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Après deux nouveaux séismes au nord de Strasbourg, la géothermie en question

Un séisme de magnitude 3,5 lié au développement d'un projet de centrale géothermique a réveillé ce 4 décembre au matin les habitants de l'agglomération de Strasbourg. Il a été suivi d'un autre de magnitude 2,8, entraînant l'arrêt des activités de la centrale par l'exploitant et la remise en cause du projet par des élus.

Coup sur coup, l'agglomération de Strasbourg a enregistré ce 4 décembre au matin deux séismes, le premier de magnitude 3,5, puis une réplique de magnitude 2,8. Le Réseau national de surveillance sismique (Rénass) a classé ce tremblement de terre survenu à 6h59 comme "induit", c'est-à-dire provoqué par l'activité humaine. L'épicentre du séisme se trouve à une dizaine de kilomètres au nord de Strasbourg, à proximité de la centrale géothermique de l'entreprise Fonroche pas encore mise en exploitation, sur les communes de Vendenheim et Reichstett.

Sur ce site, deux puits distants d'un kilomètre et profonds de cinq kilomètres ont été creusés, afin de pomper l'eau chaude souterraine pour en exploiter en surface le potentiel énergétique, avant de la réinjecter sous pression dans le sous-sol.

"C'est un évènement qui est anormal", a concédé Jean-Philippe Soulé, directeur général de Fonroche Géothermie. "Une centrale géothermique crée toujours de la microsismicité, un petit peu plus au début, au démarrage, quand le chemin de l'eau se crée entre les deux puits. Mais là elle en a créé beaucoup trop". Après ces nouveaux incidents, les activités sur le site, déjà réduites au minimum, vont être diminuées vers un arrêt total de manière progressive, afin de limiter le risque de nouvelle secousse. La procédure "se déroulera sur environ un mois", a précisé Fonroche.

 

Plusieurs autres tremblements de terre enregistrés depuis plus d'un an

Cette secousse intervient après plusieurs autres tremblements de terre moins intenses enregistrés depuis 13 mois et liés à l'activité de géothermie. Elle a provoqué "une psychose" chez les habitants des communes proches de l'épicentre, a déclaré à l'AFP Georges Schuler, le maire de Reichstett. Celui-ci a fait état de quelques dégâts matériels et de nombreux appels de riverains paniqués. "C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous demandons l'arrêt définitif de l'exploitation du site", a-t-il déclaré à l'AFP... juste avant une nouvelle réplique enregistrée dans la même zone à 11h10.

Il a été rejoint par Pia Imbs, la présidente (sans étiquette) de la métropole de Strasbourg, qui a demandé, dans un communiqué, "un arrêt  définitif du projet porté par Fonroche à Vendenheim". Ses services ont annoncé la tenue d'une réunion publique le 11 décembre sur le sujet.

Après une audioconférence avec les maires des communes concernées, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, a diligenté une enquête administrative. Un abandon du projet n'est cependant pas à l'ordre du jour, a fait savoir Jean-Philippe Soulé. "Il existe toujours des solutions. Aujourd'hui on n'est pas dans la perspective d'un arrêt définitif du projet, ce n'est pas le sujet. Par contre ce sera peut-être très long".

 

Autorisation de forage obtenue contre l'avis des élus des communes concernées

Fonroche avait obtenu en 2016 du préfet une autorisation de forage, contre l'avis des élus des communes concernées. Elle a jusqu'ici investi près de 90 millions d'euros dans cette centrale qui vise à alimenter l'équivalent de 10.000 logements en électricité, et 26.000 en chaleur directe.

Mais la controverse s'amplifie depuis l'enregistrement d'un séisme de magnitude 3,1 le 12 novembre 2019. Son épicentre était situé à 5 kilomètres du site de géothermie. Considéré comme étant d'origine naturelle par Fonroche, il a été classé "induit" par le Rénass. "Dans la sismicité induite, il faut distinguer deux phénomènes", explique Jean Schmittbuhl, directeur de recherche au CNRS en sismologie. "Il y a ceux liés à la mise en pression très directe du fluide. C'est ce qui s'est passé ces dernières semaines jusqu'à ce matin. Et il y a la sismicité dite déclenchée, quand le système, naturellement, était très proche de rompre, et que l'activité humaine constitue l'élément déclencheur. C'est ce qui s'est vraisemblablement passé l'an dernier".

D'autres expertises, menées à la demande de la préfecture par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) n'ont pas permis de définir avec certitude l'origine du séisme de 2019. Celui-ci avait néanmoins entraîné l'arrêt des opérations d'injection d'eau sur le site de géothermie, mais la construction de la centrale de transformation de l'énergie thermique en électricité, elle, s'était poursuivie. En septembre, la préfecture du Bas-Rhin avait autorisé la réalisation de tests dans les puits de la centrale afin de trancher la question de l'origine du séisme. Mais ces tests ont provoqué, en octobre et novembre, une nouvelle série de secousses, de magnitude plus faibles, comprises entre 1,1 et 2,7, mais suffisantes pour susciter la crainte des habitants vivant à proximité.

 

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