Au collège, le temps d'enseignement perdu est source d'iniquité, notamment territoriale

Selon un rapport de la Cour des comptes, 9% des heures de cours ne sont pas assurées dans les collèges publics. Ce taux varie toutefois selon les territoires et les types d'établissements, faisant peser une inégalité entre élèves.

Le temps d'enseignement perdu au collège "concerne surtout certains types de territoires et d'établissements et constitue un risque d'iniquité", estime la Cour des comptes dans un rapport publié le 12 décembre. Réalisé à la suite d'une saisine de la Défenseure des droits, ce rapport a d'abord cherché à quantifier le temps d'enseignement perdu dans les 6.700 collèges publics et privés sous contrat de métropole. Mais alors que le remplacement a été érigé en politique prioritaire du gouvernement en 2023, la Cour note que les outils nationaux "ne permettent pas une analyse globale et précise du temps d'enseignement perdu et du remplacement". En effet, d'une part, "le secteur privé sous contrat reste un angle mort", d'autre part, les données sur les remplacements de courte durée (moins de quinze jours) ne sont pas toujours fiables et s'avèrent de surcroît ni comparables ni consolidables avec celles des remplacements de longue durée (quinze jours et plus).

Des besoins de remplacement en hausse de 15%

Ces limites posées, la proportion d'heures de cours non assurées dans les collèges publics s'établissait en 2023-2024 à 9% du total, contre 11,2% en 2022-2023 mais 8,3% en 2018-2019. En cause notamment, les congés de maladie ordinaire, qui ont progressé de 41,3% de 2018-2019 à 2023-2024. Plus globalement, les principaux motifs d'absence de courte durée des enseignants du second degré public en 2024-2025 étaient la santé (29,3%), les obligations institutionnelles (formation, concours, etc., 15,5%) et les actions éducatives (sorties, voyages, projets pédagogiques, 15%).

Cette augmentation des absences a conduit à une hausse de 15% des besoins de remplacement d'enseignants par rapport à 2018-2019. Seulement, du fait de la pénurie d'enseignants, les titulaires sur zone de remplacement (TZR) "sont de plus en plus souvent affectés sur des postes non pourvus dès la rentrée et à l'année, et ne sont donc plus mobilisables pour des remplacements ponctuels". Résultat : alors que le ministère de l'Éducation nationale s'est fixé pour objectif d'assurer 36% des remplacements pour les absences de courte durée en 2024-2025, ce taux n'a atteint que 11,7%. Quant au taux de remplacements pour absences de longue durée, il atteignait 94,3%, contre 97% en 2018-2019. 

L'éducation prioritaire plus touchée par les non-remplacements

Derrière ces chiffres nationaux se cachent des disparités, et "les académies, déplore la Cour des comptes, n'ont pas les mêmes moyens et outils pour affecter et remplacer". Ainsi, si des académies attractives, comme Clermont-Ferrand, Besançon, Bordeaux, la Corse, Toulouse et Montpellier, remplacent les absences de longue durée à plus de 95%, Paris est l'académie qui remplace le mieux (98,3%) alors que son attractivité est plutôt faible. De même, Amiens et Nancy-Metz, malgré une attractivité faible et un taux d'absence assez élevé, ont un bon taux de remplacement de longue durée (96,3% et 95%). L'efficacité du remplacement est moyenne à Créteil (94,2%), académie la moins attractive, et Rennes, académie la plus attractive (94,3%). La Cour des comptes fait alors remarquer qu'au sein d'une même académie, certains territoires présentent un défaut d'attractivité pour les enseignants en raison, par exemple, du coût du logement, de l'éloignement des centres urbains et des difficultés de transport, ou encore d'un contexte économique et social dégradé. 

De ces inégalités territoriales à l'intérieur même des académies, il résulte qu'en 2023-2024, les collégiens de l'éducation prioritaire ont perdu 11% des heures d'enseignement, contre 8% dans les collèges hors éducation prioritaire. Pour expliquer cette inégalité, la Cour des comptes ajoute au défaut d'attractivité de certains territoires le fait que les enseignants exerçant en éducation prioritaire sont plus souvent arrêtés pour raison de santé en raison de conditions de travail plus difficiles, et se forment davantage en raison des besoins spécifiques des élèves accueillis.

Des enseignants disponibles mais pas de budget

Plus globalement, les moyens budgétaires – alloués chaque année à chaque académie par le ministère de l'Éducation nationale – explique une bonne part des remplacements ou non-remplacements. "Des absences de longue durée ne sont parfois pas remplacées, non pas du fait d'un défaut de candidat, mais parce que les moyens alloués aux suppléances ne sont pas suffisants pour répondre à l'ensemble des demandes", souligne la Cour des comptes. Elle ajoute que "cette situation peut concerner tant les établissements publics que les établissements privés sous contrat, {où] le remplacement est particulièrement tributaire des crédits alloués à la suppléance". Le secrétariat général de l'Enseignement catholique a d'ailleurs fait savoir récemment que des recours gracieux avaient été formés auprès de l'académie de Créteil après que six cents heures de cours n'ont pas été remplacées depuis la rentrée de 2025, alors les enseignants suppléants nécessaires étaient disponibles.

Après avoir conclu qu'"il existe une corrélation, certes de faible ampleur mais significative, entre le temps d'enseignement non assuré et la réussite éducative", la Cour des comptes émet dix recommandations. Parmi celles-ci, on note la nécessité de mieux mesurer et piloter le temps d'enseignement perdu par les élèves au collège, de mieux prévenir les absences d'enseignants et de mieux informer les familles, mais surtout de mieux mobiliser le vivier d'enseignants. La cour préconise ainsi de remplacer la règle d'affectation nationale qui s'applique à l'issue des concours internes par une affectation académique, de promouvoir la bivalence en autorisant l'enseignement d'une seconde matière aux enseignants qui en font la demande, et enfin de développer dès la rentrée 2026 des mesures ciblées en matière de logement et d'action sociale afin de compenser le manque d'attractivité de certaines zones déficitaires.

 

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