Apprentissage : certaines formations devront "faire la preuve de leur utilité économique"
Le gouvernement a présenté, lundi 28 avril, une feuille de route visant à "adapter l’appareil de formation professionnelle aux besoins de l’économie". L'un des enjeux est la réforme du financement de l'apprentissage qui devrait être détaillé ce mercredi. "Certaines formations doivent être moins financées et devront faire la démonstration de leur utilité économique, tandis que d’autres doivent être encouragées pour correspondre aux besoins de l’économie", prévoit la feuille de route.

© Eric TSCHAEN-REA/ Élisabeth Borne et Astrid Panosyan-Bouvet
Les mauvais chiffres du chômage et la situation budgétaire poussent le gouvernement à revoir sa politique de formation professionnelle. Trois ministres – Élisabeth Borne, Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet – ont présenté en conseil des ministres, lundi 28 février, une feuille de route visant à "adapter l’appareil de formation professionnelle aux besoins de l’économie". Officiellement, il s’agit de "répondre aux nouveaux enjeux liés aux grandes transitions numériques, environnementales, démographique et industrielles que nous connaissons". Les ministres entendent agir sur les deux côtés du spectre du chômage : l’insertion des jeunes et le chômage de longue durée "particulièrement en fin de carrière" (voir aussi notre article de ce jour). Sans oublier les reconversions professionnelles qui, avec les nombreux plans sociaux en cours, deviennent un enjeu national. Mais l’objectif de cette feuille de route est aussi de trouver des économies.
Si la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis "une révolution de l’apprentissage", elle reste "incomplète", estiment les ministres, qui proposent de "mieux flécher" les financements sur les besoins en compétences et les métiers en tension. Elles soulignent à cet égard qu’en 2024, "480.000 postes sont restés vacants, alors même que 28% des entreprises du bâtiment et 12% des entreprises industrielles ont été contraintes de ralentir leur activité, sans compter les restaurateurs, faute de pouvoir recruter suffisamment de personnel".
Financement des CFA
L’apprentissage, qui a connu un décollage sans précédent avec la réforme de 2018 et le coup de pouce des aides post-Covid est victime de son succès. Le nombre de contrats dans le public et le privé est passé de 294.800 avant la réforme à 878.000 l’an dernier, occasionnant une envolée des coûts. Après avoir taillé dans les primes à l’embauche (ramenées progressivement de 8.000 à 6.000 puis 5.000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 2.000 euros pour toutes les autres (voir notre article du 24 février), le gouvernement entend désormais s’attaquer à la réforme du financement des centres de formation des apprentis (CFA). Il souhaite introduire "une logique de priorisation des financements en fonction des besoins en compétences". "Ainsi, certaines formations doivent être moins financées et devront faire la démonstration de leur utilité économique, tandis que d’autres doivent être encouragées pour correspondre aux besoins de l’économie", précise la communication. Il est aussi question de promouvoir l’apprentissage dans les premiers niveaux de qualification, en lien avec la réforme des lycées professionnels, et dans la carte des formations de l’enseignement professionnel, élaborées avec les régions.
Les ministres appellent à poursuivre la réforme des lycées professionnels engagée en 2023 par le président de la République : de nouvelles formations vers des métiers porteurs doivent ouvrir (avec des financements de France 2030, des régions et des entreprises), quand d’autres moins prometteuses devront fermer.
Résorber la fracture territoriale de l'enseignement supérieur
Le gouvernement entend aussi territorialiser l’offre de formation de l’enseignement professionnel supérieur. Un domaine où "la fracture territoriale constitue un frein majeur à l'adéquation entre les compétences disponibles et les besoins économiques locaux". Il souhaite "renforcer la gouvernance partenariale territoriale en associant pleinement les acteurs locaux aux décisions stratégiques concernant l'offre de formation des universités". Les collectivités seront ainsi associées aux nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) signés entre l’État et les universités. Ce qui a pour but de proposer une offre adaptée aux bassins d’emploi. La négociation de ces nouveaux COMP est lancée dès 2025 dans dix universités des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle-Aquitaine, avant une généralisation en 2026.
La feuille de route prévoit par ailleurs de remettre à plat la certification de formations "Qualipoli" qui n’a pas tenu ses promesses et de rénover le compte personnel de formation (CPF) dans des parcours "coconstruits" entre l’entreprise et les salariés. "Le CPF reste l’outil du droit individuel à la formation, mais les salariés, les entreprises, les branches et les collectivités territoriales peuvent l’inscrire dans une logique plus collective." Enfin le plan d’investissement dans les compétences (PIC) pour les demandeurs d’emploi lancé 2018, récemment critiqué dans un rapport d’évaluation (voir notre article du 10 avril), va lui aussi devoir corriger le tir : "Les conventions financières en cours de négociation avec les régions intégreront une plus forte priorisation vers les métiers en tension."
Risque de casser la dynamique de l'apprentissage
La réforme du financement de l’apprentissage constitue la "première brique" de la feuille de route et sera effective "à l’été". Elle sera suivie d’une "stratégie commune sur l’emploi des jeunes". Dès mercredi, la ministre chargé du travail et de l'emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, doit détailler aux partenaires sociaux les pistes de réforme. Outre le fléchage sur les formations porteuses, elle envisagerait, selon Les Echos, d’introduire un "reste à charge employeur" de 750 euros pour toute embauche d’un apprenti de niveau bac+3 et plus à compter du 1er juillet. Cette option risquerait de "casser la dynamique et d’impacter négativement l'emploi des jeunes", prévient la CPME, dans un communiqué. La confédération propose une solution qu’elle juge "équilibrée" : "que cet éventuel reste à charge soit restitué aux entreprises qui recrutent définitivement leur apprenti à l’issue de la formation". Car "les PME qui font l’effort de transformer un contrat d’apprentissage en un emploi durable doivent être encouragées, et non pénalisées", soutient-t-elle.