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Elus - Réserve parlementaire : les sénateurs défendent un mécanisme "indispensable" aux petites communes

Auditionnant le 27 juin la ministre de la Justice sur le projet de loi "rétablissant la confiance dans l'action publique", les sénateurs ont notamment défendu le maintien de la réserve parlementaire, indispensable selon eux aux communes rurales. L'interdiction pour les exécutifs locaux d'embaucher des membres de leur famille au sein de leur cabinet les fait également réagir.

La suppression de la réserve parlementaire, qui permet aux députés et aux sénateurs d'allouer chaque année une enveloppe de crédits de plus de 130 millions d'euros (environ 80 millions relevant des députés et 50 millions des sénateurs) à destination notamment des projets des petites communes, n'est pas du tout du goût des sénateurs. A l'unanimité, ceux-ci ont dit, le 27 juin, à l'occasion de l'audition de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, leur interrogation sur la nécessité d'une telle mesure et leur inquiétude.
Les sénateurs ont défendu l'utilité du dispositif pour les petites communes, particulièrement pour celles qui "ne peuvent disposer d'aucun autre dispositif", comme l'a pointé l'UDI Hervé Maurey. "Quand il s'agit de changer une fenêtre à la mairie ou d'acheter une tondeuse pour les espaces verts, vous n'avez rien du tout", a-t-il lancé. Il a aussi défendu un mécanisme qui est aujourd'hui d'une "transparence absolue". "Tout le monde a à peu près la même somme, elle est instruite par le ministère de l'Intérieur, c'est le préfet qui envoie l'arrêté dans chacun des départements et elle est publiée dans la presse. [...] Tout le monde sait qui a donné à qui", a corroboré Rémy Pointereau (LR). Il a conclu qu'il ne voyait pas ce que l'on peut "faire de plus en matière de transparence", pointant à l'inverse des efforts à faire dans ce domaine pour la réserve ministérielle.

Sort de la réserve parlementaire : le gouvernement n'a pas rendu ses arbitrages

"Ce qu'on veut surtout, c'est que cette somme du budget du ministère de l'Intérieur continue bien de revenir de manière concrète aux communes qui en ont besoin", a plaidé pour sa part Michel Raison (LR). La création d'un fonds d'action pour les territoires ruraux annoncée le 1er juin par l'ex-garde des Sceaux, François Bayrou, lui conviendrait sans doute, comme à d'autres défenseurs de la ruralité. Mais un fléchage de la réserve ministérielle vers ces seules zones géographiques est-il constitutionnel ? C'est la question qu'a posée l'écologiste Joël Labbé. Aujourd'hui, la réserve parlementaire ne comporte pas de minimum de population, a-t-il souligné.
Pour autant, l'idée lancée par François Bayrou n'a pas encore été arbitrée par le nouvel exécutif. Ce dernier envisagerait aussi la possibilité de créer "des fonds autour de politiques transversales" comme "la politique pour les handicapés", a avoué la ministre de la Justice. En rappelant que la décision sera prise lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018.
Constatant en tout cas que la suppression de la réserve parlementaire est un des points qui "soulève le plus de difficultés" au Sénat, la ministre s'est engagée à "en faire état au Premier ministre."

La fonction de maire, ce véritable "sacerdoce"

Autre mesure du projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique, l'interdiction pour les exécutifs locaux d'embaucher des membres de leur famille au sein de leur cabinet a suscité les doutes de nombreux sénateurs. "L'interdiction devra-t-elle s'appliquer aux collaborateurs en place depuis des années ?", s'est interrogée la socialiste François Cartron. Qui a assailli la ministre de questions: "Comment seront-ils indemnisés, car tout ceci va avoir un coût financier extrêmement important ? En outre, d'un point de vue légal, comment peut-on appliquer une loi rétroactivement par rapport à un contrat ?"
Dans les collectivités, seuls les emplois de cabinet définis à l'article 110 de la loi sur la fonction publique territoriale sont visés, a notamment répondu Nicole Belloubet. Le texte prévoit qu'il s'agira d'"un licenciement ad hoc avec un préavis de deux mois" et que "ce sera applicable aux emplois en cours."
La garde des Sceaux a par ailleurs confirmé la volonté du gouvernement de limiter à trois le nombre des mandats identiques pouvant être exercés dans le temps, sauf dans les petites communes. En indiquant qu'à titre personnel, un seuil "autour de 3.500 habitants" lui semblait pertinent. Sur cette mesure qui figurera dans le projet de loi constitutionnel qui sera présenté en principe à la rentrée, les réactions des sénateurs ont encore été nombreuses. Roger Karoutchi (LR) a ainsi souhaité que "le couperet" ne tombe pas dès 2020, sinon on ne permettrait pas à un maire qui a lancé des projets au cours de ce mandat de voir leur réalisation lors du prochain. Evoquant le "sacerdoce" que constitue la fonction de maire, Michel Raison a de son côté critiqué une mesure "ridicule".
Nul doute que la discussion sur les projets de loi ordinaire et organique, qui débutera dans quelques jours au Sénat, ne sera pas une sinécure pour la nouvelle ministre.

Référence : projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique.