Archives

Elus - Ce qu'il faut savoir de la réforme "rétablissant la confiance dans l'action publique"

Le Parlement examinera au cours du mois de juillet les deux projets de loi - ordinaire et organique – ayant pour objet de "rétablir la confiance dans l'action publique." Ces textes, qui visent à empêcher des dérives dénoncées notamment lors de la dernière campagne présidentielle, touchent au premier chef les députés et les sénateurs. Mais plusieurs de leurs dispositions concernent aussi les élus locaux. Localtis fait le point, au moment où le Sénat s'empare du sujet.
 

- Le projet de loi crée une peine complémentaire d'inéligibilité, d'une durée maximale de 10 ans, à l'égard de toute personne faisant l'objet d'une condamnation pénale pour des crimes, ou des délits portant atteinte à la probité. En sachant que sur décision expresse, le juge pourra renoncer à prononcer cette peine. L'exécutif a préféré cette option à l'interdiction de la candidature aux élections de toute personne dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porterait mention d'une condamnation pour certaines infractions. En effet, cette dernière pourrait être anticonstitutionnelle.

- Comme les parlementaires et les membres du gouvernement, les exécutifs des collectivités territoriales et des établissements publics ne pourront plus embaucher des collaborateurs de cabinet parmi les membres de leur famille. Le projet de loi interdit de recruter dans son cabinet : un conjoint, partenaire de pacs ou concubin ; ses parents, enfants, frères et sœurs ainsi que leurs conjoints, partenaires de pacs ou concubins ; ses grands-parents, petits-enfants, neveux et nièces ; les parents, enfants, frères et sœurs de son conjoint, partenaire de pacs ou concubin. En cas de manquement, un élu sera passible de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. En outre, il devra rembourser les sommes perçues par son collaborateur.
En revanche, les autorités territoriales pourront recruter un membre de la famille d'un autre élu local ("recrutement croisé"), sans même avoir à déposer de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Les contrats des collaborateurs de cabinet visés par la nouvelle interdiction prendront fin dans un délai de deux mois à compter de la publication de la loi. Selon l'étude d'impact, les personnes concernées percevront une indemnité de licenciement "correspondant à la moitié de la dernière rémunération perçue par année de service." Cette indemnité "sera à la charge de la collectivité ou de l'établissement public."

- Le projet de loi encadre plus étroitement le recours à l'emprunt par les candidats à une élection politique. Simultanément, le gouvernement entend faciliter le financement transparent et légal de la vie politique, dans le but de garantir le pluralisme. A cette fin, le projet de loi organique prévoit la création d'un "médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques". Tout candidat, groupement ou parti politique pourra s'adresser à lui après avoir essuyé deux refus de demandes de prêts auprès des établissements de crédit. Pour autant, cette innovation pourrait s'avérer insuffisante. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a relevé un recul du recours au crédit à l'occasion de récentes élections. Ce dernier a ainsi représenté 35,20% du financement des candidats aux élections régionales de 2015 (contre 52% en 2010) et 21,28% du financement des candidats aux élections municipales de 2014 (contre 27,7% en 2008). Cette situation pousse le gouvernement à inscrire dans le texte une habilitation pour instituer par ordonnance une "banque de la démocratie", dont la mission sera, "indépendamment de toute pression de l'autorité politique", de consentir des prêts, avances ou garanties aux candidats rencontrant des difficultés à financer leur campagne. Une mission conduite par l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances est actuellement chargée d'étudier les conditions de mise en place de la structure.

- Mettant en avant des risques de "conflit d'intérêts" et de "clientélisme", le gouvernement souhaite mettre un terme, au 1er janvier 2018, à la réserve parlementaire. Dépourvu de fondement légal, ce mécanisme a pris de l'ampleur depuis son apparition en 1973 pour l'Assemblée nationale et, en 1989 pour le Sénat. En 2016, les députés ont réparti, à ce titre, une enveloppe de 81,86 millions d'euros - dont 39,6 millions d'euros ont bénéficié aux collectivités territoriales. De son côté, la Haute Assemblée a attribué 53,32 millions d'euros de subventions - dont 43,32 millions d'euros à destination des collectivités territoriales.
Le ministre de la Justice François Bayrou avait avancé l'idée d'utiliser la réserve parlementaire pour alimenter un fonds d'action pour les territoires - notamment ruraux - et les projets d'intérêt général. Sans renoncer à cette éventualité, son successeur, Nicole Belloubet, a évoqué lors de son audition, le 27 juin, par la commission des lois du Sénat, une autre piste : la création "de fonds autour de politiques transversales". Il pourrait s'agir, par exemple, de la politique pour les personnes handicapées. Les solutions finalement retenues par l'exécutif figureront dans le projet de loi de finances pour 2018 qui sera discuté à l'automne, et non dans la réforme pour la confiance dans l'action publique.

Annoncée dès le 1er juin par le gouvernement, la limitation à trois du nombre des mandats locaux identiques et consécutifs pouvant être exercés, sera inscrite dans un projet de révision constitutionnelle qui sera quant à lui présenté à l'automne. En dessous d'un seuil de population qui sera fixé par le Parlement, les communes ne seront pas concernées par la mesure. La raison de cette faveur : les candidats à la fonction de maire seraient plus rares dans les petites communes. La nouvelle garde des Sceaux a indiqué qu'à titre personnel, une limite à 3.500 habitants lui semble pertinente.

Le Sénat sera le premier à examiner les projets de loi organique et ordinaire. La commission des lois devait se réunir ce 4 juillet dans la soirée pour étudier les amendements, la discussion dans l'hémicycle étant prévue entre le 10 et le 13 juillet. Au palais Bourbon, l'examen débutera le 24 juillet. L'adoption finale de cette réforme qui sera examinée selon la procédure accélérée interviendra au plus tard à la fin de la session extraordinaire, soit le 3 août prochain.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis