Baisse de la prise en charge de l’apprentissage : les professionnels demandent temps et considération

La décision de France compétences du 30 juin dernier de réduire de 10% les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage continue de susciter des réactions de la part des professionnels. La Fnadir pointe un risque de fragilisation de certains CFA, notamment ceux œuvrant dans les secteurs en tension, tandis que l’association Walt (59 réseaux de CFA) déplore le "timing" et "l’opacité" de la méthode.

Si la mesure était prévue et même redoutée tant l’endettement de France compétences se creuse inexorablement, elle ne cesse de provoquer des réactions acerbes des professionnels de l’apprentissage. En effet, en décidant de raboter de 5% au 1er septembre 2022 le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage, puis de quasiment autant en avril 2023 (voir notre article du 4 juillet 2022), France compétences soulève un tollé parmi les dirigeants de centres de formation par l’apprentissage (CFA).

La Fnadir (Fédération nationale des directeurs de CFA/OFA) redoute que "cette baisse importante" fragilise les CFA, "voire les entraine dans des difficultés structurelles très importantes", notamment les CFA intervenant dans les secteurs en tension (restauration, BTP, coiffure, agriculture). Le tout dans un contexte "d’inflation sur les matières premières", qui empêche de "compter sur le financement complémentaire des PME-PMI ou associations", prévient la Fnadir, posant la question de savoir si, dès lors, il est "bien raisonnable de maintenir cette baisse des moyens alloués aux CFA". L'association Walt (59 réseaux de CFA) souhaite aussi un "report sine die" de l’application des nouveaux niveaux de prise en charge "pour prendre le temps de converger collectivement" sur une baisse des "coûts contrats", "secteur par secteur". Faute de quoi Walt prévoit également des difficultés dans certains établissements, entrainant la fermeture de sections devenues déficitaires.

Cibler "l’autre million", éloigné de l’enseignement supérieur

Pour la Fnadir, il serait temps que l’État considère l’apprentissage comme "une chance pour notre pays", et donc comme un "investissement durable pour tous les publics" plutôt qu’une charge. Car tout en "saluant le bing bang" dont a bénéficié l’apprentissage depuis 2018 et soutenant l’ambition d’atteindre 1 million de contrats d’ici à deux ans, la Fnadir invite à veiller à ce que "les volumes ne cachent pas les vraies questions qui se posent à nous maintenant", à commencer par "les publics visés" et notamment "l’autre million, celui qu’on a du mal à assumer collectivement, qui est celui de cette jeunesse pour lequel le système initial d’éducation français a échoué".

En effet, pointe la Fnadir, "depuis 20 ans et particulièrement ces trois dernières années, le développement de l’apprentissage est majoritairement porté par les formations BAC+3 et BAC +5". Mais cette voie doit aussi offrir "à des publics plus éloignés de l’enseignement supérieur la possibilité de construire un parcours au long cours et d’accéder à des formations auparavant difficilement accessibles". Aussi, poursuit-elle, "l’enjeu du financement ne repose pas sur la pérennité des CFA et des offres de formations proposées, mais bien sur l’ambition politique portée à long terme et la stratégie d’investissement à adopter pour parvenir à mettre en œuvre cette ambition".

Besoin de confiance donc de visibilité

Tout aussi incisive, la réaction de l’association Walt dénonce davantage la forme que le fond de la mesure. En effet, partageant l’objectif "d’une pérennisation financière du système de l’apprentissage", Walt "dénonce" le "timing" et "l’opacité" de la méthode. "En changeant les règles du jeu en cours d’année alors que nous sommes en pleine campagne d’inscription, le régulateur prend le risque de déstabiliser un système qui marche enfin", déclare Olivier Gauvin. Le délégué général de Walt rappelle que "les CFA sont des entreprises comme les autres, qui ont construit un budget sur des prévisions de recettes que cette décision soudaine vient déséquilibrer. Or, pour développer l’apprentissage, les acteurs ont besoin de confiance donc de visibilité".

Pour Walt, "la baisse de 5% en moyenne cache des disparités profondes et des diminutions brutales pouvant aller jusqu’à 40%" et demande à France Compétences "de faire toute la transparence sur la méthode de calcul utilisée dans le but de revoir les niveaux de prise en charge".