Crise politique : les intercommunalités, lieux de consensus, se posent en exemple
La crise politique s'est nécessairement invitée dans les débats de la 35e convention nationale des Intercommunalités de France qui a lieu jusqu'au 10 octobre à Toulouse sur le thème "Des ruralités aux métropoles, faire France ensemble". Elle se traduit d'abord concrètement par l'absence d'interlocuteurs gouvernementaux à ce rendez-vous qui réunit quelque 2.000 élus et techniciens de l'intercommunalité. Les élus ont en outre voté une motion appelant les responsables nationaux à dégager un compromis, en s'inspirant de l'expérience intercommunale. L'imminence de la présentation d'un projet de budget conduit les responsables de l'association à réitérer leur opposition aux mesures d'économies qui avaient été annoncées cet été par François Bayrou.

© T.Beurey/ Sébastien Miossec, Sébastien Martin et Virginie Lutrot
A moins de six mois des élections municipales, la 35e convention nationale des Intercommunalités de France, qui se tient du 8 au 10 octobre à Toulouse, aurait été en temps normal un lieu de passage de plusieurs ministres. Mais les ministres démissionnaires d'un gouvernement qui a tenu moins d'une journée sont logiquement aux abonnés absents. La situation ne fait que refléter le vide politique dans lequel se trouve la France et qui inquiète vivement les présidents d'intercommunalité. Ils l'ont exprimé haut et fort dans une motion votée à l'unanimité, lors de l'assemblée générale qu'ils ont tenue au premier jour de la convention, ce 8 octobre. Les conséquences seront "lourdes pour les Françaises et les Français qui attendent impatiemment une résolution de cette crise", avertissent-ils.
Les élus locaux eux-mêmes "ont besoin d'interlocuteurs" côté État et pas seulement des directeurs d'administration centrale, a souligné Virginie Lutrot, première vice-présidente d'Intercommunalités de France, lors d'une conférence de presse.
"On construit des convergences"
Dans leur motion, les élus intercommunaux "demandent donc solennellement aux responsables politiques nationaux de se mettre autour de la table", afin de "trouver la voie du compromis". Et ce, en s'inspirant des intercommunalités, qui "parviennent à construire les consensus qui dépassent les clivages politiques" existant entre les maires.
"L'intercommunalité est un espace politique positif, loin de l'ambiance où surabondent les clivages, les conflits, c'est un espace politique apaisé où l'on construit des convergences (...) au lieu d'exacerber les différences", a appuyé le maire DVD de Toulouse Jean-Luc Moudenc, en ouverture du congrès.
"L'attelage idéal" serait de "trouver" pour Matignon "une personnalité avec un profil un peu hors vie partisane telle qu'on la connaît" et "des ministres avec un peu de sens politique", a estimé Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, devant des journalistes.
L'actualité politique a donc télescopé le rendez-vous annuel des Intercommunalités et certains événements figurant au programme de ce dernier ont pu être vus par ce prisme. Comme l'intervention devant les congressistes, ce jeudi en fin de journée, de Jean-Louis Borloo, ancien ministre, sachant que des médias l'ont présenté comme un potentiel successeur de Sébastien Lecornu à Matignon.
Budget 2026 : les mesures de François Bayrou étaient "confiscatoires"
Cette prise de parole de l'ancien président de l'UDI sur "la République fédérale à la française" avait fait l'objet de discussions dès "vendredi dernier" (3 octobre) entre l'entourage de l'intéressé et la déléguée générale d'Intercommunalités de France, Élodie Jacquier-Laforge. C'était donc avant la démission, le 6 octobre, de Sébastien Lecornu. La participation de Jean-Louis Borloo à la convention d'Intercommunalités de France "n'est pas un coup de com", mais "une coïncidence", a tenu à souligner Sébastien Martin.
Le suspens concernant le nom du prochain Premier ministre pourrait toutefois ne pas durer. Et si tel était le cas, ce dernier pourrait présenter in extremis un projet de budget pour 2026 (on sait en tout cas que Pierre Moscovici, en tant que président du Haut conseil des finances publiques, prévoit de présenter dès ce lundi 13 octobre l’avis de l'instance relatif au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale). Une copie sur laquelle on sait peu de choses au sujet des finances des collectivités locales. Si les mesures mises sur la table mi-juillet par François Bayrou pour ponctionner au total 5,3 milliards d'euros sur le secteur public local, devaient y prendre place, elles mécontenteraient évidemment très fortement les élus locaux. Le plan de l'ex-Premier ministre est "inéquitable" et "confiscatoire" à l'égard des collectivités locales, a une nouvelle fois dénoncé le président d'Intercommunalités de France. En expliquant qu'il est "le meilleur moyen de tuer l'investissement local. "Quand l'investissement privé est au ralenti", comme actuellement, "cela revient à tuer la croissance", a-t-il ajouté.
Les intercommunalités en particulier sont appelées à payer un lourd tribut. Leur contribution serait "deux fois plus élevée que la moyenne des contributions des autres niveaux de collectivités, sans qu'il y ait une justification", grince Sébastien Miossec.
"Donnant-donnant"
Intercommunalités de France n'est cependant pas opposée à une participation des intercommunalités – et plus généralement des collectivités - à la maîtrise des finances publiques. "On a conscience que les comptes de la Nation sont dans le rouge et que l'on a une communauté de destin avec l'État", affirme le président délégué de l'association. Mais la contribution des collectivités doit être "proportionnée" et, par ailleurs, s'accompagner, côté État, d'un "effort de simplification des politiques publiques" et de l'instauration d'un "moratoire" sur les nouvelles normes s'appliquant aux collectivités, insiste-t-il. Le président de Quimperlé communauté met aussi en avant le souhait que les collectivités aient davantage de visibilité sur leurs finances, via une "trajectoire pluriannuelle" et la restauration d'une "véritable autonomie fiscale".
Mais il est peut-être illusoire dans le contexte actuel d'espérer de telles contreparties, se désole Virginie Lutrot. Avec un gouvernement "fragile" ou "technique", "les réformes structurelles" ne seront en effet "pas à l'ordre du jour".
63% des Français opposés aux "mesures budgétaires imposées aux collectivités"Dans leur bataille pour l'atténuation de la contribution des collectivités à la réduction du déficit public, les élus locaux peuvent compter sur le soutien de l'opinion publique. C'est l'un des grands enseignements que l'on peut retenir d'un sondage de l'Ifop pour Intercommunalités de France, dévoilé ce 9 octobre. 63% des 2.000 personnes d'au moins 18 ans interrogées en ligne du 10 au 12 septembre désapprouvent "les mesures budgétaires imposées par le gouvernement aux collectivités locales". "Le gouvernement a annoncé, le 15 juillet, une baisse de 5,3 milliards d’euros du budget alloué aux collectivités territoriales", était-il rappelé par l'institut au moment où les personnes étaient interrogées. Parmi elles, 36% ne soutiennent "pas du tout" ce plan d'économies. 27% les désapprouvent "plutôt", tandis que 21% donnent leur assentiment à ces mesures. Enfin, 16% des personnes sondées ne se prononcent pas sur la question. 85% des personnes interrogées jugent "prioritaires" les enjeux de maîtrise de la dépense publique et de réduction de la dette publique, mais pour 91%, les économies doivent d'abord provenir de l'État. La réduction des dépenses sociales et celle concernant les dépenses des collectivités locales apparaissent moins "prioritaires" aux yeux des Français : respectivement 52% et 47% la qualifient de telle. Dans le même temps, à l'échelle de leur commune ou de leur intercommunalité, 47% des personnes répondantes préfèrent que les impôts et prélèvements diminuent "quitte à réduire les prestations fournies par les services publics locaux". Ceux qui se disent prêts à une augmentation des impôts et prélèvements pour améliorer les services publics locaux sont eux 33%. Entre le gouvernement et les collectivités locales, en qui les personnes sondées ont-elles le plus confiance pour "bien gérer les finances publiques" ? Celles-ci répondent les collectivités à 44% et le gouvernement à 22%. A noter, le fort pourcentage de personnes ne se prononçant pas (34%). Mais "pour apporter de la stabilité au pays", les proportions de répondants sont identiques (33% font confiance au gouvernement, 33% préférant accorder leur confiance aux collectivités et 34% déclarent ne pas savoir). |