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Décentralisation - Alain Rousset : "Nous serons loyaux et exigeants"

Les régions ont présenté leurs propositions pour un nouvel acte de la décentralisation, mercredi, au Palais d'Iéna. Elles précisent notamment le rôle qu'elles entendent jouer au sein de la future banque publique d'investissement et leurs propositions de nouvelles recettes. Le ton est à la coopération avec l'Etat, et à la compréhension en matière de gel des dotations...

Autre temps, autres mœurs... "Les régions n'ont jamais été dans l'incantation. Le rapport de la Cour des comptes estime qu'il faut faire 30 milliards d'économies. Ce que nous réclamons c'est de la clarification et une ressource fiscale pérenne et dynamique." Alors que le gouvernement a confirmé, mercredi, le gel des dotations des collectivités pendant cinq ans, le président de l'Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, se montre compréhensif. Il y a deux ans, l'ARF n'avait pourtant pas hésité à menacer de saisir le juge administratif contre la décision du précédent gouvernement de geler ces dotations. "L'asphyxie financière liée au gel des dotations de l'Etat pour les trois années à venir", aboutit "à supprimer le modèle économique des régions", pouvait-on même lire dans le projet d'acte III de la décentralisation présenté en novembre 2011, lors du dernier congrès de l'association à Tours… "Nous serons loyaux et exigeants à l'égard du gouvernement", a déclaré Alain Rousset, mercredi, en présentant dans l'enceinte du Cese (Conseil économique, social et environnemental) les nouvelles propositions des régions dans le cadre de la future loi de décentralisation. Entouré de plusieurs présidents de région, dont Philippe Richert, le président de l'Alsace (seul président de droite), le patron de l'ARF a salué les "promesses extrêmement fortes" du président de la République en matière de décentralisation tout en mettant en garde contre les "tentations centralisatrices" de l'appareil d'Etat.

Banque publique d'investissement

Décentraliser, c'est "régionaliser la France", "libérer les initiatives locales",  "assurer une répartition clarifiée par grands blocs de mission" et "remettre à plat les finances locales", peut-on lire en préambule de ce nouveau texte intitulé "Les régions au cœur du nouvel acte de la décentralisation" (il avait été décidé à Tours ne plus parler de "troisième acte", ce qui aurait mis au même plan les lois Deferre de 1982 et la loi Raffarin de 2004).
La "décentralisation est la mère des réformes", a martelé Alain Rousset. "Nous ne réclamons pas d'autres compétences que celles que nous exerçons aujourd'hui, mais disons que cet aboutissement c'est la logique, l'efficacité et plus d'économie." Les régions réclament un pouvoir normatif délégué qui passerait par une loi cadre. Elles se verraient chargées d'élaborer un "projet de territoire" définissant les grandes orientations stratégiques de moyen terme pour son développement et son aménagement.
Au rang des compétences, les régions demandent de "compléter le bloc faisant système", allant "de la formation initiale jusqu'à la recherche, en passant par la formation continue, le développement des entreprises, et le soutien à l'innovation". La grande nouveauté est bien sûr le projet de Banque publique d'investissement qui devrait voir le jour d'ici la fin de l'année. François Hollande "a promis que la BPI serait régionalisée, nous attendons qu'elle le soit. J'ai rencontré le ministre de l'Economie hier, nos contacts vont dans ce sens", a assuré Alain Rousset. Les régions demandent à être représentées dans les instances de gouvernance nationale de la BPI et à être "parties prenantes dans la définition de sa doctrine d'investissement et dans les décisions d'investissement prises au niveau national". Au niveau régional, elles présideraient "un comité d'orientation de la plateforme de la BPI" et participeraient "aux décisions d'investissement pour déployer les stratégies régionales de développement économique". Elles animeraient enfin la coordination de la BPI régionale avec les fonds d'investissements et les réseaux bancaires. "Le redressement productif passera par les régions", a insisté le président des régions, ancien porte-parole du "pacte productif" de François Hollande pendant la campagne. 

Ressources propres

Au-delà du développement économique, "les régions souhaitent être le pilote dans le service public de l'emploi mais aussi présider un service de l'orientation et de la formation, c'est la continuité", a ajouté Alain Rousset. "Il faut que l'Etat nous transfère ce qu'il gère encore en matière de formation professionnelle et d'apprentissage." Les régions élaboreraient ainsi un "schéma régional prescriptif de l'accueil, de l'information, de l'orientation et de l'accompagnement pour l'ensemble des publics et tout au long de la vie". Elles mettraient en place un service public régional de la formation tout au long de la vie et élaboreraient un plan régional des formations tout au long de la vie, à caractère prescriptif. "Nous souhaitons que la région soit le décideur ultime de ce plan de formation professionnelle", a précisé Alain Rousset, alors qu'à l'heure actuelle il fait l'objet d'un contrat cosigné par le préfet. Les régions revendiquent aussi un pouvoir d'expérimentation, notamment en matière d'insertion des chômeurs.
De manière générale, les régions souhaitent que tous les documents de planification de portée régionale, comme le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddt) ou les schémas régionaux des infrastructures et des transports (Srit), soient rendus prescriptifs, et donc opposables à tous les documents de planification et d'urbanisme locaux.
Selon Alain Rousset, si "la répartition des compétences est la question numéro 1, l'aspect financier n'est pas second, mais il en est la conséquence". Sa solution pour faire des économies : supprimer les doublons de fonctionnaires entre Etat et régions… Mais les régions, qui ont mal vécu la réforme de la taxe professionnelle et qui sont mises au régime sec par l'Etat jusqu'en 2017, appellent "une réforme de leur panier de recettes". Et des ressources propres. "Les nouvelles assiettes fiscales devront entretenir un lien étroit avec les compétences des régions", soulignent-elles. Au menu : de nouvelles impositions sur les transports, l'apprentissage et le numérique… En matière de transport, deux pistes sont évoquées : une extension du versement transport ou une nouvelle contribution des sociétés d'autoroutes. Les régions souhaitent également percevoir l'intégralité des ressources liées à l'apprentissage et proposent la création d'une taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécoms. Les entreprises seront donc mises à contribution. "Les régions reversent deux fois plus aux entreprises que ce qu'elles prélèvent, a justifié Alain Rousset. C'est un dispositif vertueux."
 

 

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