Coopérations territoriales : un passage devenu obligé pour les acteurs publics et privés
S'ils voient les fragilités de leurs territoires, les acteurs publics et privés des territoires misent sur les coopérations pour relancer la dynamique. C'est ce qu'a analysé l'Observatoire des partenariats dans une étude-pilote "Tendances & Fragilités économiques", présentée le 20 novembre dans le cadre du Salon des maires.
En 2020, durant la crise sanitaire, l'Observatoire des partenariats*, créé en 2008 par la Caisse des Dépôts et Le Rameau, avait lancé une étude-flash "Jouer collectif en sortie de crise" pour connaître et comprendre les capacités de rebond des acteurs publics et privés des territoires. Cinq ans plus tard, il réitère l'exercice avec une question principale : comment les entreprises, les associations mais aussi les collectivités territoriales agissent-elles au plus près du premier kilomètre des besoins, des ressources et des envies d'engagement ?
L'étude a été menée en plusieurs temps : une phase d'exploration en juin et juillet 2025 pour capter les signaux faibles, une phase d'écoute et d'éclairage durant l'été et le mois de septembre 2025 pour voir quelles sont les tendances à l'œuvre dans les territoires et une dernière phase d'étude pilote auprès de réseaux ciblés comme la Fondation pour l'inclusion Face, l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP), le réseau Alliances des entrepreneurs responsables des Hauts-de-France, afin de qualifier les fragilités économiques des territoires. Cette étude pilote "Tendances & Fragilités économiques" a été présentée le 20 novembre 2025 durant un webinaire organisé dans le cadre du Salon des maires.
Une pratique de la coopération territoriale présente partout
Principal constat : les acteurs économiques privés et publics sont conscients de la fragilité de la santé de leurs territoires mais ils sont porteurs d'une vraie dynamique de coopération. 62% des acteurs considèrent ainsi leur territoire comme étant en difficulté, 8% comme étant sinistré. "Seulement un tiers d'entre eux le voient comme dynamique, ce n'est pas beaucoup", a souligné Anne Robin, fondatrice de Comisis, directrice scientifique de l'Observatoire des partenariats, lors du webinaire. Les associations sont parmi les plus pessimistes : 15% considèrent leur territoire comme sinistré.
Leur attachement au territoire est toutefois fort : ils sont 88% à considérer que pour entreprendre le lien avec le territoire d'implantation est important (98% pour les associations), et pour 75% d'entre eux, agir en territoire est un atout pour créer et développer son activité.
Et la pratique de la coopération territoriale est présente partout ou presque : 93% des acteurs indiquent ainsi que leur territoire est porteur d'une dynamique de coopération entre les différents acteurs (entreprises, collectivités territoriales, associations, initiatives citoyennes…). Dans le détail, 27% estiment que ces pratiques sont ancrées dans le fonctionnement du territoire, 41% qu'elles sont de plus en plus nombreuses, et 26% estiment que cela commence à émerger.
Des alliances pour faire émerger les moteurs de développement économique durable
Le "jouer collectif" est ainsi "vécu désormais comme incontournable pour agir durablement face aux crises économiques, sociales et environnementales", assure l'étude. 96% affirment que le "jouer collectif" est nécessaire, dont 73% qui le considèrent "incontournable". "Un chemin clair est donc tracé, a assuré Anne Robin, ce sont bien les alliances organisées qui permettront de faire émerger les nouveaux moteurs de développement économique durable".
Ces alliances prennent des formes différentes : des partenariats avec des structures d'intérêt général (associations, fondations), avec des acteurs publics locaux (collectivités locales, établissements publics), avec des collectifs d'entreprises (clubs locaux, réseaux), des établissements scolaires, des fédérations professionnelles ou encore des structures d'insertion par l'activité économique (chantiers, entreprises d'insertion, établissements et services d'accompagnement par le travail-Esat). Dans une moindre mesure, il s'agit de partenariats avec les acteurs publics nationaux (ministères, institutions, …) ou les réseaux consulaires. Elles se développent autour de pratiques responsables (action partenariale visant à améliorer la performance sociale, environnementale ou sociétale), de mécénat (soutien humain, matériel et/ou financier à une ou des actions d'intérêt général), de coopération économique (via une offre commune élaborée avec un ou des acteurs d'un profil différent comme la réponse à un marché public avec une structure d'insertion) ou d'innovation sociétale (coconception et/ou expérimentation partenariale innovante pour faire émerger une nouvelle réponse à un besoin sociétal non couvert).
Un cadre juridique, un financement, et un projet d'action en commun
L'ANPP qui a participé à l'étude-pilote soutient depuis longtemps la mise en œuvre de ce type de coopérations. "Nous portons plusieurs points, explique l'association : coopérations entre territoires urbains et ruraux, coopérations interterritoriales, transfrontalières, européennes, coopérations public/privé, entre élus…"
Et pour accélérer ces coopérations, les acteurs estiment qu'il faut que les élus locaux portent un message clair sur les enjeux autour du "jouer collectif". Ils pensent aussi qu'il est nécessaire d'avoir un cadre juridique adapté aux alliances entre acteurs de profils différents et des outils pour concevoir, piloter et évaluer les alliances. Autres leviers identifiés : un accès privilégié aux marchés publics pour ces alliances locales et un avantage fiscal donné aux alliances stratégiques entre TPE-PME et acteurs locaux. "Il y a également un besoin de financement de ces coopérations", souligne aussi l'ANPP.
Enfin, l'étude indique les leviers qui émergent chez les acteurs économiques pour favoriser l'engagement et la mobilisation de tous dans les transitions : partager la vision des enjeux, fragilités et trajectoires (59%), créer un projet d'action en commun (31%) et instaurer un cadre (13%), à savoir des règles et normes.
Les besoins des acteurs des territoiresPar l'intermédiaire de son étude-pilote "Tendances & Fragilités économiques", présentée le 20 novembre 2025 dans le cadre du Salon des maires, l'Observatoire des partenariats fait le point sur les besoins des acteurs publics et privés des territoires. En matière économique, le plus fort besoin correspond à la trésorerie à court terme. Près de la moitié des acteurs (48% voire 56% dans les moins de dix salariés), et plus particulièrement les associations, expriment ainsi un besoin fort à lever ce risque. La trésorerie "est une mauvaise raison de mettre en fragilité une structure, ce n'est pas normal par exemple que les associations fassent les frais d'une mauvaise gestion de trésorerie de la part de l'Etat ou des collectivités", a indiqué Timothée Delacôte, délégué général de la Fondation Face, appelant à un plaidoyer fort à porter auprès des pouvoirs publics sur le sujet. Le besoin d'accompagnement à la transformation du modèle socio-économique se positionne en deuxième, puis vient le besoin d'investissement pour un rebond économique à 3-6 mois, qui apparaît toutefois plus modéré, même pour les associations. Dans le domaine du numérique, plus que des besoins en matière de digitalisation, c'est la sécurité numérique et des nouvelles applications numériques pour poursuivre ou développer l'activité, qui apparaissent comme les deux préoccupations les plus fortes, loin devant la lutte contre la fracture numérique et la formation aux usages et outils numériques. |