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Bâtiment : un rebond en "demi-teinte" attendu en 2021

Après une chute de plus de 15% en 2020, l’activité du bâtiment devrait progresser de 11% en 2021. Un rebond insuffisant pour effacer le retard de cette année de pandémie et surtout pour endiguer les difficultés inhérentes à l’arrêt des aides d’Etat. La Fédération française du bâtiment qui craint une perte d’environ 80.000 logements et 100.000 emplois d’ici à 2022 par rapport à 2019 émet trois propositions pour "éviter le pire".

Alors que la France sort en partie et affaiblie du 2e confinement, la Fédération française du bâtiment (FFB) redoute déjà les effets d’une éventuelle 3e vague sur l’activité en 2021. Il faut dire qu’au regard des chiffres présentés ce mardi 15 décembre 2020 par le président Olivier Salleron, la situation est préoccupante même si l’année se termine sur "un score moins mauvais que prévu". La chute de l’activité du bâtiment en 2020 atteint -15,2%, ce qui représente un manque à gagner de 23 milliards d’euros. Le chiffre d’affaires de la profession devrait se situer aux alentours de 125 milliards d’euros contre 148 milliards en 2019. Les mesures de soutien de l’Etat ont permis de limiter les dépôts de bilan (-40% de défaillances) et autres licenciements, la baisse des effectifs ayant été contenu à -0,8%, soit 10.000 postes supprimés en net (30.000 emplois en moins essentiellement d’intérimaires et 20.000 embauches).

Mais la perspective de l’arrêt des perfusions en 2021 (chômage partiel, baisse ou report des charges, fonds de solidarité, PGE) sans une reprise soutenue de l’activité fait craindre des pertes beaucoup plus importantes l’an prochain, la FFB évaluant déjà à 50.000 le nombre de postes menacés et le double à l’horizon de 2022 (potentiellement 200.000 sur l’ensemble de la filière).

"Dégringolade" dans la construction neuve

Du côté de la production, la FFB pointe "la dégringolade" dans la construction neuve qui a chuté de 22,5% en 2020, à parts quasi égales entre le logement (-22,3%) et le non résidentiel (-22,8%), alors que l’amélioration-entretien (-8,8%) a moins souffert que le neuf et surtout la rénovation énergétique (-5,4%). Ainsi, 375.000 logements ont été mis en chantier contre 410.000 en 2019.

"Le recul global des autorisations s’avère bien plus net", à -14,9% (380.000 logements) sous les effets conjugués de plusieurs facteurs (premier confinement, élections municipales, repli marqué au second semestre). Le non résidentiel souffre tout autant avec une diminution de la production de 15,3%, soit 18,1 millions de m2 (-3,3 millions m2 rapport à 2019), les commerces étant les principaux affectés (-26,2%). "Le recul marqué de l’activité pèse sur les entreprises et se traduit depuis quelques mois par le retour d’une guerre des prix qui vient écorner des marges faibles et des réserves limitées", a indiqué Olivier Salleron qui annonce toutefois "un rebond d’activité en 2021" estimé à un peu plus de 11% en volume.

Mais pour le président de la FFB "les perspectives 2021 s’avèrent, au mieux, en demi-teinte", si on les compare au niveau d’activité de 2020 et surtout ce rebond ne suffira pas à "compenser l’effondrement de 2020". Aussi, rapportée à l’activité de 2019 (année de référence), "la prévision 2021 ressort en recul de 5,6%, hors effet prix".

Risque d’une pénurie de logements

"La principale raison du choc tient toujours au neuf, dont la production s’afficherait en hausse de près de 15% en logement et de 12% en non résidentiel sur un an… donc en repli d’environ 11% en logement et 14% en non résidentiel par rapport à la situation d’avant crise", détaille Olivier Salleron. Ainsi, seuls 328.000 logements et 22,2 millions de m² sortiront de terre en 2021. "Quant aux permis, ils fléchiraient encore d’environ 9% en logement et 3% dans le non résidentiel, préparant une poursuite du recul en 2022", redoute ce dernier craignant une pénurie de logements à plus ou moins long terme.

Si la FFB salue le prolongement du PTZ (2022) et du Pinel (2024), elle déplore "le peu d’ampleur" attribué par France Relance en faveur du neuf. Le "Fonds friche", doté de 300 millions d’euros sur deux ans, ne permettra de mettre à disposition des terrains constructibles que dans plusieurs années sauf exception. Quant à l’aide à la densification (350 millions d’euros sur deux ans), elle ne sera versée qu’ex-post, en fin d’année et son budget montre que son impact restera limité.

Geste de la part des collectivités territoriales

Selon la FFB, sans "coup de pouce" supplémentaire, il n’y aura pas de relance dans la construction neuve. Entre la frilosité des banques, les nouvelles normes et la mise en œuvre de la réglementation environnementales 2020 (RE2020) à compter du 1er juillet 2021, les freins à l’acquisition notamment des primo-accédant n’aident pas à une vraie relance. Quand le gouvernement annonce 4%, FFB-Pôle habitat et FFB-FPI-USH évaluent la hausse des coûts de construction du fait de la RE2020 entre +7% et +15%.

Afin d’enrayer la chute d’activité annoncée sur le logement neuf en 2021 et 2022, l’évolution des permis et des mises en chantier de 2021 constituant la tendance des chantiers de 2022, voire au-delà, la FFB estime indispensable la mise en place rapide (dès la première loi de finances rectificative pour 2021) "de mesures chocs, de nature à infléchir la tendance courant 2021" (lire ci-dessous).

Quant à la commande publique, si la simplification administrative rend possible la passation de marché sans publicité jusqu’à 100.000 euros, la FFB attend également un geste de la part des collectivités territoriales alors que le nombre d’appels d’offres a chuté de 35% en 2020. Une charte a été récemment signée dans ce sens avec le président de l’Association des maires de France, François Baroin, pour que "des projets sortent des cartons le plus vite possible".

 

 

Trois mesures de relance pour "éviter le pire"

Les trois dispositifs de soutien préconisés par la FFB :

  • Mise en place d’un crédit d’impôt transitoire (pendant deux ans : 2021 et 2022) à la primo-accession dans le neuf qui s’appliquerait aux annuités d’emprunt (capital et intérêts hors assurance) et pourrait être cumulable avec le prêt à taux zéro, ce qui permettrait de débloquer une trentaine de milliers d’opérations pour un coût d’environ 460 millions d’euros par an.
  • Afin de "passer la vague des surcoûts de la RE2020", la FFB propose d’ajouter un complément à ce crédit d’impôt transitoire qui prendrait la forme d’un taux majoré de 10 points de pourcentage. L’aide s’établirait ainsi à 50% des annuités prises en compte sur cinq ans.
  • La FFB suggère enfin un renforcement du dispositif "Pinel" pour les constructions réalisées en RE2020. Il s’agirait de majorer de moitié les taux de réduction d’impôt actuellement en vigueur (par exemple, pour un investissement de neuf années, le taux serait porté de 18% à 27%). Cela permettrait de contribuer à relever le nombre d’opérations aux environs de 50.000 unités.