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Finances - Baisse des dotations et investissement local : l'AMF ne désarme pas

L'investissement du bloc local a diminué de 12,4% en 2014. Face à ce constat désormais partagé par l'Etat et les élus locaux, le gouvernement prévoit la mise en place d'un fonds de soutien de 1 milliard d'euros. Quel périmètre ? Quelle ressource pour l'abonder ? Des précisions s'imposent. Même chose sur les autres pistes évoquées le 29 mai par Manuel Valls avec l'Association des maires de France, dont l'élargissement de l'assiette du FCTVA. Le compte n'y est pas, jugent les maires, qui contestent toujours l'ampleur de la baisse des dotations.

Une délégation de l'Association des maires de France (AMF) était reçue jeudi 29 mai par Manuel Valls. Un rendez-vous consacré à la baisse des dotations venu ponctuer une série de réunions du groupe de travail bilatéral Etat / associations du bloc local. Pour le moment, ce groupe de travail technique mis en place en mars dernier a permis d'aboutir à un certain nombre de "constats partagés". Ce qui n'est déjà pas si mal. La rencontre entre les maires et le Premier ministre pouvait se baser sur des éléments objectifs de diagnostic.
Parmi ces éléments, le fait que l'investissement du bloc communal ait diminué de 12,4% en 2014, première année du programme pluriannuel de réduction de 30% des dotations de l'Etat aux collectivités (et, certes, première année du mandat, traditionnellement peu propice à l'investissement ; mais en 2008, la baisse avait été deux fois moindre). 12,4%, c'est même plus que ce que prévoyait l'AMF, qui en déduit que cette diminution, calculée sur la base des chiffres de la DGFIP, "représente une perte sèche de 4,3 milliards d'euros pour le tissu économique local". Et qui, en extrapolant ces données, prévoit que la baisse cumulée de l'investissement sur la période 2014-2017 sera de l'ordre de 25%.
"La capacité d'autofinancement des communes sera pratiquement réduite à zéro en 2017", estime Philippe Laurent, le secrétaire général de l'AMF, tandis que François Baroin, le président de l'association, annonce que 1.500 communes vont "basculer dans le rouge" dès la fin de cette année. Le chiffre a été fourni par l'Etat, qui s'appuie sur son réseau d'alerte lié aux DDFIP. Là encore, c'est pire que ce que pensait l'AMF, qui évoquait jusqu'ici le nombre de 1.000 communes. Basculer dans le rouge, cela signifie la mise sous tutelle financière de la commune, sa gestion par l'Etat.
L'AMF a complété ces éléments de diagnostic par les résultats d'une enquête menée avec d'autres associations (Acuf, ADCF, APVF, Villes de France) auprès d'un panel de communes et EPCI. Cette enquête confirme que les collectivités sont peu nombreuses à se résoudre à une hausse de fiscalité et "refusent une explosion de l'endettement", précise Philippe Laurent. Mais montre qu'elles ont en revanche déjà pris un certain nombre de mesures pour encaisser le choc de la baisse des dotations : réduction de la masse salariale, réduction des subventions aux associations, renégociation de contrats, report de dépenses d'entretien voire réduction de certains services à la population... Que faire, ensuite, à part renoncer à des investissements ?

Un fonds... juste pour "sortir la tête de l'eau" ?

Face à cette situation, l'AMF avait élaboré et remis au gouvernement un certain nombre de propositions. Auxquelles Manuel Valls a apporté de premières réponses qui, visiblement, sont loin de satisfaire les maires. Certes, "la rencontre a été cordiale, le Premier ministre a écouté nos demandes" et "nous avons récupéré un milliard, donc on ne repart pas bredouilles", a reconnu François Baroin lors d'une conférence de presse au lendemain du rendez-vous.
La principale annonce de Matignon a en effet été la création d'un fonds d'un milliard d'euros destiné, donc, à soutenir l'investissement local. Une proposition pas très éloignée de l'idée d'un "fonds territorial d'équipement" proposée depuis longtemps par l'AMF. Sauf que l'on ne sait pas encore comment ce fonds sera abondé. Le chef du gouvernement ne l'a pas précisé. "Nous devons réfléchir ensemble à la ressource qui l'alimenterait", a-t-il en effet indiqué aux maires. L'œil de Bercy, avec la présence de Christian Eckert à la réunion de jeudi, ne serait peut-être pas étranger à la prudence de Manuel Valls.
"Si c'est pour prendre à d'autres, ça ne nous intéresse pas, il faut que ce soit de la dépense d'Etat", tranche François Baroin. "Et s'il s'agit encore de recycler des crédits qui existent déjà…", redoute Philippe Laurent, le secrétaire général de l'AMF. Lequel note que l'on ne sait pas non plus si ce fonds sera pluriannuel. Et sur quel type d'investissements celui-ci sera fléché. Il ne peut donc que regretter que le gouvernement n'ait pas davantage "travaillé" cette proposition. Et souligne que "si ce fonds doit être fléché, il doit l'être sur des investissements qui peuvent être réalisés rapidement", citant par exemple les travaux liés à la voirie ou à l'éclairage public. Autre interrogation : le fonds sera-t-il réservé à certaines communes ? Là aussi, les analyses divergent. "Le milliard" pourrait en effet être réservé aux communes les plus en difficulté. "Nous avons dit que cela n'aurait aucun sens. Pour ces communes, cela leur servira juste à sortir la tête de l'eau, ce n'est pas cela qui favorisera l'investissement", explique François Baroin.

TVA : remboursement anticipé ou nouveau prêt ?

Autre avancée : Manuel Valls se dit prêt à élargir l'assiette de remboursement du FCTVA. Si cela répond à l'une des propositions de l'AMF, là encore, un certain flou subsiste quant à l'ampleur de cet élargissement. Le gouvernement songerait à rendre éligibles certaines dépenses d'entretien des bâtiments municipaux, tandis que l'AMF a également listé les dépenses liées aux maisons de santé (y compris hors ZRR), à la mise à disposition de locaux à titre gratuit, à l'enfouissement des réseaux de communication, aux conventions d'affermage de services publics...
En outre, les maires continuent de demander un remboursement en temps réel ("en année N") de la TVA. On se souvient que début avril, Manuel Valls avait déjà annoncé quelque chose d'approchant : la mise en place par la Caisse des Dépôts d'un préfinancement à taux zéro des remboursements au titre du FCTVA. Il propose aujourd'hui de prolonger le dispositif sur 2016 et 2017. Selon l'AMF toutefois, les deux logiques diffèrent, dans la mesure où "tout prêt signifie un accroissement de la dette des collectivités".
Le gouvernement pourrait par ailleurs amorcer une ouverture sur le sujet de la récupération des frais de gestion prélevés par l'Etat sur les collectivités. L'AMF a avancé le chiffre de 1,1 milliard qui pourrait revenir au bloc local. Serait-ce ce milliard-là qui viendrait abonder le nouveau fonds de soutien ?

"Lâcher les vannes de l'investissement public"

Un autre rendez-vous à Matignon est prévu d'ici la mi-juillet. Avec, en ligne de mire, la préparation du projet de loi de finances pour 2016. D'ici là, les travaux et les discussions vont donc se poursuivre. Sauf que les choses achoppent sur l'essentiel : les maires continuent de demander un amoindrissement et un étalement de la baisse des dotations. Or là-dessus, pas d'ouverture. D'où le verdict d'André Laignel, le premier vice-président délégué de l'AMF : "Le compte n'y est pas."
Les maires continuent aussi de remettre en cause le bien-fondé même de cette baisse, qu'ils jugent injustifiée et contreproductive au moment où il faudrait au contraire, clame François Baroin, "lâcher les vannes de l'investissement public". "Il faut lever ce paradoxe qui n'est pas tenable", "aidez-nous à investir", martèle le maire de Troyes, qui compte poursuivre son travail de "pédagogie". Par exemple en expliquant que "1 milliard d'investissement, ce sont 300 à 400 millions qui reviennent dans les caisses publiques, cela participe de la baisse du chômage, cela joue sur l'attractivité économique d'un territoire...". Et celui qui fut en d'autres temps le ministre des Finances ayant instauré un gel des dotations – au nom de la "part d'effort" que les collectivités devaient prendre au rétablissement des finances publiques – de déclarer aujourd'hui : "Il y a une différence entre cette saignée et le fait ne pas appliquer l'inflation."
Ce jeudi 4 juin, l'AMF réunira son comité directeur. Avec la ferme intention de "proposer une série d'actions concrètes sur le terrain" afin de manifester l'inquiétude, "l'amertume" et la "colère" des élus locaux. De la pédagogie, des actions de terrain... et un combat juridique. "Nous n'écartons aucune piste juridique, y compris le Conseil constitutionnel", prévient en effet François Baroin.

 

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