Autonomie : un rapport appelle à recentrer les moyens sur la prévention et le soutien à domicile

Pour enfin amorcer le virage domiciliaire, une réorientation complète de notre modèle de soutien à l’autonomie des personnes âgées est nécessaire, pour l’Institut Santé présidé par l’économiste Frédéric Bizard. Un pilotage par les besoins, et non plus par l’offre, est préconisé pour consacrer suffisamment de moyens à la prévention et assurer la soutenabilité du système - avant le "mur de 2030". 

En matière de soutien à l’autonomie des personnes âgées, "le modèle économique et organisationnel du système actuel n’est pas calibré pour faire face à la montée inexorable des besoins à partir de 2026, avec un pic attendu dans la décennie 2030", pour l’Institut Santé, association présidée par l’économiste Frédéric Bizard. Ce dernier vient de publier un rapport appelant à une "refondation de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées en France" et soulignant "l’urgence d’agir avant le ‘mur de 2030’". Portant par ailleurs un projet de réforme systémique en santé, celui qui est professeur à l’ESCP plaide pour "agir dès 2026" par l’adoption d’une loi pluriannuelle de programmation en santé et en autonomie, étant donné l’état des comptes sociaux, "la faible appétence politique pour ces deux sujets en campagne présidentielle et le blocage politique actuel sur le budget social". 

La "gestion de la dépendance à domicile" est "peu structurée et peu évaluée"

Plusieurs "failles" du système actuel sont mises en avant, à commencer par "une gestion du risque centrée sur la grande dépendance", c’est-à-dire sur les établissements et la gestion des personnes les plus dépendantes (en GIR 1 et 2). Il s’agit des "postes les plus coûteux et qui ont le plus faible rendement marginal pour améliorer la qualité de vie des personnes à risque et pour maitriser la dépense publique", soulève l’auteur, qui indique que seuls 17% des financements de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sont consacrés à "la gestion de la dépendance à domicile". Cette dernière est donc "peu structurée et peu évaluée", "laissée au bon vouloir des départements qui connaissent de sérieuses difficultés financières, conduisant à des choix politiques différenciés d’un département à l’autre, sans justification autre que la réalisation d’économies". 

Résultat : le fameux "virage domiciliaire" est "une arlésienne politique", il est "constamment annoncé mais jamais pris en France". Répondant pourtant aux aspirations des Français (voir notre autre article de ce jour), ce virage est également indispensable sur le plan de la soutenabilité financière, selon le rapport. En 2024, les personnes dépendantes étaient prises en charge à 60% à leur domicile et à 40% en établissement ; Frédéric Bizard affirme que passer à un ratio 75/25 générerait 3 milliards d’euros d’économies d’ici 2030 et 12 milliards d’ici 2050 – "auxquelles il faut ajouter les externalités positives sociales et économiques (qualité de vie, silver économie)". Cette évolution passerait par une transformation des Ehpad actuels, "soit en établissements spécialisés de nouvelle génération pour la grande dépendance (type USLD, unités de soins longue durée), soit en établissement de type résidence service senior (RSS) ou en habitats inclusifs". 

Un État stratège et garant de l’égalité territoriale 

Au-delà, ce scénario nécessite "une transformation du modèle comprenant une politique efficace de prévention", pour l’Institut Santé qui appelle à confier le dépistage et la prise en charge précoce des seniors fragiles à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Ce programme suppose de développer le nouveau métier de "care manager" (avec un besoin estimé à 100.000 emplois créés d’ici 2050) pour une prise en charge individualisée et globale des dimensions sanitaire, médicosociale, du logement et de la vie sociale. 

Appelant à piloter les ressources "à partir des besoins et non de l’offre", l’Institut Santé formule des propositions pour refonder la gouvernance autour d’un État stratège définissant sa politique d’autonomie dans une loi de programmation et déléguant des "missions et compétences distinctes" à la CNSA, à la Cnav et aux départements. Ces derniers resteraient les "chefs de file opérationnels du système", opérateurs du service public départemental de l’autonomie (SPDA). Mais "l’État en région et en local" (directions dans les préfectures qui remplaceraient les agences régionales de santé) serait "le garant de l’égalité territoriale par la délivrance des autorisations aux opérateurs et le contrôle de la qualité des prestations selon des règles nationales transparentes et objectives". 

Quant au financement, un nouveau modèle comprendrait une prestation unique autonomie (qui remplacerait l’APA, la PCH et l’ASH pour les personnes âgées à bas revenus et qui serait financée par le département et gérée par la Cnav), un système assurantiel public ("[ancrant] la cinquième branche dans l’histoire de la sécurité sociale", géré par la CNSA, financé par des cotisations et impôts nationaux et destiné à couvrir "l’essentiel des dépenses autonomie du reste de la population dépendante") et "un système assurantiel privé supplémentaire de type mutualiste, obligatoire à partir de 60 ans" (pour financer "des services non remboursés par l’assurance publique autonomie"). 

 

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