Adaptation au changement climatique : au moins 2,3 milliards d’euros de financements supplémentaires à prévoir par an, estime I4CE

Au moins 2,3 milliards d'euros de financements supplémentaires par an sont nécessaires dès le prochain projet de loi de finances pour s'adapter aux conséquences du changement climatique, estime le groupe de réflexion I4CE dans une étude publiée ce 23 juin. 18 mesures sont proposées, déclinées en trois grands chapitres : financer des postes d'animation et de pilotage de la politique d'adaptation, pérenniser et revoir à la hausse les moyens des politiques y contribuant, engager des enveloppes dédiées pour le financement de première initiatives "sans regrets" déjà mûres. Parmi les propositions qui nécessiteraient le plus de moyens budgétaires : la construction durable, la lutte contre l'effet d'îlot de chaleur urbain, la protection de la ressource en eau ou encore la réduction de la vulnérabilité des réseaux.

Au bas mot, l'adaptation au changement climatique devrait nécessiter 2,3 milliards d'euros par an à prévoir dès le prochain projet de loi de finances : c'est le chiffrage auquel est parvenu le groupe de réflexion Institute for Climate Economics (I4CE) dans une étude publiée ce 23 juin. "Pour l'instant on n'est pas prêts et notamment au niveau du financement" des mesures d'adaptation, relève Benoît Leguet, directeur général d'I4CE. L'adaptation "en général, c'est oublié, et le financement passe de la même façon au second plan", a-t-il regretté lors d'une présentation. Car si "c'est bien d'avoir des objectifs climatiques, c'est encore mieux si ces objectifs sont assortis d'un plan de financement pour accompagner les acteurs qui vont faire cette transition".

Trois grands chapitres à décliner

L'étude définit ainsi 18 mesures, déclinées en trois grands chapitres : le financement de postes pour "améliorer l'animation et le pilotage de la politique d'adaptation" aux niveaux national, régional et local, pour un montant global de 250 millions d'euros (dont 7,6 millions d'euros à prévoir pour les régions et 90,7 millions d'euros pour les EPCI) ; le renforcement des services contribuant déjà à l'adaptation (protection civile, fonds national de prévention des risques naturels majeurs, politique de santé, gestion quantitative de l'eau...), pour 540 millions d'euros ; des financements dédiés pour des actions "sans regret", autrement dit des projets "déjà mûrs", notamment pour réduire la vulnérabilité des réseaux d'infrastructures, transports en tête, financer la recomposition spatiale et la transformation économique (littoral, montagne, aménagement urbain) ou prendre en compte l'évolution du climat dans les constructions neuves, pour un total de 1,5 milliard d'euros.

Budgets allant jusqu'à 500 millions d'euros en plus par an

Leurs 18 propositions vont de budgets relativement modestes, comme un "programme national exploratoire de santé publique pour anticiper et prévenir les risques climatiques (recherche, campagnes de prévention, renforcement de la veille sanitaire)", chiffré à 2,5 millions d'euros, à des enveloppes de centaines de millions. Une "enveloppe annuelle de soutien à l'extension des bonnes pratiques d'adaptation en ville" pour lutter contre l'effet d'îlot de chaleur urbain est ainsi évaluée à 500 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 18 millions d'euros pour équiper les programmes de renouvellement urbain existants de moyens d'ingénierie leur permettant d'intégrer l'adaptation à la conception des opérations qu'ils soutiennent. Les surcoûts dans les constructions futures "des bâtiments d'enseignement et de recherche" sont eux aussi chiffrés à 500 millions d'euros tandis que les moyens d'animation, de sensibilisation et de recherche appliquée en matière d'adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur, notamment, devraient être renforcés de 31 millions d'euros. Certains des investissements serviront à faire face à une "augmentation des risques" déjà existante, comme l'extension géographique et saisonnière des feux de forêt, qui va nécessiter plus de fonds pour les services de secours pour maintenir le même niveau d'efficacité, relèvent les auteurs qui chiffrent ce besoin de hausse des crédits à 115 millions d'euros.
Une première enveloppe de 325 millions d'euros devrait en outre être consacrée à des actions ciblées pour traiter "les points critiques de vulnérabilité" sur les réseaux de transport. 15 millions d'euros supplémentaires pourraient permettre de doter les gestionnaires d'infrastructures et leurs autorités régulatrices des moyens de connaître leurs vulnérabilités et de piloter l'adaptation, notamment au sein de la gestion patrimoniale des réseaux et 1,7 million d'euros de mettre en place et animer une instance de coordination des gestionnaires d'infrastructures. L'étude préconise aussi la création d'un fonds d'aide à la recomposition du littoral doté de 150 millions d'euros et invite à pérenniser la part Etat du fonds "Avenir Montagne Investissement" tout en incitant les régions à faire de même, pour aboutir à un total de 150 millions d'euros par an d'investissements fléchés vers les projets contribuant à l'adaptation.

"Besoin de portage interministériel de haut niveau"

"A court terme, il faut s'assurer que le sujet de l'adaptation bénéficie d'un portage interministériel de haut niveau", si possible à Matignon, et des moyens humains et financiers, souligne Morgane Nicol, une des auteurs du rapport. Il importe que "les nouveaux investissements soient adaptés, notamment les décisions qui engagent des montants à venir bien plus importants que ces 2,3 milliards" d'euros, insiste un autre des auteurs de l'étude, Vivian Dépoues. Mais cette vision prospective visant à "des transformations plus structurelles" devra faire l'objet de débats permettant des "priorisations et arbitrages politiques", sur les "niveaux de robustesse" requis des infrastructures par exemple ou encore des grands systèmes socio-économiques, agriculture ou tourisme par exemple.