Après le rejet du Sénat, quel avenir pour le Ceta ?

L'exécutif ne digère pas le rejet du Ceta (l'accord commercial entre l'UE et le Canada) par le Sénat, jeudi 21 mars. Mais il pourrait trouver les moyens de contourner le Parlement. C'est ce qu'a laissé entendre la tête de liste macroniste aux Européennes, Valérie Hayer, lundi sur France info. La France "a des process institutionnels sur ces questions-là", a-t-elle fait savoir. "Ce sera la décision du gouvernement de voir quelle position sera prise", si l'Assemblée le rejetait à son tour, a-t-elle ajouté. À la question de savoir s'il pourrait quand même s'appliquer après un refus des deux chambres, elle a répondu par l'affirmative. En principe, le traité, appliqué de manière provisoire à 90% depuis sept ans, pourrait en effet continuer à s'appliquer, tant que le gouvernement se refuserait à le notifier à la Commission européenne...

Le projet de loi de ratification avait été approuvé par l'Assemblée à une courte majorité en 2019. Depuis, le Sénat ne s'était pas prononcé. Le groupe communiste l'a mis à l'ordre du jour la semaine dernière, dans le cadre de sa niche parlementaire (voir notre article du 18 mars). Une alliance droite-gauche de circonstance a permis son rejet, à une large majorité (211 voix contre 44), alors que la crise agricole a cristallisé les critiques contre ce type d'accord commerciaux. Si le gouvernement rechignait à remettre le texte à l'ordre du jour à l'Assemblée, les députés communistes ont d'ores et déjà annoncé leur intention de l'inscrire dans leur "niche" prévue le 30 mai à l'Assemblée, à dix jours seulement des élections européennes. L'exécutif entend jeter ses forces dans le débat pour prouver qu'il s'agit d'un "bon accord", mais il semble déjà se préparer à un échec. 

Il y a déjà eu un précédent en Europe avec Chypre. En effet, 17 pays sur 27 ont ratifié l'accord. Mais le Parlement de Chypre s'y est opposé en 2020. Or ce vote n'a toujours pas été notifié à Bruxelles et l'accord continue de s'appliquer sur l'île comme dans les 26 autres pays… "Il n’est pas possible qu’il se passe la même chose qu’à Chypre, dont le Parlement a dit non au Ceta sans que ce refus soit notifié à la Commission européenne", a martelé le sénateur communiste Fabien Gay, jeudi au Sénat, rejoint par plusieurs autres sénateurs, comme le LR Pascal Allizard ou l'écologiste Yannick Jadot. Le ministre délégué chargé du commerce extérieur, Franck Riester, a botté en touche. "Je ne suis pas sûr qu’il soit utile que le gouvernement s’exprime : après tout, vous pouvez continuer votre petite manipulation politicienne entre vous", a-t-il répondu, évoquant une "très mauvaise journée pour l'économie française".