Avec le design actif, les villes moyennes en quête d'un héritage olympique

La première Rencontre nationale du design actif a été l'occasion pour le maire de Saint-Dizier de lancer un plaidoyer en faveur des villes moyennes. Pour lui, les aménagements urbains favorisant l'activité physique et la découverte du patrimoine peuvent rendre effectif l'héritage des Jeux olympiques de Paris 2024 dans les villes en difficulté.

"L'héritage des Jeux on y a droit aussi." Ce cri du cœur a été lancé par Quentin Brière, maire de Saint-Dizier (Haute-Marne), lors de la conférence de presse précédant la première Rencontre nationale du design actif organisée à Saint-Étienne le 22 juin sur le thème "bouger plus au cœur des villes". Ce "on" dont parle cet élu à peine trentenaire, qui dès son élection en 2020 a lancé dans sa commune une opération intitulée "La beauté sauvera le monde", ce sont les villes moyennes, cibles privilégiées de cette rencontre organisée par la Cité du design de Saint-Étienne et placée sous le double patronage de Paris 2024 et du programme Action cœur de ville (ACV).

En ce qu'il transforme l’espace public et incite la population à pratiquer davantage d’activité physique et sportive, mais aussi parce qu'il offre un levier pour répondre aux enjeux d’attractivité des centres-villes et de valorisation du patrimoine, le design actif est en effet plébiscité à la fois par Paris 2024, qui tient à concrétiser la promesse d'héritage des Jeux olympiques, et par le programme piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui y voit un moyen de mener des actions de revitalisation des centres-villes et d'aménagement urbain. Trente-six villes sont d'ailleurs accompagnées cette année par Action cœur de ville pour développer des projets de design actif. Elles devraient être cent en 2023. Quant à Saint-Dizier, elle figure parmi les six territoires pilotes soutenus actuellement par ACV et Paris 2024 (voir notre article en lien ci-dessous).

Une "réconciliation" pour le pays

Quand il évoque le design actif et l'héritage des Jeux, Quentin Brière ne tarit ni d'enthousiasme ni d'espoir. Il y voit une chance historique pour des communes comme la sienne. "Il y a différents défis à relever à travers le design actif : la lutte contre l'isolement, contre l'obésité, lance-t-il. Mais il y en a un plus profond encore, qui est presque un 'métaproblème' : la vraie fracture entre les territoires. Le plus grand défi que les Jeux vont rencontrer n'est pas celui de la réussite des évènements, mais c'est de faire en sorte que l'héritage aille partout."

Et le maire de Saint-Dizier de pointer les villes moyennes "qui ont été très lourdement déclassées, ont subi la désindustrialisation et la paupérisation". Et selon lui, Saint-Dizier est l'archétype de ce modèle. Si la ville reste la plus peuplée de la Haute-Marne, elle a perdu 35% de sa population depuis 1975. Quant au lustre qui était le sien aux temps où ses usines et ateliers fournissaient le mobilier urbain du Paris de la Belle Époque, il est révolu depuis… des lustres. Pourtant, son maire veut croire que les Jeux olympiques peuvent "aider à entrer dans une forme de réconcilaition pour le pays".

Imprimer la marque des Jeux à la ville

Dès lors, comment s'y prend-on à Saint-Dizier, loin des autoroutes et de la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg, mais au cœur d'un bassin de vie rural de 150.000 habitants qui comptent sur la ville pour offrir de vraies fonctions de centralité ? L'idée du début de mandat a été de lancer l'opération "Révéler Saint-Dizier" afin de mettre en avant le patrimoine de la ville. "Nous sommes à un moment de notre histoire où tout peut se transformer, estime le maire. C'est pour cela que nous sommes un terrain de jeu privilégié pour que les Jeux impriment leur marque à la ville."

Les actions partent de différents constats locaux. À commencer par le besoin de relier la gare aux grands équipements : le centre aquatique, le cinéma multiplexe, le marché couvert, le château, qui va être transformé en lieu culturel, et le Grand Palais immersif, première filiale territoriale du Grand Palais, qui ouvrira début septembre. "Ce qui se fait de meilleur dans les plus grandes villes doit pouvoir se faire dans les villes moyennes", assure Quentin Brière. Un autre grand enjeu à Saint-Dizier, comme dans d'autres villes, est de se tourner de nouveau vers l'eau. Les berges de la Marne et du canal ont ainsi été transformées. Et la clé de la réussite ultime est bien entendu de relier tous ces points les uns aux autres. "C'est là que le design actif intervient", pointe le maire.

Cité services, la solution d'accompagnement proposée par la Cité du design, avec un financement de l'ANCT, a donné une première vision. La ville s'est ensuite dotée d'une AMO (assistance à maîtrise d'ouvrage) qui a aidé à écrire un premier projet concrétisé par, d'une part, un parcours patrimonial réalisable grâce au design actif et, d'autre part, un parcours plus sportif, notamment tourné vers les sports de glisse, et culturel qui, partant de la gare, rejoint les bords de Marne. Le tout avec un credo : l'espace public est un lieu qui doit rassembler, que ce soit par le sport ou la culture. "Cela a boosté les métropoles il y a quelques années, cela doit maintenant descendre jusqu'à notre étage, au niveau des villes moyennes", a plaidé le maire.

Éloigner les voitures des écoles

Pour réussir son pari, Saint-Dizier compte sur un atout-maître, un "pump-track", ou parcours en boucle constitué de bosses et de virages relevés, le plus important du Grand Est et qui attire des jeunes de toute la région. Il va être décoré aux couleurs des Jeux.

L'autre chantier en vue est celui des écoles. "Je crois beaucoup au fait que les enfants du primaire sont hyper prescripteurs pour les parents, pour que toute la famille se mette au sport, a confié Quentin Brière. En entrée d'école, on va mettre des parcours qui vont permettre de rendre plus active l'arrivée." Rebondissant sur le propos introductif de Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme Action cœur de ville, qui proposait d'allonger le parcours menant à l'école de cinq cents mètres, le maire de Saint-Dizier a dit souhaiter "éviter que les parents arrivent à l'école en mode auto-tamponneuse". Pour cela, il imagine un parking, plus lointain, qui deviendrait un "lieu d'atterrissage souhaité par les enfants". Et près de l'école, il y a un mur – "parmi tous ceux qui existent dans nos villes et qui ne ressemblent à rien" – sur lequel l'élu envisage une via ferrata. Voilà autant de premières propositions qui seront discutées avec les enfants de l'école "pour que ce soit une transformation qui embarque un maximum d'habitants".

On l'a bien compris, pour Quentin Brière, le rêve olympique n'est pas un rêve de médaille, mais que sa ville devienne un exemple pour les villes moyennes qui, comme la sienne, "sont dans un état difficile".