Concession et recours pour excès de pouvoir : tout dépend du contenu des clauses
Dans un arrêt du 9 février 2018, le Conseil d'Etat a précisé sa jurisprudence relative à la contestation des clauses réglementaires des contrats. Si une possibilité de recours en excès de pouvoir subsiste pour contester ces clauses, le juge administratif en a fait, dans cette affaire, une stricte application.
En l'espèce, l'Etat avait passé une convention avec la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes. Plus tard, un avenant a été conclu, introduisant des annexes à l'article 47.2 du cahier des charges de la convention. Cet avenant a été approuvé par décret le 21 août 2015. Le président de la communauté d'agglomération Val d'Europe a toutefois demandé au Premier ministre d'abroger les annexes introduites par l'avenant. Selon le président de l'intercommunalité, ces annexes n'étaient pas légales car elles ne prévoyaient pas "la réalisation du barreau de liaison entre l'autoroute A4 et la RN 36 déclarée d'utilité publique par un arrêté préfectoral du 12 juillet 2012". Suite au rejet implicite de sa demande par le Premier ministre, la communauté d'agglomération Val d'Europe a saisi le Conseil d'Etat d'un recours en excès de pouvoir. Pour rappel, la Haute Juridiction administrative est compétente en premier et dernier ressort pour trancher les litiges relatifs à la légalité des décrets.
Le Conseil d'Etat a d'abord rappelé le régime contentieux applicable aux tiers à un contrat de la commande publique. Depuis l'arrêt Département de Tarn et Garonne de 2014, ce contentieux a été unifié au profit du juge du contrat. Désormais, tout tiers est recevable à demander l'annulation d'un contrat s'il justifie d'un intérêt suffisamment direct et certain. Une brèche subsiste cependant pour les clauses règlementaires, les tiers pouvant en demander l'annulation devant le juge de l'excès de pouvoir. La survivance de cette exception, introduite en 1996 par la jurisprudence Cayzeele, a toutefois reçu dans cette affaire une stricte application.
Le Conseil d'Etat a effectivement rappelé la différence entre une clause contractuelle et une clause réglementaire. Cette dernière peut se définir comme celle ayant "pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public". Ont en revanche un caractère contractuel les stipulations relatives "au régime financier de la concession ou à la réalisation des ouvrages". En l'espèce, les stipulations contestées des annexes de l'article 47.2 du cahier des charges de la concession autoroutière étaient relatives à la réalisation d'ouvrages puisqu'elles portaient sur la reconfiguration d'un échangeur autoroutier et en déterminaient les conditions de réalisation.
Le Conseil d'Etat a donc jugé irrecevable le recours pour excès de pouvoir présenté par la communauté d'agglomération.
Référence : CE, 9 février 2018, n° 404982