territoires" lors des questions-réponses avec les journalistes. "Certains donnent l'impression que l'on découvrirait les stratégies territorialisées, or celles-ci ont déjà été utilisées", a-t-il rappelé. "On n'est pas tout à fait dans la situation d'octobre dernier lorsqu'il y avait une flambée nationale. C'est ce qui permet ces mesures territorialisées. S'il devait y avoir une nouvelle flambée, cette logique territoriale ne serait plus adaptée", a-t-il prévenu. "Tant qu'on pourra le faire, on le fera", a abondé Olivier Véran. Lequel a relevé que les distinctions pouvaient aussi être infra-départementales, comme en témoignent les cas du Nord (où Lille connaît une incidence douze fois moindre que Dunkerque) et des Alpes-Maritimes (où les nouvelles décisions sont centrées sur les aires urbaines de Nice et de Menton). Et le Premier ministre, tout en estimant que la compréhension collective des décisions a progressé au fil du temps, de pointer l'ambivalence des réactions : "Ou vous faites tout depuis Paris et vous êtes centralisateur, ou vous adoptez des stratégies territoriales et 'ah mais c'est compliqué, on n'y comprend plus rien, ça n'est pas la même mesure qui va s'appliquer dans tel ou tel territoire...'"

Vaccination : quelques repères

  • Fin février, "plus de 4 millions de vaccins auront été administrés à plus de 3 millions de personnes". Soit "près de 80% des résidents d'Ehpad" et "le quart des personnes de plus de 75 ans".
  • Dès maintenant, les généralistes "vont pouvoir vacciner les patients âgés de 50 à 64 ans atteints de comorbidités, soit un objectif de 2,4 millions de personnes".
  • D’ici fin mars, "les deux tiers des personnes de plus de 75 ans seront vaccinées et nous ouvrirons début avril la vaccination aux plus de 65 ans".
  • "A la mi-mai, la totalité des personnes de plus de 50 ans se seront vu proposer la vaccination".

 

 

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