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Grande conférence sociale - Apprentissage, emploi, investissements... ce qu'il faut retenir des annonces de Manuel Valls

L'apprentissage, en perte de vitesse depuis deux ans, était au centre de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014. Le gouvernement a décidé de réinstaurer une prime de 1.000 euros par apprenti pour les entreprises dans les secteurs où un accord de branche a été conclu. Satisfaite de cette "prise de conscience", l'ARF s'inquiète d'un "détricotage" de la fraction régionale de la taxe d'apprentissage qui vient tout juste d'être instituée.

Marquée par le boycott de trois syndicats - Force ouvrière, CGT et FSU -, la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, troisième du genre, a donné lieu à une série d'annonces compilées dans une feuille de route (voir document ci-contre), notamment dans le cadre de l'apprentissage, l'un des sujets centraux de ces journées.
"L'évolution récente est préoccupante. C'est bien sûr avant tout un reflet de la conjoncture générale de l'emploi, mais sans doute pas seulement. Nous ne devons pas accepter cette régression. Il nous faut agir", a reconnu Manuel Valls, dans son discours de clôture le 8 juillet. Dans ce but, le Premier ministre a annoncé que 200 millions d'euros supplémentaires seront dégagés dès la semaine prochaine, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Une somme qui sera destinée, en premier lieu, à la mise en place d'une prime de 1.000 euros par apprenti (premier apprenti recruté) pour les entreprises dans les secteurs professionnels où un accord de branche aura été conclu. C'est donc un revirement pour le gouvernement qui venait de supprimer l'indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) pour les entreprises, dans le cadre de la loi de finances pour 2014 (avec le maintien toutefois d'une prime spécifique pour les entreprises de moins de onze salariés)… Une façon aussi de répondre aux demandes des responsables du Medef, qui quelques jours avant la conférence avaient proposé un dispositif "zéro charge" pour développer l'apprentissage. Reste à savoir à quelles entreprises la prime sera destinée. "Cela n'a pas été précisé, explique-t-on à l'Association des régions de France (ARF). Le plus pertinent serait de cibler les entreprises qui n'ont pas de salarié pour les aider à se développer et à embaucher un apprenti."
De son côté, la CGPME a salué ce "virage réaliste" du gouvernement, regrettant toutefois que la prime soit soumise à la conclusion d'un accord de branche, "ce qui rend sa mise en oeuvre improbable avant la prochaine rentrée", a ainsi souligné la confédération, dans un communiqué publié le 9 juillet.

Détricoter la fraction régionale de la taxe d'apprentissage

Une partie des 200 millions d'euros permettra aussi de dégager des moyens supplémentaires pour le développement quantitatif et qualitatif de l'apprentissage. Le gouvernement entend ainsi stabiliser "la répartition de la taxe d'apprentissage pour conforter le rôle des régions et donner plus de marges aux entreprises et aux branches", comme l'a souligné le Premier ministre, sans préciser les modalités. Mais les entreprises devront en contrepartie s'engager sur de véritables contrats de progrès (augmentation du nombre d'apprentis, valorisation et formation des maîtres d'apprentissage, accompagnement des centres de formation d'apprentis pour trouver des employeurs, prévention des ruptures…). Pour l'ARF, la démarche consisterait à réduire la fraction régionale de 56% de la taxe d'apprentissage, qui est prévue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014. "Le projet de loi a été voté en première lecture mais il pourrait y avoir des amendements à ce sujet", explique-t-on à l'ARF. Ce qui revient à "détricoter ce qu'on a fait il y a peu". La différence serait en revanche compensée pour les régions, à travers une autre ressource sociale, probablement la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L'ARF, quelque peu déçue de cette manoeuvre qui retire de la lisibilité au système, attend d'avoir des garanties sur cette compensation. "Cela devrait être équivalent, mais pour le moment nous n'avons pas de précision", assure-t-on à l'ARF.
Le gouvernement souhaite aussi mobiliser dans les deux ans 100 millions d'euros issus des fonds européens dédiés à l'insertion des jeunes et en particulier les apprentis, dans les seize régions où le chômage des jeunes dépasse les 25%. Des appels à projets seront ainsi organisés par les Direccte pour aider les jeunes face aux problèmes concrets qu'ils rencontrent : permis de conduire, hébergement, financement des premiers équipements. Et 80 millions d'euros, issus cette fois-ci du programme d'investissements d'avenir, seront destinés à financer de nouvelles formations et à augmenter les capacités d'hébergement.

Apprentissage : une réunion à haut niveau en septembre

Pour parfaire le tout, comme l'avait annoncé avant lui François Hollande, en ouverture de la grande conférence sociale, Manuel Valls a insisté sur la tenue à l'automne d'une réunion "à haut niveau" destinée à lever les obstacles structurels qui freinent la progression de l'apprentissage. Réunissant notamment les partenaires sociaux, les régions et les chambres des métiers, cette réunion permettra notamment d'aborder la question du statut des apprentis et de leur rémunération, le cadre réglementaire de l'apprentissage et son image. Elle "devra déboucher sur la levée de tous les blocages, de tous les obstacles et sur la mise en oeuvre de tous les moyens pour que l'alternance et l'apprentissage deviennent un grand programme national pour notre pays", a affirmé François Hollande, confirmant l'objectif gouvernemental de 500.000 apprentis d'ici 2017, contre environ 400.000 actuellement… Le secteur public sera mis à contribution. La feuille de route reprend l'objectif fixé par le chef de l'Etat lundi d'aboutir à 10.000 apprentis dans la fonction publique de l'Etat (contre 700 aujourd'hui). Aucun chiffre n'est mentionné pour les collectivités alors que François Hollande avait regretté, lundi, leur timidité dans ce domaine. Dans le domaine du sport et de l'animation, le Centre national de développement du sport sera chargé de doubler le nombre d'apprentis pour le porter à 6.600.
L'ARF s'est dite globalement satisfaite de cette "vraie prise de conscience" qu'il y a sur l'apprentissage, sans quoi, "nous allions droit dans le mur ; la réunion prévue en septembre va dans le bon sens".

Lutter contre le décrochage scolaire

Dans un communiqué diffusé le 8 juillet, l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) s'est dite en phase avec les objectifs de développement de l'apprentissage du Premier ministre, insistant sur les premières décisions : les 200 millions d'euros pour augmenter les moyens et pallier les inégalités du versement de la taxe d'apprentissage et à la fois le fléchage de 100 millions d'euros de fonds européens sur le logement des apprentis. "Pour développer l'apprentissage, le choix d'obtenir davantage de négociations de la part des branches professionnelles est positif ainsi que le versement de 1.000 euros pour le premier apprenti embauché par une entreprise artisanale appartenant à ces branches", insiste ainsi l'APCMA, qui participera à la conférence prévue en septembre sur l'apprentissage.
Mais l'apprentissage n'est pas la seule mesure mise en avant pour les jeunes. Le gouvernement veut mettre l'accent sur la lutte contre le décrochage scolaire. 160 millions d'euros sur deux ans, issus des fonds européens, vont ainsi être mobilisés pour l'accompagnement spécifique de 65.000 jeunes décrocheurs par Pôle emploi et la mobilisation du dispositif Civis (contrat d'insertion dans la vie sociale) renforcé pour 68.000 autres, dans les régions où le taux de chômage des jeunes dépasse 25%. Manuel Valls a également annoncé l'objectif de 50.000 allocataires de la garantie jeunes dès 2015 pour aller vers 100.000 en 2017. La garantie jeunes, qui correspond à une allocation d'environ 450 euros mensuels pour des 18-25 ans précaires et vise à les accompagner vers l'emploi et la formation, est en cours d'expérimentation dans dix départements. D'après le Premier ministre, son bilan est positif.

Une négociation interprofessionnelle sur les chômeurs de longue durée

Parallèlement, le service civique, qui accueille actuellement 5.000 jeunes décrocheurs, va voir ses moyens augmenter pour en accueillir le double. En matière d'orientation, le gouvernement a décidé d'expérimenter un parcours individuel de formation, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel dès la classe de cinquième, en y associant les acteurs économiques et les partenaires sociaux. Un groupe de travail sur la discrimination des jeunes dans l'accès à l'emploi sera également mis en place à la rentrée.
Les jeunes ne sont pas la seule priorité du gouvernement en matière d'emploi. Les seniors, dont le chômage a augmenté de 10% en un an, font aussi partie de ses préoccupations.
Alors que François Hollande a érigé en cause nationale le chômage de longue durée, le Premier ministre a confirmé le plan d'actions qui a été lancé en juin 2014 par le ministre du Travail avec la création d'un contrat de professionnalisation spécifique "Nouvelle Carrière". 80.000 chômeurs de longue durée supplémentaires bénéficieront de l'accompagnement renforcé de Pôle emploi (en plus des 190.000 qui en bénéficient déjà) et 80.000 contrats initiative emploi seront déployés dans le secteur marchand en 2015 en ciblant les seniors, les chômeurs de longue durée et les personnes handicapées.
Dans le même temps, la démarche d'accompagnement global liant Pôle emploi et l'Assemblée des départements de France sera étendue de 5 à 60 départements d'ici juillet 2015. 1.000 conseillers seront mobilisés. "Ce déploiement permettra la prise en charge conjointe des besoins sociaux et professionnels de dizaines de milliers de demandeurs d'emploi", précise la feuille de route.  Manuel Valls a également demandé à François Rebsamen d'organiser une réunion pour travailler sur les priorités d'une négociation interprofessionnelle sur les demandeurs d'emploi de longue durée, qui devrait s'ouvrir dès la rentrée.
Les autres sujets à l'ordre du jour de la conférence étaient le dialogue social, avec la création de nouvelles instances de concertation (sur le sujet voir ci-contre notre article de ce jour), la mise en oeuvre des contreparties au pacte de responsabilité et l'investissement. Dans son discours d'ouverture, François Hollande a indiqué que des "assises de l'investissement" seront réunies "à l'automne, sans doute au mois de septembre" afin d'adapter les dispositifs de financements. La feuille de route charge parallèlement France Stratégie "d'identifier, en lien avec les partenaires sociaux, les besoins d'investissements présentant les meilleurs bénéfices économiques et sociaux au regard des dépenses publiques engagées", notamment dans les domaines de l'eau, de l'énergie, des transports, de la rénovation thermique, de l'agriculture et du numérique. Les conclusions de ces travaux sont attendues "au deuxième trimestre 2015".

 

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