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Justice - Audience en outre-mer et visio-conférence : tout n'est pas permis !

Dans un arrêt du 24 octobre 2018, le Conseil d'Etat a annulé un jugement qui, rendu dans des conditions assez inédites, avait rendu la procédure irrégulière. Si les juridictions ultramarines bénéficient de certaines dérogations quant au déroulement des audiences, le Conseil d'Etat en a rappelé les limites.

En l’espèce, la commune de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) avait lancé une procédure d'attribution pour un marché de travaux portant sur la construction d'un bâtiment de tri des déchets. La société Hélène et fils avait présenté une offre pour le lot n°1 mais la commune avait rejeté son offre. La société évincée a alors saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le marché ayant été signé avant le dépôt de son recours, la société a transformé sa requête en référé contractuel en vue d’obtenir l’annulation du lot en question. Le juge ayant rejeté sa demande, la société a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

La requête de la société devant la Haute juridiction administrative ne portait pas tant sur le non-respect du droit de la commande publique mais plutôt sur les conditions dans lesquelles l’audience s’était déroulée devant le TA.
En l’espèce, le juge saisi de l’affaire se trouvait au TA de la Martinique et ne pouvait se rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon, tribunal compétent, dans les délais impartis. Le juge avait alors décidé de recourir à la visio-conférence.
En effet, il est fréquent qu’en outre-mer, des magistrats soient affectés dans plusieurs TA. Le code de la justice administrative a donc prévu un régime dérogatoire pour les juridictions ultramarines afin de permettre une bonne administration de la justice. A ce titre, l'article L. 781-1 prévoit notamment que les audiences peuvent être tenues par conférences audiovisuelles.
Sauf que le système de visio-conférence ne fonctionnait pas le jour de l’audience. Afin de ne pas dépasser le délai d’un mois dans lequel un référé contractuel doit être jugé, "la greffière du TA de Saint-Pierre-et-Miquelon a eu recours à son téléphone portable, mis sur haut-parleur, pour permettre au juge des référés de tenir l'audience".
Cependant, cette pratique a été sanctionnée par le Conseil d’Etat. Ce dernier a effectivement estimé que le téléphone mis sur haut parleur permettait certes "la transmission de messages sonores" mais pas visuels. Dès lors, même si le délai d’un mois était quasiment expiré, le juge du TA ne pouvait pas tenir l’audience avec une seule transmission audio via le haut parleur d’un téléphone.
Le Conseil d’Etat a donc annulé l’ordonnance du TA, la procédure étant irrégulière.

Référence : CE, 24 octobre 2018, n° 419417 
 

 

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