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Armement des polices municipales : des questions et des bouchons

L'expérimentation permettant aux agents de police municipale d'utiliser des revolvers mis à disposition par l'État après les attentats de 2015 prend fin ce 30 avril sans que l'on sache si elle sera pérennisée ou non. Par ailleurs, la crise a interrompu les formations – initiales ou continues – nécessaires à l'usage des armes, dans un contexte déjà particulièrement tendu, ce qui attise les craintes des policiers municipaux.

L'alerte a été lancée ce 29 avril par l'Association nationale des cadres territoriaux de la sécurité (ANCTS) : le décret n° 2015-496 du 29 avril 2015 autorisant, pour une durée de cinq ans, les agents de police municipale à utiliser à titre expérimental des revolvers chambrés pour le calibre 357 magnum arrive à son terme, demain. Las, "à ce jour, aucune information n’est parvenue aux utilisateurs sur la suite qui sera donnée à ce dispositif", souligne le communiqué de l'ANCTS, qui déclare avoir "saisi à plusieurs reprises le ministère de l’Intérieur sans aucune réponse sur le sujet" et "regrette qu’une fois de plus, un dispositif expérimental n’aboutisse sur aucune consigne claire une fois arrivé à son terme, alors que l’ensemble des acteurs concernés a fait remonter les informations sollicitées. Cela rappelle, en bien des points, l’expérience malheureuse des caméras piétons" (qui avait été soldée par l'adoption de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018).

Cette expérimentation avait été lancée en réponse aux attentats de janvier 2015 – et notamment à l'assassinat de Clarissa Jean-Philippe, agent à Montrouge – aux termes d'un accord conclu entre l’Association des maires de France et le ministère de l’Intérieur afin que ce dernier mette 4.000 revolvers à disposition de communes candidates, dans le cadre de la convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État (CSP, art. L. 512-6). Les préfets, réticents à accorder les autorisations nécessaires, s'étaient d'ailleurs fait tirer l'oreille par le ministre de l'Intérieur d'alors, Bernard Cazeneuve (voir notre article). 
Aux termes du décret, "six mois avant le terme de l'expérimentation, les préfets adressent au ministre de l'intérieur une synthèse des bilans dressés par les maires des communes concernées. Au vu de ces rapports, le gouvernement décide des suites à donner à l'expérimentation". Décision qui reste donc pour l'heure dans les limbes.

Demandes de prolongation des autorisations de port d'armes

Cette question n'est pas la seule à rester sans réponse. Lors de son audition à l'Assemblée nationale le 22 avril (voir notre article), Gaël Perdriau, président de la commission Sécurité de l'association France Urbaine et maire de Saint-Étienne, a ainsi indiqué que le ministère de l'Intérieur avait été interrogé, en vain jusqu'ici, sur l'éventuelle prolongation des autorisations de port d'arme des policiers municipaux dans la mesure où ils ne peuvent plus, compte tenu de la crise, remplir leurs obligations d'entrainement au tir (au moins deux séances par an au cours desquelles chaque agent doit tirer au moins 50 cartouches pour ce type d'armes). 
L'élu stéphanois a également souligné les mêmes difficultés rencontrées avec les bombes lacrymogènes supérieures à 100 ml (plus généralement des "générateurs d'aérosols incapacitants ou lacrymogènes" ou GAIL), devenues depuis un décret n° 2018-542 du 29 juin 2018 des armes de catégorie B, et dont l'utilisation est par conséquent désormais soumise, entre autres obligations, au suivi d'une formation préalable à l'armement, qui n'est plus dispensée depuis la mi-mars.

Formations : risques de bouchons en perspective

"Le problème est général", souligne à Localtis Cédric Renaud, président de l'ANCTS : "Le système a été conçu au milieu des années 2000 à une époque où l'on comptait relativement peu de policiers armés et où la formation obligatoire n'était nécessaire que pour un type d'arme. Aujourd'hui, on recense environ 15 à 17.000 policiers municipaux armés et les formations initiales et continues obligatoires concernent un nombre sans cesse croissant d'armes – armes à feu, pistolets à impulsions électriques, lanceurs de balle de défense… jusqu'aux bâtons de défense et tonfas. Le dispositif est à flux tendu et le moindre blocage emporte de lourdes conséquences".
La mise en œuvre de ces nouvelles formations en 2018 avait d'ailleurs été particulièrement difficile, comme le reconnaissait le ministère de l'Intérieur lui-même l'an passé, dans une réponse au député Louis Alliot qui relevait qu'un maire l'avait informé "que trois de ses agents de police municipale attendaient en vain depuis plusieurs mois de pouvoir assister à une formation pour pouvoir patrouiller avec l'armement de base". Arrêtées depuis le début du confinement, les formations assurées par le CNFPT ne devraient reprendre – au mieux – qu'à la mi-juin.