Congrès des maires – Maîtrise du foncier : les élus préfèrent des modifications législatives "par petites touches" à une "grande loi"
Lors d’un forum du Congrès de l'Association des maires de France (AMF) consacré à la maîtrise du foncier, qualifiée de "mère des batailles" par le ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun, les élus présents ont fait part de leur préférence pour des modifications législatives "par petites touches" à une nouvelle "grande loi".
© Vincent Jeanbrun, Thierry Repentin et Constance de Pélichy/ F. Fortin et Aurélie Roudaut
"On est loin d’avoir tout essayé sur la question du foncier !" Intervenant, ce 18 novembre, au Congrès de l'Association des maires de France (AMF), lors d’un forum intitulé "Lever les contraintes à la maîtrise foncière au service des politiques d’aménagement", le ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun, s’est fait positif - quand bien même a-t-il rappelé par ailleurs la "crise majeure" du logement, plus que jamais criante (lire notre article du 6 novembre).
ZAN digéré ?
De manière générale, les échanges lors de ce forum furent plutôt apaisés - et ce, bien que le foncier soit le "sujet au cœur de nos difficultés", estime Thierry Repentin, maire de Chambéry, coprésident de la commission aménagement de l'AMF - "la mère des batailles", selon Vincent Jeanbrun. Pour preuve, la question du zéro artificialisation nette (ZAN), qui aurait naguère monopolisé - et aiguisé - les débats, a tout juste été évoquée par les intervenants. Elle semble désormais digérée, même si, sur le terrain, la question reste souvent entière, comme l’a montré une question de la salle.
Pas besoin d’une nouvelle loi
Car tout ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible, loin s’en faut. "La loi reste trop complexe et les moyens financiers manquent", résume d’une phrase Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier) et coprésidente de la commission aménagement de l'AMF, en déplorant au passage "qu’on n’a pas pensé que les prix allaient augmenter en rendant le foncier de plus en plus rare". Pour autant, prévient d’emblée Thierry Repentin, "nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi. Les outils existent".
Des outils qui existent parfois de longue date
Parfois de longue date, comme le met en avant maître Michèle Raunet, notaire, en mentionnant différents outils de démembrement de propriété à la disposition des communes : bail emphytéotique administratif (BEA), autorisation d’occupation temporaire du domaine public (AOT), bail à construction, bail réel solidaire… Des outils que la notaire invite les élus à saisir, parce qu’ils permettent "de contrôler le foncier dans le temps", de "rendre le logement abordable" ou encore de "développer une politique économique en conservant sa souveraineté". Ce que certains font déjà, comme s’en enorgueillit Thierry Repentin : "À Chambéry, on ne vend plus de terrain. On ne fait plus que du bail à construction", vante-t-il.
Mais difficilement accessibles pour les petites collectivités
Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (Loir-et-Cher), tempère toutefois l’enthousiasme : "Pour les petites communes, il est difficile de s’emparer des dispositifs existants, faute d’ingénierie." Or, "sans ingénierie, on ne sait plus faire", concède l’élu isérois, en relevant que les communes sont en outre "de moins en moins aidées par l’État". D’autres acteurs existent, à l’image des établissements publics fonciers locaux, qui font l’unanimité. "Un outil essentiel", loue Thierry Repentin. Un "outil absolument génial", s’enflamme la député Liot du Loiret Constance de Pélichy. Pourtant, "les communes n’ont pas la capacité d’adhérer elles-mêmes à ces établissements quand l’EPCI auquel elles appartiennent n’y adhère pas", déplore Catherine Lhéritier. Une hypothèque que vient toutefois lever la proposition de loi Huwart définitivement adoptée il y a peu (lire notre article du 16 octobre), pour peu que le Conseil constitutionnel n’y trouve à redire. "Une loi de simplification dont on attend beaucoup", confie Véronique Pouzadoux à propos de ce texte, elle qui insiste par ailleurs sur "le besoin de travailler sur la sécurité juridique".
Autre acteur vanté par Catherine Lhéritier, les CAUE (elle préside celui du Loir-et-Cher). Mais, derechef, l’élue alerte sur la situation financière plus que précaire de ces derniers - conséquence de la réforme de la taxe d’aménagement (lire notre article de ce jour) -, appelant même le gouvernement à leur "sauvetage". Il faut leur "retrouver des financements sains", implore-t-elle.
Des aménagements législatifs "par petites touches"
De manière générale, si les élus intervenant n’appellent pas à une nouvelle "grande loi", ils n’en attendent pas moins plusieurs aménagements législatifs. "Par petites touches", précise Constance de Pélichy. Reprenant des mesures qu’elle a récemment défendues dans une proposition de loi (lire notre article du 22 mai), la parlementaire préconise par exemple de "renverser la logique" pour faire de la taxe sur les friches commerciales — et sur les fiches industrielles, qui serait créée — "le régime de droit commun lorsque le bien n’est pas occupé pendant deux ans", comme pour la taxe d’habitation sur les logements vacants ; taxe que les communes pourraient en outre majorer pour les "multi-propriétaires". "Il faut les pousser à les vendre !", exhorte-t-elle.
Toujours pour "rendre plus attractive la sortie de la vacance", car "réhabiliter coûte cher !", la députée plaide également, comme Thierry Repentin, pour la "création d’un crédit d’impôt généreux - 25%" en faveur des propriétaires réhabilitant et remettant sur le marché des logements vacants. "C’est un gisement monumental", assure-t-elle. Elle suggère encore de permettre le recours à la procédure de biens sans maître pour les successions ouvertes depuis plus de 10 ans, contre 30 ans actuellement, et de faciliter la résolution des successions en déshérence pour les indivisions constituées depuis au moins 10 ans.
Thierry Repentin propose pour sa part de permettre aux communes de majorer plus facilement la taxe d’aménagement - solution également appuyée par le maire de Lens, Sylvain Robert. Il souhaite en outre l’ouverture d’une "expérimentation permettant aux communes de plafonner le prix des terrains à construire", ou plus encore de capter une partie de la plus-value tirée de la vente d’un tel terrain "quand c’est la commune qui a créé de la valeur" via les aménagements par elle opérés.
"Choc de simplification"
Autant de propositions dont le ministre Jeanbrun assure avoir bien pris note, lui qui aspire par ailleurs à ce que "les maires fassent remonter leurs bonnes pratiques". Un ministre qui entend de son côté conduire un "choc de simplification", via "différents textes qui arrivent". Cette simplification passerait par un "guichet unique" pour "permettre à tous les porteurs de projets d'avancer". L'enjeu pour lui est de "rendre de l'oxygène au monde de l'aménagement et aux maires" qui passent selon lui un temps considérable en "réunions techniques" pour des opérations qui mettent des années à avancer. Le tout en "s’inspirant de Notre-Dame et des JO. Je rêve des JO du logement, des JO de l'aménagement du territoire, du Notre-Dame de l'urbanisme", confesse-t-il.