Ces villes sous pression touristique... ou non
Une étude portant sur plus de trois cents villes françaises établit un classement de la "pression touristique" que connaissent ces communes. Grandes métropoles et sites touristiques traditionnels y figurent en bonne place aux côtés de destinations plus surprenantes. Ce qui pose les limites de l'exercice.

© Alain Rouiller CC BY-SA 2.0/ Annecy
Plus d'une ville française – grande ou moyenne – sur quatre connaît une pression forte ou très forte due au tourisme, selon une étude publiée le 24 juin par la société Ville de rêve, spécialisée dans le traitement des données publiques territoriales.
Baptisé "Touriscore", ce classement s'appuie sur quatre critères. Tout d'abord le taux de meublés touristiques dans le centre-ville, soit la part de logements indisponibles pour les habitants. Ensuite, la "prédation" des logements, c'est-à-dire le nombre de petits logements qui, une fois vendus, sont transformés en logements touristiques. Le classement tient également compte du taux de loueurs professionnels, autrement dit, la part des annonces de meublés touristiques publiées par une personne gérant au moins trois biens sur Airbnb. Enfin, on compte la densité de bars et restaurants en centre-ville. Pour chacun de ces critères, les communes sont classées de A, pour une pression touristique "très faible", à E, pour une pression "très forte".
"Tensions particulièrement marquées"
Sur 331 communes analysées, 42% des villes obtiennent un Touriscore A ou B, correspondant à une "faible pression touristique sur la population". Il s'agit le plus souvent de communes situées en première couronne d'une métropole. À l'inverse, 91 communes, soit 28% du total des communes analysées, sont notées D ou E, équivalant à "des tensions particulièrement marquées sur le logement et les commerces de proximité".
Si quatorze communes – huit de plus de 50.000 habitants et six de 10.000 à 50.000 habitants – obtiennent un classement global E, dont Paris et Marseille, trois sont classées E pour l'ensemble des quatre critères : Cannes, Nice et Annecy. À Cannes, l'étude met notamment en avant les 32,5% de logements du centre-ville présents sur Airbnb. À Annecy, 55,2% des ventes immobilières récentes ont fait l'objet d'une offre sur ce même site d'annonces de meublés de tourisme.
La côte atlantique en partie oubliée
En se basant sur des critères quantifiés et objectifs, cette publication éclaire une réalité à l'œuvre depuis plusieurs années dans de nombreuses communes de France. Elle comporte toutefois des limites.
D'une part, de nombreuses communes touristiques, souvent situées sur la côte atlantique, sont oubliées. C'est le cas d'une ville aussi prisée que Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), mais aussi de communes de moins de 10.000 habitants qui, peu peuplées durant l'année, connaissent un afflux de touristes importants durant l'été, à l'image de Capbreton (Landes) qui compte... 9.200 habitants, ou des dix communes de l'île de Ré qui, rassemblées, cumulent une population de plus de 17.000 habitants l'hiver et dix fois plus l'été.
Le mystère Melun
D'autre part, les critères retenus mettent en avant une "pression touristique" sur des villes a priori peu concernées par ce phénomène. C'est ainsi que Melun (Seine-et-Marne) est gratifiée d'un classement D. On touche ici à la limite de la méthode du Touriscore, laquelle amalgame des données sans les hiérarchiser. Car si Melun compte un grand nombre de bars et restaurants dans son centre ville (331 au km2) et si une large majorité (59%) des offres Airbnb y sont gérées par des loueurs possédant au moins trois biens, cette ville ne compte que 3,9% de ses logements de centre-ville sur la plateforme de réservations touristiques. Dans une étude sur les locations saisonnières en Île-de-France parue en 2021, l'Institut Paris Région citait Melun parmi les "pôles urbains secondaires franciliens [...] pour lesquels l'argument touristique ne semble pas immédiatement manifeste". Si un hébergement "au calme" et "moins coûteux" à proximité de Fontainebleau, et de Paris dans une moindre mesure, était mis en avant, le pôle hospitalier de la ville comme son antenne universitaire figurent aussi parmi les facteurs d'attraction... non touristique.