Cartes.gouv.fr rebat les cartes du partage de données géographiques
La version finale de cartes.gouv.fr a été officiellement lancée ce 15 décembre à Paris. Fusion de la Géoplateforme et du Géoportail, le nouveau point d'entrée de l'IGN entend faciliter le partage de géodonnées de toutes natures en plus de leur visualisation. Avec un ensemble de fonctionnalités qui pourraient amener certaines collectivités à être tentées d'abandonner leur portail open data.
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Deux ans après son lancement en version bêta, l'héritier du Géoportail cartes.gouv.fr propose des services totalement intégrés avec l'ancienne Géoplateforme. Les témoignages entendus lors de son lancement le 15 décembre saluent un outil "fluide", "stable" qui évite "téléchargements et manipulations de données" tout en offrant des services évolués de création de cartes et de géovisualisation. Il est le résultat d'un intense travail de concertation mené par l'IGN, la Dinum avec les acteurs de la géodonnée au niveau de l'Etat (Cerema, Inéris, Shom…) et des territoires (Crige Paca, Géobretagne…).
Un commun souverain articulé à data.gouv.fr
"Avec cartes.gouv.fr et la géoplateforme, nous disposons d'une infrastructure souveraine, ouverte et collaborative, offerte à tous", s'est félicitée Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique. La Dinum a insisté sur l'articulation entre cartes.gouv.fr et data.gouv.fr, le dépôt national des données publiques. "Il s'agira de poursuivre ce travail de coordination étroite pour rendre ce continuum d'accès à la data le plus lisible possible", a-t-elle ajouté. Pour Sébastien Soriano, directeur général de l'IGN, cartes.gouv.fr a réussi le pari de créer "un commun" qui répond aux besoins de l'Etat central et déconcentré, tout en embarquant les collectivités sans oublier le grand public. Il a rappelé au passage "qu'un commun numérique est géré par une communauté", appelant tout l'écosystème de la géodonnée d'intérêt général à s'approprier l'outil et à contribuer. Un message en direction des collectivités et établissements publics appelés à y verser leurs données.
Des données de référence enrichies et accessibles
Côté fonctionnalités, on retrouve ce qui a fait le succès du Géoportail. Cartes.gouv.fr se distingue cependant par un catalogue enrichi qui va bien au-delà des grands référentiels IGN. Parmi les ajouts récents, les données Lidar haute définition offrent une représentation du territoire en nuages de points, particulièrement utiles pour les études sur les risques naturels, la couverture végétale ou les aménagements. Est aussi intégré le jeu sur l'occupation du sol à grande échelle (OCS-GE). Progressivement disponible sur tout le territoire, il offre une analyse fine de l'artificialisation des sols répondant aux objectifs du Zéro artificialisation nette (ZAN).
Cartes.gouv.fr intègre aussi des outils d'analyse. Dans les nouveautés, le calcul d'isochrones pour visualiser les zones accessibles en un temps donné, particulièrement utile pour les études de desserte ou l'implantation d'équipements publics. L'outil de profil en long facilite quant à lui les études topographiques. Ces fonctionnalités, autrefois réservées aux SIG professionnels, deviennent accessibles via un simple navigateur.
Une recherche de données repensée
Le service "Rechercher" constitue le cœur du volet Géoplateforme, répertoire de l'ensemble des données géographiques disponibles susceptibles d'être affichées dans l'interface. Chaque jeu de données dispose d'une fiche détaillée précisant caractéristiques, emprise géographique, millésimes disponibles et modalités de réutilisation. Pour la BD Forêt par exemple, les utilisateurs peuvent accéder à plusieurs années, choisir leur format de téléchargement et le découpage géographique, jusqu'au niveau départemental.
Les producteurs de données définissent eux-mêmes les modalités de mise à disposition, que ce soit en téléchargement ou via des API, permettant l'accès à des données en flux continu. Dans l'autre sens, les métadonnées saisies dans cartes.gouv.fr alimentent automatiquement le catalogue de data.gouv.fr, créant un référencement croisé sans ressaisie.
Partager cartes et géodonnées
Par rapport au Géoportail, la vraie rupture réside dans la fonction "Publier". Cartes.gouv.fr devient une plateforme d'hébergement et de diffusion de géodonnées, avec 500 Go de stockage gratuits. Les utilisateurs, connectés via ProConnect ou FranceConnect – pour authentifier les mises à jour - peuvent y charger tous types de géopackages, renseigner les métadonnées et paramétrer les services de diffusion. En quelques clics, la donnée devient disponible dans le catalogue, avec une maîtrise du niveau d'ouverture : donnée publique ou accès restreint, consultation limitée à la plateforme ou réutilisation via flux externes. Pour 2026, l'IGN annonce le déploiement d'un service "Collaborer" qui permettra de créer des guichets participatifs où plusieurs acteurs pourront enrichir une même base de données avec des droits de modification granulaires.
Autant de fonctionnalités qui ont de quoi questionner les collectivités sur la nécessité de maintenir un portail open data, comme le montre le témoignage du Grand Paris. Aujourd'hui, les données de la métropole sont dans le SIG métropolitain et sur une plateforme open data connectée à data.gouv.fr. Cartes.gouv.fr pourrait changer la donne. "On pourrait déporter un certain nombre de nos données sur la plateforme de l'IGN. Pourquoi pas même s'affranchir de l'infrastructure open data de la métropole pour basculer sur cartes.gouv.fr", s'interroge son responsable SIG. Les motivations sont multiples : "Réduire la sollicitation de notre infrastructure informatique et ouvrir davantage une donnée qui mérite d'être utilisée". Une réflexion d'autant plus sérieuse que la collectivité se félicite du changement de posture de l'IGN, désormais beaucoup plus à l'écoute des territoires. La moitié de la journée était d'ailleurs consacrée à un "comité utilisateurs" et à des groupes de travail devant proposer des ajustements à la plateforme.