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Airbnb, Booking et nouveaux acteurs du tourisme : le Sénat veut une régulation "équilibrée et efficace"

Viviane Artigalas, sénatrice (Socialiste) des Hautes-Pyrénées, et Patricia Morhet-Richaud, sénatrice (LR) des Hautes-Alpes, ont remis, le 5 juillet, leur rapport d'information intitulé "Airbnb, Booking... : pour une régulation équilibrée et efficace". Présenté au nom du groupe "Tourisme" de la commission des affaires économiques du Sénat, ce rapport prend acte que "le marché de l'hébergement touristique a été profondément transformé par les plateformes en ligne", en l'occurrence les plateformes de locations touristiques meublées et celles de réservation hôtelière, dont les modèles dominants sont respectivement Airbnb et Booking.
Le rapport entend aussi "évaluer l'application des dispositions adoptées en vue de répondre aux problèmes posés par ces transformations".

Un bilan positif pour l'encadrement des plateformes de réservation hôtelière

Sur le constat, le rapport s'efforce d'adopter une approche objective entre avantages et inconvénients. Il rappelle par exemple que les plateformes de réservation hôtelière ont donné davantage de visibilité à l'offre des établissements, même si les marges demandées par ces plateformes pèsent sur la profession (à hauteur de 4 ou 5% du chiffre d'affaires). Surtout, la concentration des acteurs - du moins en France où Booking représente 60 à 70% du marché - ne laisse pas de marge de négociation aux professionnels de l'hôtellerie.
Le rapport estime néanmoins que l'intervention du législateur pour imposer le contrat de mandat et interdire les clauses de parité tarifaire "a rendu aux hôteliers leur pleine liberté de pratiquer des prix différents sur l'ensemble de leurs canaux de distribution". Il considère que "le bilan de ces dispositions apparaît globalement satisfaisant".

Les meublés touristiques ont aussi des avantages

Côté plateformes de location touristique, le rapport estime que les meublés qu'elles proposent constituent une "nouvelle offre d'hébergement touristique bienvenue pour l'attractivité du pays, alors que le gouvernement s'est fixé pour objectif d'accueillir 100 millions de touristes étrangers en 2020". Revers de la médaille, dans les zones tendues, ces locations touristiques peuvent entraîner une raréfaction des logements proposés dans le cadre du marché locatif traditionnel, ainsi qu'une augmentation des loyers.
Mais, là aussi, le législateur est intervenu pour "permettre aux territoires concernés de réguler l'offre là où elle entraîne des effets particulièrement négatifs". En outre, l'article 51 du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) prévoit de clarifier et de renforcer ces dispositions.

Des propositions en demi-teinte

Face à un constat considérant que la France s'est finalement dotée d'un cadre législatif et réglementaire plutôt efficace, on ne s'étonnera pas que le rapport apparaisse relativement en retrait dans la vingtaine de propositions qu'il formule.
Sur les plateformes de réservation hôtelière, il se contente d'appeler les autorités de régulation au maintien de leur vigilance sur ce secteur et à la poursuite de la sensibilisation des professionnels et des consommateurs sur les avantages de la réservation directe.
Les propositions sont nettement plus nombreuses vis-à-vis des plateformes de location touristique, mais restent très mesurées. Elles consistent, pour la plupart, à accompagner et évaluer des mesures déjà déployées ou décidées.

Vers une charte des relations entre les plateformes et les collectivités ?

On retiendra néanmoins que le rapport propose d'"établir un lien de confiance, à travers la rédaction, par les représentants des plateformes, des associations d'élus et des administrations centrales, d'une charte des relations entre les plateformes et les collectivités, qui pourrait déterminer des principes d'ordre pratique à respecter pour une mise en œuvre efficace et simple des dispositions en vigueur".
Le rapport préconise aussi "une nécessaire actualisation de la réglementation touristique". Celle-ci pourrait passer notamment par le rétablissement de la "déclaration simple" en mairie pour les meublés de tourisme, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, "en vue de permettre aux collectivités de mettre en place une politique de qualité sur les meublés de tourisme".
Enfin, le rapport préconise d'actualiser les dispositions réglementaires applicables aux locations saisonnières - qui remontent à 1967 - et de réviser les critères de classement des meublés de tourisme.
 

L'amende pour location touristique abusive ne porte pas atteinte au droit de propriété

Dans une décision du 5 juillet 2018, la Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en considérant, selon la formule établie, "que la question posée ne présente pas un caractère sérieux". En l'occurrence celle-ci émanait d'un propriétaire parisien poursuivi pour avoir abusé de la location de son bien à des fins touristiques. Ses avocats faisaient valoir que l'amende de 50.000 euros prévue en cas de changement d'usage, sans autorisation, d'un local meublé destiné à l'habitation était disproportionnée et attentatoire au droit de propriété.
La Cour de cassation écarte cet argument, en considérant que "le grief tiré d'une atteinte au droit de propriété apparaît inopérant, ensuite, est en lien direct avec l'agissement fustigé et ne paraît pas manifestement disproportionnée au regard de celui-ci et de l'objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location dans certaines zones du territoire national, lequel constitue un motif d'intérêt général".
En outre, l'astreinte, susceptible d'être prononcée jusqu'à la cessation de ces locations de courte durée, n'est pas une sanction et n'a donc pas à être soumise au principe de proportionnalité des peines.
Pour mémoire, la loi prévoit que "le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage" du local. Or celui-ci est soumis à autorisation préalable dans les communes de 200.000 habitants, ainsi que dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.