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Après douze jours de lutte, les deux incendies "hors normes" de Gironde sont "fixés"

Après douze jours et treize nuits de lutte, les deux incendies "hors normes" qui ont ravagé près de 21.000 hectares de forêts en Gironde et entraîné l'évacuation de quelque 36.000 personnes sont maintenant "fixés", mais le travail pour les éteindre continue. En Bretagne, aussi, le feu a été "fixé" le 24 juillet dans le sud des monts d'Arrée où 130 pompiers étaient toujours à pied d'œuvre. Dans les deux cas, la nature a payé un lourd tribut avec près de 23.000 hectares de végétation partis en fumée et de nombreux habitats naturels dévastés, fragilisant de nombreuses espèces.

À Landiras, dans le sud de la Gironde où 13.800 hectares de pins ont brûlé depuis le 12 juillet, le feu est "désormais fixé", a annoncé ce lundi 25 juillet la préfète de Gironde et Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio. Ce constat avait été dressé samedi pour l'autre incendie qui avait démarré le même jour, à La Teste-de-Buch sur le bassin d'Arcachon, qui a ravagé 7.000 hectares de forêt.
Le bilan de cette "lutte acharnée" contre les flammes est "positif", a relevé la représentante de l'État : aucune victime à déplorer et des dégâts matériels plutôt limités, cinq maisons, un restaurant et une discothèque détruits, les cinq campings de la dune du Pilat, d'où 6.000 vacanciers avaient été évacués, sur près de 2.800 bâtiments "directement exposés". Vingt-cinq pompiers ont été blessés, "heureusement légèrement" selon Fabienne Buccio.
Dans le secteur de Landiras, à quelque 40 km au sud de Bordeaux, quelques milliers d'habitants évacués qui n'avaient pas encore regagné leur domicile, ont reçu lundi le feu vert de la préfecture. "Attention, ces incendies ne sont pas pour autant éteints. Fixé, cela signifie qu'il n'y a plus de foyers actifs", a assuré la préfète en pointant "deux feux hors normes de par les conditions météorologiques extrêmes (températures caniculaires, ndlr) et les moyens mobilisés pour les contenir".

De nombreuses zones restent à surveiller en Gironde

Selon le patron des pompiers de Gironde (Sdis 33), Marc Vermeulen, "la prochaine étape est de passer maître des feux, ce qui devrait raisonnablement être le cas cette semaine. Pour l'extinction proprement dite, ça risque de prendre plusieurs semaines et dépendra des conditions météo. C'est un travail laborieux qui débute". Le sol de tourbe dans le secteur de Landiras demande une vigilance particulière car il y a un risque de feu couvant sous la terre "qui peut réémerger de manière assez importante", a-t-il précisé, prévenant aussi du danger de chutes de "pins fragilisés". Les zones à surveiller pour les pompiers, a-t-il dit, équivalent à "28.000 terrains de rugby" à Landiras et "14.000" à La Teste-de-Buch. Les surfaces brulées représentent deux fois la superficie de Paris intra-muros. Jusqu'à 3.000 soldats du feu de Gironde et 1.200 autres venus de 60 départements ont été mobilisés mais les moyens humains vont désormais descendre à 450 pompiers. Deux Canadair et deux hélicoptères d'attaque feux de forêt, restent sur place.
Dans la lutte contre ces incendies, "il a fallu faire preuve d'imagination (...) en réalisant des travaux titanesques et inédits de pare-feux et zone de replis", a souligné Fabienne Buccio. Plus de 130 km de travaux ont été réalisés et se poursuivent. La préfète et le patron des pompiers ont aussi expliqué que la Gironde avait eu à faire à des feux "hors normes", pas à des "mégafeux", "dont on décide qu'ils ne peuvent pas être maîtrisés et qu'on laisse agir seul, comme en Australie ou aux États-Unis". "Nous, nous n'avons jamais cessé de lutter et on est en passe d'avoir gagné", a tranché Fabienne Buccio. Marc Vermeulen a par ailleurs remercié les collectivités, associations et citoyens de Gironde qui se sont mobilisés en nombre pour soutenir les pompiers au niveau logistique, avec beaucoup de marques d'affection et d'attention qui ont marqué les soldats du feu.
Face à l'ampleur de la crise et un début de polémique sur les moyens aériens de lutte, le président de la République Emmanuel Macron s'était déplacé la semaine dernière en Gironde, soulignant que la France devait se doter "davantage" d'avions. Le président PS du département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, a pour sa part martelé lundi que le massif des Landes de Gascogne, "plus grande forêt de résineux d'Europe", à cheval sur Gironde et Landes, devait "être doté de moyens aériens de lutte, spécialement l'été".

Plus de 1.700 hectares de landes détruits dans les monts d'Arrée, en Bretagne

En Bretagne, la "situation est maîtrisée sur le secteur nord" et le feu "fixé sur le secteur sud" des monts d'Arrée, où 130 pompiers et 40 engins de lutte contre les incendies étaient toujours présents dimanche 24 juillet au matin, a aussi annoncé la préfecture du Finistère, en soulignant que "le site fait l'objet d'une extrême vigilance et d'une surveillance permanente". Samedi, un avion bombardier d'eau Dash arrivé en renfort a pu effectuer six largages dans la zone dans la journée, et permis de "fixer la totalité du feu" situé dans le secteur sud sur la commune de Brasparts, une zone difficile d'accès par les moyens terrestres, a rappelé la préfecture. Jeudi, cette dernière avait annoncé que l'incendie dans les monts d'Arrée était "maîtrisé" et que la situation était "totalement stabilisée", mais quatre nouveaux foyers s'étaient réactivés en raison des conditions météorologiques défavorables, en particulier le vent.
En Bretagne comme en Gironde, s'il est encore trop tôt pour dresser un bilan précis, faune et flore ont payé un lourd tribut dans les incendies. Sur les monts d'Arrée, un site naturel remarquable, plus de 1.700 hectares de landes, de sapinières et de feuillus ont été détruits. En Gironde, plus de 7.000 hectares de forêt ont brûlé à La Teste-de-Buch et près de 14.000 hectares à Landiras, dans une monoculture de pins.
Selon les premières observations du parc naturel régional d'Armorique, le feu "n'aurait pas d'impact dramatique sur les espèces d'oiseaux emblématiques (...) comme les courlis cendrés et les busards Saint-Martin et cendrés" car ces oiseaux sont en cours de migration ou en capacité de voler, même les jeunes. L'inquiétude porte davantage sur les "insectes, mollusques, petits mammifères et oiseaux, amphibiens, reptiles qui probablement, n'(ont) pas pu fuir", poursuit le parc naturel régional.
Les craintes sont similaires en Gironde. "La faune la plus impactée est celle ayant les moins grandes capacités de déplacement : les insectes non volants, les reptiles et amphibiens et les jeunes aussi bien d'oiseaux que de chauves-souris", alors que les animaux sont en pleine période d'élevage des petits, dit à l'AFP Paul Tourneur, chef de projet biodiversité à l'Office national des forêts Landes Nord Aquitaine. Les grands ongulés, comme les chevreuils, peuvent fuir plus facilement.

"Un patrimoine qu'on ne va pas retrouver du jour au lendemain"

L'ONF gère la forêt domaniale de La Teste-de-Buch, une des rares forêts naturelles des Landes, longeant l'océan. "C'était majoritairement une forêt de pins maritimes mais avec des spécificités, des îlots de feuillus, de chênes pédonculés et des chênes liège dont certains très vieux, 200 à 300 ans", décrit Paul Tourneur. "C'est un patrimoine qu'on ne va pas retrouver du jour au lendemain." Elle abrite "une chauve-souris assez rare", la grande noctule, le plus grand chiroptère d'Europe, et "on a des craintes pour la colonie qui était présente", poursuit-il. Cette forêt domaniale abrite aussi "des habitats rares et des espèces inféodées à ces milieux qu'on ne retrouve pas ailleurs", poursuit-il, citant "le pipite rousseline, un oiseau de steppe" ou "le plus grand lézard d'Europe, le lézard ocellé", une espèce protégée. "Tout cela a dû passer au barbecue malheureusement", lâche-t-il, fataliste.

L'association Cistude Nature connaît bien cette forêt et celle de Landiras, aussi dévastée par les flammes. "C'est une monoculture de pins, relativement pauvre en termes de biodiversité, mais elle enclave des milieux naturels, les systèmes lagunaires", dit Maud Berroneau, spécialiste des amphibiens et reptiles. Y vivent notamment le lézard vivipare ou encore deux espèces de papillons protégés, le fadet des laîches et le damier de la succise. Concernant les lézards, "on espère qu'ils se soient enfouis dans le sol, comme on était déjà dans une période de canicule et de sécheresse depuis plusieurs semaines", indique Maud Berroneau. "Le feu passe plus rapidement sur ces milieux humides, c'est peut-être ça qui va les sauver", espère-t-elle. Les papillons, eux, "étaient à l'état de chenilles", selon Akaren Goudiaby, qui suit ces populations d'insectes dans le secteur de Landiras. "On voit très bien sur les photographies aériennes que la zone a brûlé et très probablement, les populations ont disparu", regrette-t-il.

À l'heure où les feux sont maîtrisés, mais pas complètement éteints, se pose la question de l'avenir de ces forêts en Gironde. "Dans un premier temps, nous allons observer ce qui se passe. Le pin est une espèce pionnière, habituée à des sols assez pauvres. Le problème est que le sol a chauffé sur une profondeur de plus d'un mètre", indique Paul Tourneur. "On se demande si la régénération naturelle va pouvoir se faire. Si ça n'est pas le cas, il va falloir qu'on utilise d'autres outils", poursuit-il.

"Les écosystèmes se sont toujours adaptés aux pressions mais c'est la première fois qu'on a un changement aussi rapide avec le changement climatique", relève Loïc Obled, directeur général de l'Office français de la biodiversité. "Si les feux sont récurrents, la capacité de régénération des écosystèmes peut être d'autant plus affectée", avertit-il.