Les pistes du "Beauvau" pour le financement de la sécurité civile
Le ministre François-Noël Buffet a clos, jeudi 4 septembre, le chantier du "Beauvau de la sécurité civile" lancé par ses prédécesseurs en avril 2024. Le "rapport de synthèse" dévoilé lors d'un dépacement à Poissy doit déboucher à l'automne sur un projet de loi dont l'avenir est pour le moins incertain.

© @fnb_officiel/ François-Noël Buffet à Poissy le 04 septembre
Quel que soit l’avenir du gouvernement Bayrou, les deux locataires de la place Beauvau, Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, ont voulu écluser, avant le vote de confiance du 8 septembre, les deux grands chantiers qui ont enjambé les différents remaniements : le "Beauvau de la police municipale", dont le projet de loi a été dévoilé dans les grandes lignes le 2 septembre à Sartrouville (voir notre article) et envoyé au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et le "Beauvau de la sécurité civile". Alors que l’impatience montait chez les syndicats (voir notre article), François-Noël Buffet, accompagné de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, en a dévoilé le rapport de synthèse lors d’un déplacement à Poissy, jeudi.
Fruit d’une vaste concertation engagée en avril 2024 par Gérald Darmanin et Dominique Faure pour redéfinir un modèle qui s’essouffle, relancé une première fois à Rouen, puis une seconde à Meythet (Haute-Savoie), le rapport doit lui aussi déboucher sur un projet de loi à l’avenir très hypothétique. "Nous allons maintenant concentrer nos efforts sur la rédaction d’un projet de loi qui, vous l’avez compris, nous permettra d’élaborer un nouveau contrat de confiance", a martelé le ministre placé auprès du ministre de l’Intérieur. Il pourrait être déposé "fin octobre, début novembre, nonobstant la situation politique", a-t-il précisé à la presse. François-Noël Buffet a relevé quatre constats majeurs : l’augmentation des missions de sécurité civile, sous l’effet du vieillissement de la population et de la multiplication des aléas climatiques, la complémentarité des statuts (volontaires, bénévoles et professionnels civils et militaires), le besoins de moyens d’anticipation au service de la "résilience des territoires" (comme la détection des feux naissants) et, enfin, "l’indispensable résilience de la population".
Un modèle "à bout de souffle"
Mais c’est avant tout à un problème de financement que la sécurité civile est confrontée depuis des années. Un sujet que le ministre jugeait "urgent" à sa prise de fonction. Le rapport estime le modèle actuel "à bout de souffle", avec des inégalités fortes entre les territoires, et appelle à de nouvelles ressources. Il suggère ainsi d’élargir l’assiette de la TSCA (taxe sur les conventions d’assurance) à d’autres contrats (véhicules électriques, contrats d’habitations), de déplafonner des contributions du bloc communal, notamment dans les départements en forte croissance démographique (Gironde, Hérault…) ou sujets à fortes variations saisonnières, d’envisager une participation des métropoles et d’encourager celle des régions (à noter que le projet de loi polices municipales prévoit lui aussi la possibilité pour les régions de financer les équipements de vidéoprotection, comme promis par Bruno Retailleau il y a quelques semaines). Une taxe départementale additionnelle à la taxe de séjour, proportionnelle aux flux touristiques, est également sur la table, une piste jugée cependant "délicate à emprunter" dans le contexte actuel. Le rapport envisage également de reconnaître la "valeur du sauvé", à savoir la juste contribution des assureurs au regard des économies réalisées par l’action des secours.
Le ministre a également ouvert une brèche dans la gratuité des secours et appelé au développement de la culture du risque et de la responsabilisation, dénonçant les "comportements irresponsables". "Par inconscience ou par amateurisme, certains de nos compatriotes se mettent en danger. Ce n’est plus acceptable. Ils doivent payer leur prise de risque", a-t-il affirmé. Il a également questionné "le rôle de l’Assurance maladie dans le financement de tout ou partie des missions effectuées par les SIS" et appelé à sécuriser le financement des associations agréées de sécurité civile (allègements de charges, soutiens à l’investissement…).
80% des interventions liées au secours à personne
Rappelant que 80% des interventions des Sdis sont aujourd’hui consacrés au secours et au transport urgent et non urgent à personne, François Noël Buffet souhaite que soient clairement redéfinies leurs missions dans un "contrat opérationnel", avec en filigrane la question récurrente des "carences ambulancières". Il souhaite aussi généraliser les plateformes communes de traitement des alertes (15-18-112) sur l'ensemble du territoire. Il préconise par ailleurs "une stratégie de programmation pluriannelle de renforcement et d’adaptation des moyens nationaux". Alors que la commission des finances de l'Assemblée nationale s’inquiétait en début d’été de l’état de la flotte aérienne (voir notre article du 4 juillet), le ministre a renouvelé les engagements de l'Etat dans ce domaine.
Le rapport prévoit enfin de renforcer l’attractivité du métier. François-Noël Buffet a voulu rassurer les sapeurs-pompiers volontaires sur l’avenir de la Nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) créée en 2016 et revalorisée en 2023 dans le but de fidéliser les volontaires. Le dispositif dans sa forme actuelle "ne doit pas être remis en cause". "Nous trouverons les équilibres afin de sécuriser son financement", a-t-il déclaré, quelques jours après que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a manifesté ses plus vives inquiétudes. Le ministre s’est également dit "pleinement engagé" aux côtés de Bruno Retailleau pour faire aboutir la publication du décret relatif à la bonification retraite prévue par la réforme de 2023.
Le président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (Cnsis), également président du conseil départemental de la Mayenne, a jugé ces propositions "concrètes et innovantes". Elles "confortent en effet l’échelon départemental afin que la sécurité civile reste une politique publique régalienne de proximité", s’est-il réjoui, dans un communiqué. L’élu souhaite "un passage aux actes rapides, dès les débats parlementaires pour le budget 2026, en particulier sur le sujet de la TSCA".