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Finances locales - Baisse des dotations, péréquation... le Comité des finances locales rend sa copie

Au terme d'une longue série de réunions préparatoires, les membres du Comité des finances locales, instance où siègent des élus de tous types de collectivités, sont parvenus, le 25 juin, à un accord sur les grands enjeux des finances locales. Celui-ci va servir de base à la négociation entre le gouvernement et les associations d'élus locaux, lors de la conférence des finances locales qui se tiendra à la mi-juillet. Objectif : élaborer le "pacte de confiance et de responsabilité" voulu par le président de la République, qui doit commencer à trouver sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2014 qui sera discuté à l'automne.

Le Comité des finances locales (CFL) va transmettre au Premier ministre un "relevé de conclusions" qui détaille en vingt-cinq points ses positions sur six sujets relatifs à l'avenir des finances locales. L'instance consultative a approuvé lors d'une séance exceptionnelle - qui s'est déroulée, le 25 juin, en l'absence de représentants du gouvernement - ce document qui résulte des réflexions des deux groupes de travail qu'elle a mis sur pied au lendemain de la conférence des finances locales du 12 mars dernier. Lors de cette rencontre au sommet entre le gouvernement et les élus locaux, le Premier ministre avait en effet ouvert six chantiers (lire nos articles des 13 mars et 19 mars 2013) et confié au CFL la charge d'avancer sur chacun d'entre eux.

Evolution des dotations et répartition des efforts d'économie entre les collectivités
Le CFL "prend acte de la volonté du gouvernement de diminuer les dotations aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d'euros en 2014 et du même montant en 2015 et dit la vive préoccupation que suscite cette baisse". En outre, il "souhaite que cette baisse soit considérée comme une contribution exceptionnelle à la réduction du déficit de l'Etat". Concrètement, le montant correspondant pour chaque collectivité à la baisse de ses dotations serait inscrit en dépense dans son budget. Les élus locaux entendent ainsi souligner que le coup de rabot sur les collectivités doit être temporaire. "C'est un effort ponctuel lié à la situation en espérant que dans deux ans, le budget de l'Etat soit revenu à meilleure fortune", a insisté André Laignel, le président du CFL. Par ailleurs, le CFL demande que le prélèvement soit "lissé" sur trois ans, étant donné que la Commission européenne a laissé un sursis à la France pour réduire son déficit public à 3% du PIB.
Se disant "très préoccupé" par les "risques de baisse importante" des investissements publics locaux en 2014, le CFL demande la mise en place d'un "dispositif qui préserve la capacité d'investissement des collectivités locales". Sans plus de précisions. L'Association des maires de France (AMF) avait réclamé, le 22 mai, que la réduction des dotations serve à alimenter un fonds dédié à l'investissement des collectivités (lire ci-contre notre article réalisé à cette date). Le gouvernement n'a pas, pour l'instant, pris position de manière officielle sur cette proposition, confiait récemment André Laignel à Localtis. Sans laisser filtrer l'état des éventuelles réflexions du gouvernement sur le sujet, il a fait remarquer ce 26 juin, lors d'une conférence de presse, que "cette question de l'investissement est un sujet qui préoccupe le Premier ministre et le ministre en charge du budget".
Pour déterminer le niveau de l'effort de chacune des trois catégories de collectivités locales (bloc communal, départements, régions), le CFL propose de se référer à la part des recettes de chaque catégorie dans les recettes totales (fonctionnement et investissement) des collectivités. "Ce système simple et lisible n'était acceptable que si, parallèlement, il y avait un effort sur la péréquation", a souligné André Laignel. Cette proposition reprend peu ou prou la position commune avancée dès le 12 mars dernier par les associations d'élus du bloc communal (poids de chaque catégorie de collectivités dans les "ressources totales locales"). La proposition du CFL conduit à raboter, en 2014, les ressources des communes et de leurs groupements de 840 millions d'euros, celles des départements de 476 millions et celles des régions de 184 millions d'euros.
Le CFL a, par ailleurs, précisé ses souhaits concernant la répartition des efforts d'économies à l'intérieur de chaque niveau de collectivités. S'agissant du bloc communal (communes et intercommunalités), il souhaite une répartition "au prorata des recettes réelles de fonctionnement". Cette clé de partage conduit à faire porter la baisse de 840 millions d'euros des ressources du bloc communal pour 70% sur les communes et pour 30% sur les communautés. L'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui a critiqué le schéma initialement envisagé, à savoir des parts respectives de 60% pour les communes et 40% pour l'intercommunalité, a donc obtenu gain de cause.
Du côté des communautés, les économies de l'Etat seraient réalisées par une double réduction de la dotation d'intercommunalité et de la dotation de compensation de la part salaires. Du côté des communes, la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait mise au régime. Telles sont les pistes envisagées par les membres du CFL, mais qui ne figurent pas dans le relevé de conclusions.
Pour les départements, les élus locaux – y compris les présidents de conseils généraux siégeant au CFL – ont souhaité "que la baisse des dotations soit modulée dans une logique de péréquation". Sous réserve des conclusions du groupe de travail mis en place par le gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF) sur le financement des allocations de solidarité, la baisse des dotations serait différenciée entre les départements en tenant compte du revenu par habitant et de l'effort fiscal, a détaillé André Laignel, reprenant ainsi l'état des réflexions du groupe de travail qui a planché sur cette question.
Pour les régions, le CFL prône une baisse des dotations "au prorata des recettes réelles". Par ailleurs, il souhaite que "les spécificités des régions d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Corse soient prises en compte".

La péréquation
Le CFL se prononce pour le renforcement de la péréquation "pour limiter l'impact de la baisse des dotations sur les collectivités les plus pauvres". Cependant, une hausse de 109 millions d'euros des dotations de péréquation destinées aux communes soit le montant de la hausse en 2012) lui a semblé plus raisonnable qu'une hausse de 218 millions d'euros (montant de la progression en 2013). Il faut dire que cet effort en faveur des communes les moins bien dotées est financé par une réduction équivalente d'autres dotations. Avec un tel effort, la dotation de solidarité urbaine (DSU) augmenterait de 60 millions d'euros et la dotation de solidarité rurale (DSR) de 39 millions d'euros.
S'agissant des ressources du fonds de péréquation du bloc communal (Fpic), les élus locaux ont été d'accord pour qu'elles atteignent en 2014 le montant prévu par la loi, soit 570 millions d'euros. C'est la somme que le législateur avait inscrit, fin 2011, dans la loi (donc bien avant l'annonce de la baisse des dotations). Des représentants de grandes villes ont à plusieurs reprises au cours des dernières semaines plaidé pour un ralentissement de la progression de ce fonds sans, donc, parvenir à se faire entendre.
Le CFL a, par ailleurs, fait preuve d'un assez large consensus sur les aménagements du Fpic à réaliser dans la loi de finances pour 2014 (sur ces ajustements, lire notre article du 14 juin 2013).

L'évolution des ressources des différents niveaux de collectivités
Les enjeux de ce dossier sont majeurs pour les régions. Le gouvernement a promis d'accroître leur autonomie fiscale. En effet, la réforme de la fiscalité directe locale ne leur a laissé un pouvoir de taux que sur la taxe sur les cartes grises (moins de 10% de leurs recettes). Le CFL "demande que soient plus particulièrement examinées" quatre pistes : l'affectation à leur profit de recettes de versement transport prélevées sur une nouvelle assiette, "l'extension de la taxe d'aménagement à toutes les régions" (l'Ile-de-France la perçoit déjà), "l'attribution d'une imposition dans le secteur du numérique", "l'instauration d'une fiscalité sur les autoroutes" (pour en savoir plus, lire notre article du 17 juin 2013).
Pour le bloc communal, le CFL réclame là encore plus de liberté. Cela passerait par "une déliaison encadrée des taux de fiscalité directe locale". Aujourd'hui, les assemblées locales "ne peuvent pas, par exemple, augmenter le taux de la cotisation foncière des entreprises sans augmenter aussi le taux de la taxe d'habitation. C'est pratiquement impraticable", a expliqué André Laignel. Autre point : alors que le gouvernement a promis d'ouvrir une concertation sur la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, le CFL veut que dans le cadre de cette concertation, le gouvernement s'engage à ne pas remette en cause les dégrèvements de fiscalité locale.

L'analyse des dépenses contraintes
A partir des calculs réalisés par la direction générale des collectivités locales, le président du CFL évalue à 1,8 milliard d'euros la facture que représentent les charges supplémentaires des collectivités territoriales en 2014. La réforme des rythmes scolaires coûterait à elle seule 600 millions d'euros en année pleine.

L'accès au crédit des collectivités territoriales
Le CFL "salue la création de la société de financement local (Sfil) et la mise en place par la Caisse des Dépôts de l'enveloppe de prêts sur fonds d'épargne de 20 milliards d'euros pour la période 2013-2017 et la création prochaine de l'agence de financement des collectivités locales".
Concernant les 20 milliards d'euros de prêts destinés au financement des réseaux d'infrastructures, le CFL souhaite "un assouplissement des critères d'éligibilité des projets d'investissements des collectivités locales". Il demande, par ailleurs, que ces prêts puissent financer aussi la mise en conformité des équipements publics aux normes d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
Sur le dossier des emprunts toxiques, le CFL s'oppose, "à l'unanimité" selon André Laignel, à ce qu'une partie des dotations de l'Etat aux collectivités soit affectée au soutien des collectivités ayant souscrit de tels emprunts (comme c'est le cas cette année, via le fonds de soutien de 50 millions d'euros).
S'agissant de la "loi de validation" qui empêcherait l'application du taux d'intérêt légal pour le remboursement des emprunts toxiques souscrits au cours des dernières années, elle est indispensable, a estimé André Laignel en répondant aux questions de la presse. "Sinon, la Sfil ne pourra pas aller sur le marché bancaire pour faire appel à l'épargne", a-t-il indiqué, en ajoutant que "tout le monde au sein du CFL est unanime".

L'avenir de la contractualisation entre l'Etat et les régions
Le CFL plaide notamment pour que celle-ci "corrige les inégalités territoriales dans une logique d'aménagement du territoire". Par ailleurs, il souligne que "si la région demeure l'échelon pertinent de la contractualisation, tous les niveaux de collectivités territoriales doivent être associés à l'exercice".

Le relevé des conclusions "a fait l'objet d'un très large accord au sein du CFL", s'est félicité André Laignel, qui y voit un "signe de responsabilité et de maturité de la part des élus locaux". L'ADF attendra, toutefois, l'issue des négociations sur le financement des allocations de solidarité pour se prononcer sur l'ensemble du dossier.
Au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, "le gouvernement retiendra ce qu'il souhaite", a rappelé André Laignel. En laissant entendre, cependant, que l'exécutif réfléchirait avant d'aller à l'encontre de l'avis exprimé par les élus locaux.
Le gouvernement doit apporter ses réponses à l'occasion de la seconde conférence des finances locales, qui doit se tenir autour du Premier ministre à la mi-juillet, vraisemblablement le 16.

 

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