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Climat et Résilience : le débat sur le menu végétarien dans les cantines toujours aussi consistant en commission

Avant d’achever les discussions autour du projet de loi Climat et Résilience, ce 18 mars, la commission spéciale de l’Assemblée nationale, a abordé le volet alimentation du titre V, intitulé "Se nourrir", et notamment la question des repas végétariens dans les cantines scolaires.

La question des repas végétariens dans les cantines scolaires était au menu des discussions de la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le projet de loi Climat et Résilience qui, avant d'achever ses travaux ce 18 mars, a examiné le volet alimentation du titre V du texte, intitulé "Se nourrir". Un débat récurrent puisque la loi Egalim en a déjà posé les jalons. Et c’est bien là que s’est située une partie des discussions, faute pour la commission de disposer sur ce sujet sensible d’une "brique essentielle" pour légiférer, à savoir "le retour précis, consolidé, chiffré de l’évaluation d’Egalim", a concédé la rapporteure du titre, Célia de Lavergne (LREM, Drôme). Le rapport sur l’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire dans nos cantines ne sera ainsi disponible "que d’ici à la séance", comme s’y est engagé le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie. Une prise de recul nécessaire selon les députés LR qui ont tenté en vain de soutenir la suppression de cet article du projet de loi qui propose aux collectivités volontaires d’expérimenter une option végétarienne quotidienne, et ce "avant de tirer des enseignements objectifs de l’expérimentation en cours", d’aucuns comme le député Jean-Marie Sermier fustigeant l’"agribashing" et le "viande bashing". Les critiques ont d'ailleurs également émané de la majorité, en particulier du député LREM de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau, qui c’était déjà illustré fin février en prenant vigoureusement part à la polémique contre des menus sans viande dans les cantines de la municipalité EELV de Lyon. 
De son côté, le ministre a martelé les deux maîtres mots du débat, selon la lui , "la liberté de choix et la qualité". "Il faut garder à l’esprit que la moitié de la viande est importée, et un fruit et légume sur deux, dans toute la restauration hors domicile, y compris les cantines", a-t-il rappelé, appelant les députés à agir avec "beaucoup de force sur la question des origines".
Le rapporteur général, Jean-René Cazeneuve (LREM), a invité la commission à "aborder ce débat sans passion", face au double choix qui est laissé par le projet de loi, "d’une part, aux élus, qui pourront décider ou non de faire cette expérimentation et, d’autre part, aux enfants, qui auront systématiquement un choix dans leurs menus". Le député socialiste Guillaume Garot (Mayenne) a appelé à "sortir des caricatures", à l’instar de Bruno Millienne (Modem, Yvelines) craignant que "la discussion ne prenne un tour dogmatique, le terme 'végétarien' évoquant encore, pour nombre de Français, des mangeurs de brocolis". Tandis qu’au centre droit, l'UDI Thierry Benoit (Ille-et-Vilaine) a jugé que la majorité s'était "fourvoyée" en "alimentant une querelle entre les végétariens et ceux qui veulent manger de la viande".
"Force est de constater que nos régimes alimentaires ont évolué. De plus en plus de Français mangent végétarien – 5% de la population, 12% chez les 18-25 ans ; surtout, ils sont de plus en plus nombreux à introduire une alternative végétarienne dans leur alimentation, près de 30% se disant délibérément flexitariens", a fait valoir la rapporteure. "Le repas végétarien est bon pour l’environnement : il émet 20% à 30% de gaz à effet de serre de moins qu’un repas carné moyen" pour autant, "nous n’avons pas à dire aux gens quoi manger", a-t-elle nuancé. "Notre boussole doit nous guider vers le 'moins mais mieux'", a -t-elle résumé, pour donner à nos enfants "de la viande de qualité à forte valeur nutritionnelle". "Si le sens des propositions de la Convention citoyenne, c’est de manger moins de viande, mais d’en manger mieux, en y mettant plus de valeur, les dispositions de l’article du projet de loi en sont très éloignées", a réagi l’écologiste Delphine Batho, regrettant notamment le périmètre de l’article 59 "réduit à la seule restauration scolaire, là où la Convention citoyenne visait l’ensemble de la restauration collective". 

Expérimentation sur un repas végétarien quotidien (article 59) 

A l’article 59, qui introduit une expérimentation de deux ans, dans les collectivités volontaires, leur permettant de proposer quotidiennement un menu végétarien dans les cantines scolaires, la commission a adopté les deux amendements de la rapporteure. L’un complète les critères d’évaluation de l’expérimentation déjà prévus, à savoir le gaspillage alimentaire, les taux de fréquentation, le coût du repas, et la qualité nutritionnelle des repas, par un critère d’impacts sur le climat. L’autre prévoit que les résultats de l’expérimentation du menu végétarien quotidien soient non seulement transmis au Parlement mais également rendus publics.
Yolaine de Courson (Modem, Côte-d’Or) a également fait adopter un amendement invitant le gouvernement à proposer, d’ici un an, des outils d’aide à la décision et à la formation des gestionnaires aux méthodes d’approvisionnement, à la formulation des marchés publics, et, s’agissant des cuisiniers, à la préparation d’alternatives à base de protéines végétales.
Dans un article additionnel (59 bis), le député Julien Aubert (LR, Vaucluse) a obtenu d’exclure la viande "synthétique" ou "artificielle" issue de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux des services de restauration scolaire, universitaires, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires.

Modulation des tarifs de restauration scolaire (nouvel article 59 ter) 

S’il importe que les repas proposés dans le cadre de la restauration scolaire soient soumis à une exigence de qualité nutritionnelle, c’est une autre préoccupation qui est sous-jacente à un amendement défendu par le député Gaël Le Bohec (LREM, Ille-et-Vilaine), qui s’inquiète de la répercussion sur le prix des repas de l’ambition portée par l’article 59 et prône "la généralisation de la cantine à 1 euro". Le mécanisme qu’il propose est bien connu, puisque c’est le même que celui qui s’applique pour les activités extrascolaires. Il repose sur la prise en compte, par les collectivités territoriales, du quotient familial de la Caisse d’allocations familiales, de façon à faire bénéficier les familles d’une véritable progressivité de la tarification des cantines, "ce qui n’est aujourd’hui pas le cas dans nombre de collectivités, les disparités territoriales étant particulièrement criantes", relève-t-il. Le gouvernement y était défavorable, au nom du "principe de libre administration des collectivités" et car préférant "aider financièrement" les petites communes.

Expérimentation sur la réservation des repas (nouvel article 59 quater)

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, des amendements identiques portés par des députés socialistes, LREM et Modem, permettent aux gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge, d’expérimenter pendant deux ans, sur la base du volontariat, la réservation de repas, afin d’adapter l’approvisionnement au nombre de repas effectivement consommés, y compris pour chacune des alternatives lorsque des choix sont possibles. 

Qualité alimentaire : extension à la restauration collective privée (article 60)

Plusieurs amendements ont également été adoptés à cet article qui prévoit d’étendre à tous les services de restauration collective privée les obligations tenant à la qualité des repas là encore issues de la loi Egalim. La rapporteure a souhaité ajouter les produits issus du commerce équitable dans les 50% de produits de qualité et durables définis dans la loi Egalim que doit atteindre la restauration collective publique (2022) puis privée (2025). Divers amendements similaires LREM, Agir ensemble, Modem, socialistes et LR allaient également en ce sens. La rapporteure travaille par ailleurs avec le ministre pour proposer en séance d’y intégrer les produits issus des projets alimentaires territoriaux (PAT). "Je sais déjà que votre assemblée se divisera sur cette question : certains considéreront qu’il faut ouvrir aux produits locaux, d’autres que cela entraîne une dégradation de la qualité car ils ne sont pas forcément certifiés", prédit Julien Denormandie. "Si nous voulons faire du 'tout label', alors nous excluons les produits du territoire ; il faudrait trouver un moyen de concilier les deux, mais cela pose un vrai problème d’écriture, car les deux objectifs ne sont pas totalement conciliables", a -t-il indiqué.
La commission a en revanche repoussé des amendements LR visant à concrétiser la proposition de la Convention citoyenne pour le climat consistant à intégrer un nouveau critère d’attribution dans les règles de la commande publique relatif au nombre de kilomètres parcourus par le produit. Une "fausse bonne idée", selon le ministre, "de telles dispositions devraient passer sous les fourches caudines de la réglementation européenne et, si elles venaient à être appliquées, introduiraient de la complexité". 
Quant à la date d’entrée en vigueur de cet article d’harmonisation des règles applicables aux personnes morales ayant la charge d’un restaurant collectif, elle est avancée par la commission à 2024 (au lieu de 2025). La députée Frédérique Tuffnell (Modem, Charente-Maritime) actant que "beaucoup de gestionnaires privés y étant déjà prêts". L’extension à la restauration collective privée concernera également l’obligation d’informer, une fois par an, par voie d’affichage et de communication électronique, les usagers des restaurants collectifs de la part des produits durables et de qualité entrant dans la composition des repas servis et des démarches qu'elles ont entreprises pour développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable (avec entrée en vigueur là encore avancée à 2022 au lieu de 2023), ainsi que l’obligation de mettre en place un plan pluriannuel de diversification des sources de protéines pour les restaurants servant plus de deux cents couverts par jour en moyenne (dès 2024 au lieu de 2025).
Autre ajout de la rapporteure, un bilan statistique permettra de vérifier annuellement dans quelle mesure les seuils - part d’au moins 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits biologiques - sont atteints par les responsables des services de restauration collective, c’est-à-dire avant les échéances de 2022 et 2024. 

Chèque alimentation durable (nouvel article 60 bis)

"Je suis d'accord sur le chèque alimentaire, on va le faire, il faut qu'on le fasse", avait déclaré le 14 décembre dernier, le président de la République, Emmanuel Macron, en réponse à la demande des 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat de mettre en place des chèques alimentaires pour les plus démunis à utiliser dans les Amap ou pour des produits bios. 
La commission a donné suite à la demande de députés LREM "d’enclencher une dynamique nationale en faveur d’une mise en place rapide du chèque", à travers la remise d’un rapport intermédiaire dans les 2 mois à compter de la promulgation de la loi, portant sur les modalités, les délais et les premières actions mises en place, puis d’un rapport complet dans un délai de 6 mois portant sur l’architecture et l’engagement du dispositif, notamment les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur faciale et le financement dudit chèque.
Pour le député Mounir Mahjoubi (LREM, Paris), le chèque alimentation durable "peut devenir un véritable outil de relance économique et de souveraineté pour le secteur agricole, au service de l’environnement, et offrant un complément de pouvoir de vivre aux plus démunis". Yolaine de Courson (Modem, Côte-d’Or) en défendait une approche un peu différente marquant davantage qu'une aide alimentaire conjoncturelle une occasion pour l’agriculture de "s'adapter à de nouvelles pratiques".

 

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