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Commande publique - Catherine Bergeal : après une année de "consolidation juridique", 2013 marquée par la négociation des directives

Catherine Bergeal, directrice des affaires juridiques (DAJ) de Bercy, est venue présenter aux acheteurs publics les dernières réformes et projets en cours lors de la tenue de la 159e session d'études sur l'"Actualité des contrats et des marchés publics" organisée par l'Apasp les 5 et 5 avril derniers (voir également notre article du 9 avril). Comme c'est désormais la tradition à cette période de l'année, son intervention a été l'occasion de commenter les textes publiés et les travaux effectués au cours des douze derniers mois et d'esquisser les priorités à venir.

2012 : peu d'innovations réglementaires

"2012 a été une année à la fois de consolidation juridique et de précision", a résumé Catherine Bergeal pour évoquer le panorama des textes publiés depuis janvier 2012. Pour la directrice de la DAJ, "la consolidation juridique en matière de commande publique tient largement à la loi Warsmann n° IV du 22 mars 2012". Celle-ci reprend en effet plusieurs dispositions existantes comme celle portant à 15.000 euros le seuil des marchés pouvant être passés sans publicité ni mise en concurrence.
Des précisions réglementaires sont en outre venues enrichir les textes de la commande publique. Ainsi, l'arrêté sur la signature électronique dans les marchés publics publié le 15 juin 2012 contient deux dispositions importantes dont l'objectif est de faciliter le développement des procédures dématérialisées. N'importe quel certificat de signature électronique peut désormais être utilisé s'il dispose des garanties de sécurité suffisantes. Par ailleurs, il ne peut être imposé, tant à l'acheteur public qu'à l'entreprise, un type d'outil de signature précis.
D'autres travaux entamés en 2012 ont trouvé leur aboutissement en ce début d'année. A ce titre, le décret d'application de la loi Dadue précisant les modalités en matière de lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique a été publié. Si les délais restent inchangés pour l'Etat et les collectivités territoriales (30 jours), les hôpitaux (50 jours) et les entreprises publiques (60 jours), en revanche, le taux des intérêts moratoires est augmenté et correspond au taux de la BCE + 8 points (contre 7 auparavant). Le dispositif réglementaire prévoit en outre une amende forfaitaire de 40 euros par jour de retard. Néanmoins, dans un souci de simplification, les intérêts moratoires complémentaires ont été supprimés.

Priorités et objectifs pour 2013

Catherine Bergeal a souligné que l'activité moindre en matière de règlementation des marchés publics en 2012 avait permis à la DAJ de concentrer son effort sur l'élaboration et la mise à jour de nombreux guides et fiches techniques. Outre un travail conséquent lié aux consultations préalables et aux réunions de groupes de travail, des mises à jour et des nouveautés ont été publiées.
Ainsi, un guide sur l'achat public innovant devrait paraître prochainement, tandis qu'un "vade-mecum Marchés publics" regroupant l'ensemble des fiches et le guide de bonnes pratiques devrait bientôt être publié. Tous ces travaux ont vocation à être mis à jour régulièrement, notamment en fonction des nouvelles jurisprudences et des observations émises par les acheteurs publics et les fédérations professionnelles, l'idée étant de faire "quelque chose d'opérationnel".
Si le conseil auprès des acheteurs publics demeure l'objectif principal, celui de "la négociation des directives européennes" est une priorité absolue, a relevé Catherine Bergeal. Les négociations des deux directives Marchés publics (secteurs généraux et secteurs spéciaux) et de la directive Concessions se poursuivent. Actuellement, les Etats membres se trouvent dans une phase de trilogue avec la Commission européenne et le Parlement européen dans le cadre d'une procédure de codécision. Lors des dernières discussions, la France a pu obtenir quelques résultats satisfaisants, notamment sur la question des cas de recours à la négociation et la limitation du dispositif de gouvernance.
Le report du passage à la dématérialisation complète et obligatoire après transposition des directives a également été obtenu, soit un passage à 54 mois au lieu de 18. A la question d'un participant sur l'opportunité de ce report, Catherine Bergeal a précisé que certaines collectivités territoriales et entreprises ne sont pas encore prêtes, sans toutefois exclure la possibilité d'accélérer les délais et de le faire éventuellement secteur par secteur. Les avancées obtenues sont cependant en attente d'une décision du Parlement européen.
La coopération public-public et les avenants sont des points sur lesquels les résultats ne sont pas satisfaisants. Interrogée sur la question du seuil de 5% mentionné par la directive - seuil au-delà duquel un avenant modifierait substantiellement le contrat initial -, Catherine Bergeal estime qu'au dessus de 5%, un avenant pourra toujours être conclu, mais "il faudra simplement expliquer que cela ne bouleverse pas économiquement le contrat initial".
Quant à la négociation sur la directive Concessions, celle-ci semble plus difficile à mener. Enfin, le projet de règlement européen sur la réciprocité dans les marchés publics est toujours en cours de discussion. Soutenu par la France, le texte ne semble pourtant pas faire l'unanimité parmi les autres Etats membres. En tête de liste, l'Allemagne et l'Angleterre restent vigoureusement opposées à ce projet qui pourrait déboucher sur une impasse. Le prolongement de ces négociations a pour conséquence le report de la sortie des directives, attendues désormais vers la fin de l'année 2013. Puis, à l'horizon 2016, un nouveau Code des marchés publics sera alors d'actualité...

L'Apasp

Références : décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ; arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics.


 

Négociation, allotissement, contentieux… l'actualité de la commande publique

Des sujets riches et variés, de la négociation à l'allotissement, des contrats "in house" aux conventions de subventionnement, ainsi que la problématique des circuits courts ont été traités lors des journées sur l'actualité des contrats et des marchés publics.

Former les acheteurs à la négociation est essentiel afin de travailler à "armes égales" avec des commerciaux d'entreprises. Tel a été le témoignage d'Olivier Fauconnier, chef de la mission Achat du ministère de la Culture. Pour permettre l'efficacité de la négociation, le besoin ne doit pas être défini trop strictement et les éléments contenus dans le cahier des charges trop figés. Une négociation se prépare et s'anticipe, d'où l'importance de connaître le marché, les entreprises,  mais aussi de définir clairement son besoin et ses objectifs.
L'application des règles de l'allotissement, devenu obligatoire depuis 2006, demeure délicate. En effet, les prestations distinctes doivent s'entendre comme un ensemble, une entité homogène cohérente susceptible de donner lieu à un marché. Toutefois, il demeure possible de passer un marché global (marché unique) mais son recours devra être justifié, comme l'a précisé maître Guilmain.
Parmi le bilan de la jurisprudence 2012, l'accent a été mis sur une décision importante concernant l'impossibilité de recourir à des méthodes de notation aboutissant à des notes négatives (CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe). L'avocat Franck Lepron a aussi détaillé les décisions du Conseil d'Etat relatives à l'application des critères sociaux et environnementaux.
Le thème des subventions publiques et les risques de requalification en marchés publics a particulièrement retenu l'attention des collectivités. En effet, force est de constater que bon nombre de conventions de subventions publiques ne respectent pas le droit européen applicable aux aides d'Etat et beaucoup d'entre elles sont en réalité des marchés publics. Si les aides d'Etat sont interdites, trois exceptions existent : si la collectivité verse moins de 500.000 euros sur trois ans à une association l'aide ne sera pas qualifiée d'aide d'Etat, si elle respecte les critères Altmark ou les critères Almunia. Par conséquent, les structures publiques doivent être prudentes afin d'éviter la requalification de leurs conventions de subventionnement en marchés publics.
La légitimité du recours aux sociétés publiques locales (SPL) et sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) par les collectivités est aujourd'hui remise en cause par des jurisprudences européenne et nationale ( CAA de Lyon, 7 novembre 2012, Commune de Marsannay-la-Côte et CJUE, 29 novembre 2012 ). Pour Jean-Marc Peyrical, changer la loi en travaillant sur un statut propre aux SPL et SPLA pourrait être une solution.
Les achats en circuits courts dont l'objet peut prêter à confusion avec les achats dit "locaux" ont été abordés en référence à la semaine du développement durable. Des conseils permettant aux collectivités d'effectuer des achats de proximité dans la sécurité juridique ont été apportés tels qu'exiger l'identification claire de l'origine, respecter les délais et conditions de livraison…