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Chômage partiel : entre crispations syndicales et fraudes patronales

Alors qu’une disposition du prochain décret sur l’évolution de l’APLD (activité partielle de longue durée), prévoyant le non-remboursement des aides perçues par l’employeur en cas de licenciement des salariés concernés, fait bondir les syndicats, le gouvernement temporise le nombre de fraudes  à ce dispositif toujours plus généreux. 

Au fur et à mesure de la détérioration du climat social consécutive à la dégradation de la situation économique, les relations entre l'exécutif et les partenaires sociaux se crispent. D’un côté, le gouvernement tend la carotte en assouplissant les dispositifs de chômage partiel au contexte économique pour tenter de limiter les licenciements et d’un autre, il agite le bâton en multipliant les contrôles dans les entreprises. Ainsi, le ministère du Travail a annoncé à l'AFP le 17 septembre que plus de 270.000 contrôles ont été menés depuis la mise en place du dispositif de chômage partiel et que 440 procédures pénales sont en cours.

"La fraude au total est évaluée à 225 millions d’euros dont plus de la moitié a déjà été bloquée ou récupérée sur un dispositif global de 30 milliards d’euros, soit moins de 1%", temporise le ministère. "Nous assumons d’avoir fait le choix d’un dispositif simple pour accompagner rapidement les entreprises et les salariés", a jouté Elisabeth Borne précisant que "plus de 9 millions de salariés en ont bénéficié au plus fort de la crise. Les services de l’Etat se sont mobilisés pour protéger les Français mais également pour identifier les fraudeurs".

394 plans de sauvegarde de l'emploi en six mois

Dans un rapport publié le 14 septembre, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la fraude sociale estime que le dispositif d'activité partielle "apparaît comme vulnérable à la fraude" et que les contrôles doivent être "amplifiés". Mais alors que le nombre de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) progresse inexorablement, le gouvernement cherche aussi à accompagner le plus possible les entreprises. En effet, selon la Dares, 394 PSE ont été initiés entre le 1er mars et le 13 septembre, contre 249 sur la même période l'an dernier. Près de 57.000 ruptures de contrats de travail sont envisagées au total, soit environ trois fois plus que sur la même période en 2019, un ratio déjà observé en août.

Après avoir chuté au mois d'août, le nombre hebdomadaire de PSE repart à la hausse début septembre : de 10 durant la dernière semaine d'août, il est passé à 19 au cours de la première semaine de septembre, puis à 30 durant la suivante. Par ailleurs, près de 3.200 licenciements collectifs pour motif économique, hors PSE, ont été décidés depuis début mars.

Le droit commun pas soumis au maintien de l’emploi

C’est ce qui incite le gouvernement à prolonger jusqu’à l’été 2021 la possibilité pour les entreprises de signer un accord collectif (au sein de l’établissement, de l’entreprise, du groupe ou de la branche), condition incontournable pour bénéficier de l’activité partielle de longue durée (APLD). Mais le décret devant acter ce prolongement prévoirait également, a révélé l'agence spécialisée AEF le 17 septembre, que "le remboursement des sommes dues par l’employeur en cas de licenciement d’un salarié placé en APLD, ou d’un salarié dans le champ de l’engagement en matière d’emploi, ne sera pas exigé si les perspectives d’activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l’accord collectif ou le document de l’employeur pris sur le fondement d’un accord collectif de branche étendu". Le dispositif de l’APLD exige en effet "qu’en cas de licenciement économique, l’administration peut interrompre le versement de l’allocation et demander à l’employeur le remboursement des sommes".

C’est dans la version du texte qui leur a été adressée en préparation de la réunion de la commission nationale de la négociation collective que les syndicats auraient eu connaissance de cette nouvelle disposition, ajoutée le 15 septembre au texte qui leur avait été soumis quelques jours plus tôt. 

Outre leurs réserves sur cette possibilité offerte aux employeurs, les organisations de salariés déplorent également que le gouvernement "n’introduise pas cette logique d’engagement de maintien de l’emploi dans l’activité partielle de droit commun, contrairement à ce qui avait été acté lors du sommet social à l’Élysée, le 24 juin dernier".