Violences dans les établissements scolaires : le rapport de la commission d'enquête pointe un État "défaillant"

Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les violences dans les établissements scolaires – et notamment l'affaire "Bétharram" – met largement en cause la responsabilité de l'État. Elle formule cinquante propositions pour mettre fin à une "omerta". 

L'État s'est montré défaillant et l'Éducation nationale doit prendre ses responsabilités, pointe le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les modalités du contrôle par l'État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, publié le 2 juillet 2025. Cette commission, créée en mars 2025 à la suite de nombreuses révélations de faits de violences commis à l'encontre d'élèves de l'établissement Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), a élargi le champ de son enquête à l'ensemble des établissements scolaires, publics, privés sous et hors contrat. Car si l'affaire "Bétharram" a donné lieu à ce jour à environ 250 plaintes couvrant la période 1957-2004 et visant au moins vingt-six auteurs présumés, lors de son audition par la commission le 21 mai, Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, a fait état de l'existence de 80 collectifs de victimes impliquant 260 établissements. Dès lors, la commission d'enquête s'est fixé pour objectif d'analyser les ressorts des violences de toutes natures commises par des adultes ayant autorité ou avec leur complicité, à l'encontre d'élèves, en milieu scolaire. Une tâche "inédite", selon les rapporteurs.

"Violences graves, arbitraires et systémiques"

Sur Bétharram, le rapport pointe "des services de l'Éducation nationale ou défaillants ou complaisants", et cela alors même que les services déconcentrés avaient été "manifestement alertés" des violences qui s'y déroulaient. Ses auteurs pointent notamment la responsabilité de l'actuel Premier ministre, François Bayrou – dont des enfants étaient scolarisés dans cet établissement –, lorsqu'ils constatent "qu'à défaut d'action que l'ancien ministre de l'Éducation nationale [1993-1997] et président du conseil général [1992-2001] alors informé avait les moyens d'engager, ces violences physiques et sexuelles sur les élèves de Bétharram ont perduré pendant des années, comme en attestent les nombreuses plaintes déposées par d'anciens élèves pour des faits postérieurs aux années 1990".

Au-delà de ce cas "loin d'être unique", le rapport fait état pour d'autres établissements de "violences graves, arbitraires et systémiques" ou encore de "violences institutionnalisées sous prétexte d'excellence pédagogique". À propos du village d'enfants de Riaumont, à Liévin (Pas-de-Calais), par exemple, il déplore "un État passif face à un établissement scolaire hors de contrôle".

Des contrôles "quasi inexistants"

Si les rapporteurs soulignent la "persistance préoccupante de violences dans l'enseignement privé, notamment catholique", ils évoquent pour l'enseignement public "des violences encore invisibilisées" ainsi que "des données confidentielles et parcellaires" qui aboutiraient à "des statistiques probablement très en-deçà de la réalité". 

Mais qu'il s'agisse d'enseignement public ou privé, le rapport pointe avant tout un "un État défaillant", des contrôles "quasi inexistants" et "une prévention lacunaire". Selon une note de la direction des affaires financières du ministère de l'Éducation nationale mentionnée dans le rapport, seuls douze contrôles administratifs ont été menés durant la période 2017-2023 dans sept académies totalisant près de trois mille établissements privés sous contrat.

"Répression" contre les lanceurs d'alerte

Sur la prévention, le rapport fustige en particulier "des disparités importantes entre le public et le privé en matière de contrôle de la capacité et de l'honorabilité" et juge les contrôles "insuffisants pour les personnels de droit privé, en particulier dans les établissements sous contrat". D'une manière plus générale, il déplore "des personnels insuffisamment formés, notamment au repérage des violences et à l'accueil de la parole", le tout alors que des signalements sont "insuffisamment pris en compte" et que certains lanceurs d'alerte ont fait l'objet d'une "répression", ce qui "contribue assurément à étouffer les signalements et, finalement, à entretenir l’omerta".

Si, in fine, le rapport met en avant la "nécessité pour l'Éducation nationale de prendre ses responsabilités" face aux cas de violences potentiels ou avérés, ses quelque cinquante recommandations vont bien au-delà. Un premier axe préconise de reconnaître les victimes de violences commises en milieu scolaire. On en retient notamment l'idée de reconnaître la responsabilité de l'État dans les violences commises sur des enfants dans les établissements scolaires et de créer un fonds d'indemnisation de ces victimes, mais aussi celle visant à prolonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation pour les faits de violences volontaires commis sur un mineur.

Interdire tout châtiment corporel

Le deuxième axe comprend quatorze préconisations pour protéger les élèves, dont la première consiste à inscrire dans la loi l'interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l'égard des enfants.  On y relève aussi celle visant à procéder à un contrôle de l'honorabilité de l'ensemble du personnel et bénévoles des établissements scolaires publics et privés au moment de leur recrutement puis tous les trois ans. 

Le troisième axe regroupe des recommandations visant à soutenir les personnels pour lutter contre les violences en milieu scolaire et à structurer une "culture du signalement", laquelle passerait par une formation initiale et continue de l'ensemble des personnels de tous les établissements et par la mise en place d'une cellule nationale (Signal Éduc) afin de recueillir des signalements de violences commises par des adultes à l'école.

Des rapports de contrôle adressés aux collectivités

Le quatrième axe entend "lever le tabou des contrôles de l'État sur les établissements privés sous contrat". Pour cela, les rapporteurs souhaitent confier à la direction générale de l'enseignement scolaire les mêmes missions, s'agissant des établissements privés sous contrat, que celles qui lui sont confiées pour les établissements publics, instituer au moins un contrôle complet des établissements privés tous les cinq ans, et intégrer des mesures de prévention et de lutte contre les violences physiques et sexuelles dans les clauses des contrats liant les établissements privés à l'État.

Enfin, le cinquième et dernier axe, de loin le plus fourni avec seize recommandations, entend "refonder les inspections pour garantir la protection des élèves". Il insiste sur différents points de procédure, et en particulier une systématisation du caractère inopiné des enquêtes administratives et sur une diffusion, également systématique, d'un appel à témoins lors des enquêtes administratives. On y remarque encore la volonté de graduer les sanctions selon les manquements constatés, depuis la publication du rapport d'inspection jusqu'à la fermeture administrative. 
En outre, il est demandé que le recteur puisse proposer au préfet de fermer un établissement. Par ailleurs, la commission souhaite que les rapports de contrôle soient adressés à l'ensemble des membres du conseil d'administration de l'établissement et aux membres des commissions compétentes des conseils élus des collectivités territoriales contributrices.

 

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