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Artificialisation des sols - Ces pavillons qui grignotent les champs

En douze ans, la construction de maisons individuelles a été responsable de la disparition de 400.000 hectares de terres, essentiellement agricoles. L'équivalent d'un grand département. Et le phénomène tend à s'accélérer avec l'arrivée de nouveaux habitants.

C'est davantage que toutes les estimations récentes : le développement des maisons individuelles, à lui seul, a causé la disparition de 400.000 hectares d'espaces naturels entre 1992 et 2004. Soit 1% du territoire français. Depuis plusieurs mois, le ministère de l'Agriculture alerte l'opinion sur le phénomène de "rurbanisation" qui tend à s'accentuer mais c'est la première fois qu'il en livre une véritable radioscopie. Selon le dernier numéro d'Agreste Primeur, une revue du ministère de l'Agriculture, les pavillons sont ainsi responsables de la moitié de la disparition des sols de ces dernières années, sur un total de 800.000 hectares grignotés en douze ans, l'équivalent de la superficie de la Marne ou du Puy-de-Dôme, deux des plus vastes départements français.
Le phénomène n'est pas près de s'inverser si l'on en juge par les dernières statistiques de l'Insee qui confirment un repeuplement des campagnes. Pas du fait des agriculteurs mais des "néoruraux", ces citadins venus se mettre au vert. 3,5 millions de personnes ont fait ce choix entre 1992 et 2004, avec un goût prononcé pour les espaces de détente : sur 100 mètres carrés utilisés, 55 sont occupés pour les pelouses et les jardins, une vingtaine pour les allées ou parkings contre un quart seulement pour la maison.

 

80% de l'artificialisation touche les terres arables

Ils se sont surtout implantés en zones rurales (34%), bien avant les couronnes périrurbaines (25%) et les villes et leurs banlieues (17%), là où le foncier est le plus cher. Ce qui n'est pas sans danger. Selon le coordinateur de l'étude, Laurent Bisault, du service de la statistique et de la prospective au ministère de l'Agriculture, la construction de pavillons est "le principal moteur de l'artificialisation des sols", bien avant la réalisation de routes, terrains de sport ou autre habitat collectif. Un phénomène difficilement réversible : en imperméabilisant les sols, le bâti limite l'épuration des eaux et favorise les risques d'inondations. Autre problème, malgré le développement de nouvelles activités comme les services à la personne ou l'écotourisme, l'emploi ne suit pas. D'où la nécessité de construire sans cesse de nouvelles routes et infrastructures pour permettre à ces anciens urbains d'aller travailler. Le réseau routier a ainsi consommé 150.000 hectares de terres cultivées sur la période, soit le double de la surface consacrée aux équipements sportifs.
Et pourtant, la France reste un pays à dominante rural, souligne encore l'étude, puisque le territoire hexagonal demeure en grande partie tourné vers l'agriculture et pour un tiers à l'activité forestière. A titre de comparaison, l'industrie, le tertiaire et l'habitat résidentiel ne couvrent que 10% du territoire national. Pour combien de temps ? 80% de l'artificialisation touche les terres arables. Explication : les bois et forêts sont mieux protégés. Il est en effet interdit de défricher les bois et massifs de plus de 4 hectares. Privée de ses meilleures terres, "situées à proximité des zones les plus peuplées", la production agricole pourrait faire les frais de ce mitage.

 

Michel Tendil